L'Europe continue de mettre des bâtons dans les roues aux banques marocaines.
Par A. Hlimi
Actuellement, les banques marocaines sont présentes dans 27 pays du continent et disposent de filiales et succursales dans 7 pays européens, en plus d’une cinquantaine de bureaux de représentation à travers différentes régions du globe. Cette présence permet de profiter d'une importante manne financière en provenance des transferts des MRE. Elle a été aussi facilitée par les pouvoirs publics et la Banque centrale, qui ont poussé à la diversification des canaux de transmission et à la réduction des coûts.
Depuis la pandémie, ce ne sont pas moins de 10 milliards de dollars annuellement qui viennent soutenir notre consommation intérieure et nos réserves de change. Mais cette perspective se heurte à un agenda politique hostile en Europe, avec la volonté de l’Union européenne de profiter du Brexit pour couper court à une certaine pratique : le rapatriement de produit net bancaire et de liquidités des banques étrangères implantée dans l’UE, depuis l’Europe vers leurs pays d’origine sans création de valeurs sur le territoire européen. Depuis le Brexit, près de 5.000 sociétés financières ont délocalisé une partie de leurs activités de l’Angleterre vers l'Union européenne. Et celles qui ont choisi de continuer à effectuer des transferts normalement en payent le prix fort, avec un durcissement de la réglementation et des conditions de transfert, et donc des coûts. Certains observateurs font remarquer que l’UE applique cette même stratégie aux autres banques à capitaux étrangers.
L'étau se resserre
Les transferts des MRE vers leur pays volent de record en record. Autour de 100 Mds de dirhams par an, les transferts représentent désormais 8% du PIB, aident à financer plus du tiers du déficit commercial et représentent près de 20% des ressources collectées par les banques. Mais la réglementation devient de plus en plus contraignante. En effet, plusieurs autorités bancaires de pays de l’Union ont décidé de suspendre l’activité d’intermédiation opérée par les filiales bancaires situées en Europe auprès de la diaspora et pour le compte de leur maisonmère marocaine. Les conditions de prestation de cette activité vont davantage se durcir si le projet de directive européenne relatif notamment aux succursales de pays tiers est voté en l’état.
Ce projet prévoit l’interdiction pour les banques étrangères non établies dans l’UE d’offrir des services bancaires du pays d’origine directement à leurs clients résidant dans un pays de l’Union. Actuellement, principalement soumises à la législation nationale, à l'exception de certaines obligations d'information, ces entités, qui ont considérablement accru leur activité dans l'UE au cours des dernières années, sont porteuses de risques, estime l'UE. Le texte harmonise les règles européennes dans ce domaine, afin que les autorités de surveillance soient en mesure de mieux gérer les risques liés à ces entités qui peuvent détenir des montants d'actifs très importants, alors même qu'elles restent en dehors des radars de l'UE et ne sont pas actuellement soumises aux exigences prudentielles prévues par la réglementation européenne. Il est ainsi prévu que toute prestation de services bancaires par des entreprises de pays tiers soit conditionnée désormais par l'établissement préalable d'une succursale (SPT), voire d'une filiale sur le territoire de l'Union, agréée à cet effet. Chose qui pourrait devenir coûteuse pour nos établissements marocains.
«Il nous semble qu’une action diplomatique d’envergure de nos pays est nécessaire pour alerter sur ces développements préoccupants et œuvrer à préserver les acquis et à maintenir les liens, tout particulièrement des dernières générations des migrants sur le sol européen avec la mère patrie», avait réclamé le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, en commentant cette affaire. A ces contraintes, s’ajoute la convention de l’OCDE portant sur l’échange d’informations fiscales, dont l’entrée en vigueur prochaine suscite une grande inquiétude des Marocains du monde. Pour Jouahri, «il sera nécessaire d’œuvrer, dans l’intérêt de notre continent et de nos compatriotes, pour que cette norme soit déployée sans entraver les transferts de fonds des migrants». En attendant, ce sont les établissements de paiement spécialistes des transferts de fonds qui risquent d’être les grands gagnants dans cette opération. Le transfert de cash est l'essence même de leur activité et ils ne sont pas concernés par cette directive européenne. Dans le cas où elle serait adoptée, ces établissements récupéreront les clients des banques.