La co-organisation du Mondial en 2030 offre au Maroc une opportunité de renforcer son positionnement touristique. Dans cet entretien, Othmane Ibn Ghazala, vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), dévoile les axes stratégiques de la CNT pour accompagner cette dynamique, améliorer la compétitivité du secteur et capitaliser sur la visibilité internationale pour un héritage touristique durable.
Finances News Hebdo : Votre élection en tant que vice-président de la CNT coïncide avec une période charnière pour le secteur, marquée par des ambitions audacieuses et des défis stratégiques. A la veille de la CAN 2025 et du Mondial 2030, comment la CNT prévoit-elle de contribuer au renforcement du secteur ?
Othmane Ibn Ghazala : La stratégie de la CNT s’articule autour de 3 axes que sont la co-construction, la compétitivité et la durabilité. Cette stratégie se matérialise à travers plusieurs actions. Dans un premier temps, la Confédération se mobilise pour renforcer la gouvernance de l’industrie du voyage et de l’hospitalité ainsi que les instances de représentation du secteur privé afin d’accompagner nos partenaires institutionnels, tels que le ministère et l’Office du tourisme, dans le déploiement de leur feuille de route et plans d’action. Par ailleurs, nous œuvrons à améliorer la compétitivité du secteur en soutenant l’investissement hôtelier, la rénovation du parc existant et en multipliant les liaisons aériennes qui permettent d’augmenter le nombre d’arrivées touristiques et, ainsi, améliorer le taux d’occupation des hôtels. Nous accompagnons également les dispositifs d’appui aux TPME tels que Go Siyaha, qui a pour objectif la montée en compétences de l’ensemble des acteurs du tourisme, d’une part, et l’amélioration de l’offre d’animation touristique, d’autre part. Ensuite, et c’est là notre priorité, nous orientons la majorité de nos efforts vers l’amélioration de la formation. La CNT anime, en partenariat avec l’Association marocaine des experts et scientifiques du tourisme (AMEST), le Cercle des formateurs et experts du tourisme. Ce dernier se veut une plateforme d’échanges entre les professionnels et les responsables de la formation. Elle a pour but de valoriser les métiers du tourisme, de réhausser le niveau des établissements de formation à travers des programmes co-brandés avec les meilleurs acteurs internationaux (Cornell University, l’Ecole hôtelière de Lausanne, etc.) et d’adapter les programmes de formation aux besoins du secteur. Nous soutenons également la formation continue et la valorisation de l’expérience des travailleurs du secteur à travers le programme Kafaa de validation des acquis d’expérience. Enfin, nos actions autour de l’innovation et le développement durable viennent cristalliser l’ensemble des chantiers précités, à travers l’animation de la communauté Travel Tech Morocco, mais aussi des partenariats avec des ONG et des agences de développement internationales qui ont pour objectif d’améliorer la durabilité du secteur.
F. N. H. : L’objectif de 26 millions de touristes d’ici 2030 paraît désormais atteignable grâce à l’organisation du Mondial. Toutefois, des efforts restent à faire pour garantir une offre touristique conforme aux exigences de cet événement d’envergure. Quels sont, selon vous, les axes principaux sur lesquels le Maroc doit se concentrer pour répondre aux besoins spécifiques des visiteurs ?
O. I. Gh. : Les 3 axes principaux qui nous permettront d’améliorer l’expérience touristique des visiteurs sont :
• La formation pour l’amélioration de la qualité de service;
• La digitalisation des services touristiques pour faciliter leur utilisation et l’accès à l’information (hôtellerie, monuments, mobilité, restauration, etc.);
• La structuration et la mise en tourisme des espaces publics, et cela concerne principalement l’aménagement urbain, la définition de zones piétonnes, la structuration d’espaces destinés à différentes utilisations, notamment au niveau des plages et des circuits de randonnées.
Ces éléments amélioreront l’expérience des voyageurs internationaux, mais également des voyageurs nationaux pour soutenir et développer le tourisme interne.
F. N. H. : Quels héritages durables l’industrie touristique peut-elle espérer tirer de l’organisation de ces événements ? Comment capitaliser sur la visibilité internationale acquise pour maintenir un flux constant de visiteurs après ces compétitions ?
O. I. Gh. : La Coupe du monde donnera au Maroc une visibilité sans précédent qui nous permet d’entrevoir une augmentation significative de l’intention de visiter le Royaume à la fois par ceux qui auront découvert la destination sans pouvoir assister au Mondial, et par ceux qui y auront assisté et qui souhaiteront y revenir dans un autre cadre. Le Maroc jouit déjà d’une perception de plus en plus positive à travers le monde. L’association de la destination aux valeurs du sport ne pourra qu’améliorer cette perception davantage. Mais pour ce faire, nous devons absolument offrir une «fan experience» sans faille. A l’instar de Qatar en 2022, il est essentiel de garantir une gestion fluide et efficace des flux humains, des accès aux stades et aux fan zones digitalisées, des enregistrements aux aéroports et aux hôtels accélérés, notamment grâce à la technologie. Cela permettra aux visiteurs de se concentrer sur la célébration de leurs équipes dans une ambiance festive sécurisée. Si cette fan experience est réussie, nous serons en mesure de maintenir un flux de visiteurs constant, avec une nette amélioration de la performance de trois indicateurs clés dans l’industrie du voyage. Il s’agit de la durée moyenne de séjour, du panier moyen par touriste et du taux de retour.
F. N. H. : La synergie entre le secteur public et privé est fondamentale pour faire évoluer tout secteur. Selon vous, quels sont les principaux apports des partenariats public-privé dans le développement et la compétitivité de l’industrie touristique au Maroc ?
O. I. Gh. : La synergie entre le secteur public et privé permet de mieux structurer et de mieux contrôler le secteur en luttant contre l’informel et en améliorant la qualité des prestations touristiques. Cette synergie permet également d’identifier les actions les plus prioritaires pour le secteur et de développer conjointement les projets d’investissement ou les programmes d’accompagnement les plus pertinents et les plus alignés avec les besoins réels de l’industrie. De surcroît, cette synergie permet d’augmenter le taux de réussite des programmes développés par le département du tourisme à destination des professionnels tels que Cap Hospitality et Go Siyaha. Elle facilite la diffusion de l’information, la sensibilisation ainsi que la formation des professionnels. Ces actions sont réalisées à travers les associations régionales et les fédérations nationales de l’industrie hôtelière, les agences de voyage, les transporteurs touristiques, les restaurateurs touristiques et les guides, que rassemble la CNT. C’est d’ailleurs pour cette raison que des associations régionales professionnelles fortes et structurées sont essentielles pour accompagner le développement de l’industrie.