Les multiples crispations suscitées par la fiscalité et le système fiscal marocain, d’une manière générale témoignent de la complexité de livrer une analyse objective afférente à la pression fiscale subie par les entreprises, créatrices de richesse et pourvoyeuses d’emplois au Maroc.
Si du côté du Fisc, les sociétés doivent faire preuve de civisme fiscal, celles-ci estiment en revanche qu’elles croulent sous le poids d’une lourde charge fiscale et sociale. Or, Mohamed Boussaïd, ministre de l’Economie et des Finances, a fait récemment une révélation de taille : «L’on assiste à une baisse de la pression fiscale, qui se situerait autour de 22% du PIB contre 26% en 2008». Cette réalité chiffrée annoncée par l’argentier du Royaume tranche radicalement avec le sentiment des opérateurs économiques, qui s’estiment être lésés par une pléthore d’impôts et taxes, avec des taux jugés élevés.
L’amertume
«Parfois, nous avons l’impression de gérer une structure en association avec l’Etat et non une société privée. Le Fisc et les caisses de retraite ponctionnent une part substantielle des ressources des TPE et des PME», s’insurge Ahmed Elazraq, patron de la société Gtel, spécialisée dans les télécoms, qui a étendu ses activités en Afrique de l’Ouest.
Certains entrepreneurs sont convaincus que l’ampleur de la fraude et de l’évasion fiscales au Maroc sont à relier à la forte pression fiscale supportée par les entreprises. «Un niveau d’imposition plus raisonnable serait plus bénéfique aux caisses de l’Etat, car les patrons de PME seraient moins enclins à se défaire de leurs obligations fiscales», souligne Elazraq. Et d’ajouter : «Certes, l’introduction de l’IS progressif dans le PLF 2018 est de nature à réduire la charge fiscale supportée par les PME marocaines, mais elles s’acquittent d’autres impôts, taxes et cotisations sociales qui n’ont pas baissé substantiellement».
Il est utile de rappeler que les Assises nationales sur la fiscalité qui se sont déroulées à Skhirat en avril 2013, ont débouché sur une pléthore de recommandations se résumant à l'équité du système fiscal, la compétitivité des entreprises et le civisme fiscal. D’où les suggestions allant de l’instauration du foyer fiscal, la création de l’impôt sur la fortune, la taxe sur la solidarité, la taxe sur terrains non bâtis… jusqu’à la lutte contre la fraude et l'appréhension de l'informel.
Notons tout de même que le gouvernement a procédé à l’implémentation de certaines recommandations non moins importantes pour la rentabilité et l’équité du système fiscal, susceptibles de doter l’Etat de ressources nécessaires pour faire face aux dépenses de fonctionnement et d’investissement pour l’avenir. Il y a lieu de citer la taxation du secteur agricole, les efforts déployés pour l’intégration des entreprises dans le secteur formel (statut de l’autoentrepreneur) et la multiplication des vérifications fiscales afin d’appréhender les fraudeurs. Cependant, en matière d’allègement de la pression fiscale et d'adaptation des impôts aux capacités financières du tissu entrepreneurial marocain, recommandations-phares issues des Assises, l’on est encore loin du compte aux yeux du patronat.
Réparation de l’anachronisme fiscal ?
Certains chefs d’entreprise estiment que l’introduction de l’IS progressif contribue à la cohérence et à l’équité du système fiscal marocain. Mais le patron de Gtel ne semble pas être satisfait outre mesure. «Il était anachronique de continuer avec un taux d’IS de 30% pour les TPE, qui ont généralement un bénéfice net inférieur à 300.000 DH. L’IR progressif existe depuis des années. La nouvelle progressivité de l’IS vient donc remédier tant soit peu à l’anachronisme de notre système fiscal», assure-t-il.
Cela dit, les opérateurs économiques ne manquent pas de souligner que les charges fiscales et la pression sociale (part patronale des cotisations sociales) sont d’autant plus lourdes que les TPE et PME sont dans une logique de survie, avec un manque de soutien réel de la part de l’Etat et des organismes de financement. De plus, ces deux familles d’entreprises qui représentent plus de 95% du tissu économique, se heurtent aux programmes d’accompagnement difficiles d’accès. L’Etat gagnerait ainsi à mieux soutenir les entreprises, ce qui pourrait contribuer au renforcement du civisme fiscal des patrons de société. Ces derniers estiment parfois que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
M. Diao