- Les transferts financiers sont l’un des principaux avantages de ce type de migration entre le Maroc et l'Espagne.
- Eclairage de Mohamed Yatim, ministre de l'Emploi et de l'Insertion professionnelle.
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Finances News Hebdo : Les conditions de travail des saisonnières marocaines recrutées pour la cueillette des fraises sont souvent pointées du doigt. Comment le ministère de l’Emploi veille-t-il au respect des droits et de la dignité de ces travailleuses ?
Mohamed Yatim : Le recrutement des travailleuses saisonnières marocaines pour la cueillette des fraises et autres travaux agricoles saisonniers s’effectue dans le strict respect des dispositions de l’accord bilatéral de main-d’œuvre conclu entre le Maroc et l’Espagne le 25 juillet 2001.
Les dispositions de cet accord garantissent aux travailleurs marocains les mêmes droits et avantages accordés par la législation espagnole en vigueur (conditions de travail, durée, salaires, assurance et protection sociale). D’autant plus que le secteur de la cueillette des fraises est soumis aux dispositions de la convention collective signée entre le gouvernement espagnol et les professionnels de ce secteur, selon laquelle les travailleurs étrangers jouissent des mêmes droits et obligations que leurs homologues espagnols.
En plus de toutes ces garanties légales, le ministère du Travail et de l’Insertion professionnelle et l’Anapec accordent une importance particulière à la main d’œuvre saisonnière en Espagne. Le dispositif de suivi et d’évaluation veille notamment à organiser des rencontres périodiques entre l'Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (Anapec) et le Conseiller de l’emploi et de la sécurité sociale près l'ambassade d'Espagne à Rabat, pour préparer les opérations au début de la campagne agricole et les évaluer à la fin de ladite campagne.
Il consiste aussi à tenir des réunions périodiques au Maroc, ou en Espagne, entre l’Anapec et les représentants des associations agricoles afin d'améliorer les performances et renforcer les points forts et éviter les faiblesses en matière de gestion des flux des travailleurs.
Il s’agit également de répondre aux plaintes émanant des travailleuses, et les transmettre à l'Ambassade d'Espagne à Rabat, qui les transmet à son tour aux autorités compétentes en Espagne (services de l'inspection du travail ou services de la sûreté en Espagne) en vue de fournir des réponses.
Il s’agit enfin de sensibiliser la partie espagnole quant à l’accompagnement des travailleuses saisonnières pour faciliter leur intégration dans les domaines sociaux et professionnels.
Il y a lieu de noter que parmi les priorités des deux parties, marocaine et espagnole, figurent le développement des structures d'accueil et l’amélioration des conditions de travail et des moyens de subsistance des travailleuses marocaines.
F.N.H. : Ce recrutement s’inscrit dans le cadre de l’accord bilatéral signé entre les deux pays depuis plus de 17 ans. N’est-il pas temps de revoir les termes dudit accord ?
M. Y. : L’Espagne et le Maroc entretiennent des rapports migratoires particuliers, formalisés par un accord administratif sur les travailleurs marocains saisonniers en Espagne en septembre 1999, qui vise une gestion des flux migratoires selon une approche différente de celle de la politique restrictive des contrôles serrés de ces flux, et constitue un moyen de décourager l’émigration clandestine.
Cet accord a été élargi en juillet 2001 aux flux des travailleurs marocains permanents. Il prévoit notamment une procédure de communication de l’offre d’emploi, une évaluation des qualités professionnelles requises, ainsi que des dispositions sur les droits et conditions des travailleurs marocains dans les domaines de la protection sociale et de l’emploi.
Cet accord a permis à l’Anapec de signer des conventions de partenariat entre 2007 et 2011 avec des employeurs espagnols intéressés par des compétences marocaines permanentes dans les domaines de la restauration et la grande distribution, à savoir le Groupe Sigla (VIPS), le Groupe Hermanos Martin et le Service d’emploi catalan (SOC) et une convention avec la mairie de Kartaya en 2006 pour le recrutement de la main d’œuvre saisonnière dans le secteur agricole.
L’accord prévoit également l’examen par la partie espagnole, et avec une bienveillance particulière, des demandes d’autorisation de séjour et de travail formulées par les travailleurs marocains ayant exercé en Espagne pendant quatre ans en tant que saisonniers.
F.N.H. : Le Maroc tire-t-il profit dudit accord ?
M. Y. : Les avantages de la migration saisonnière sont avant tout onéreux. Avec un salaire journalier d’environ 40 euros, les ouvrières agricoles marocaines gagnent en 4 mois l’équivalent d’une année de SMIG au Maroc, ce qui permet une nette amélioration des conditions socioéconomiques de ces ouvrières. Dans ce cadre, une étude de satisfaction menée sur les ouvrières agricoles en 2009 a porté notamment sur le salaire perçu, les heures de travail et les heures supplémentaires, le transport depuis le Maroc jusqu’à l’Espagne, le logement, les formations, le transfert d’argent, les soins médicaux… Le résultat de cette étude a montré un taux de satisfaction élevé par rapport aux questions posées.
Quant à la question portant sur l’investissement de l’argent gagné via le travail saisonnier, les réponses ont révélé que 55% sont destinés à la consommation, 13% à la scolarité, 10% à l’achat d’une maison, 6% à un projet d’investissement et 16 % à l’équipement de maison.
Les transferts financiers sont l’un des principaux avantages de ce type de migration et contribue également au développement régional et à la régulation du marché de l’emploi. ■
L. Boumahrou