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Réforme fiscale : l’informel en ligne de mire

Réforme fiscale : l’informel en ligne de mire

La réforme fiscale de 2025 s’annonce comme un changement de paradigme, où l’impôt devient une donnée tracée en temps réel et où l’économie informelle perd progressivement son opacité. Toutefois, son succès dépendra de l’équilibre entre incitation et contrainte.

 

Par Désy M.

Le Maroc amorce une réforme fiscale majeure en 2025, une refonte profonde visant à intégrer pleinement le secteur informel dans le circuit formel. En toile de fond, un enjeu de taille : capter les flux financiers échappant à l’impôt et moderniser la gestion des recettes publiques. Chaque année, près de 40 milliards de dirhams échappent aux caisses de l’État en raison de l’évasion fiscale et de l’économie informelle, selon le Fonds monétaire international (FMI).

L'informel représente près de 77% des emplois et environ 30% du PIB marocain, un chiffre qui illustre à la fois son poids économique et son impact sur les recettes publiques. L’un des objectifs majeurs de la réforme est donc d’inciter les travailleurs de l’informel à se formaliser, notamment via la simplification des procédures fiscales et l’instauration d’un cadre incitatif. La circulaire de la Direction générale des impôts (DGI) relative aux mesures fiscales de la Loi de Finances 2025 constitue le cadre structurant de cette réforme.

Parmi les principales dispositions, figurent le renforcement des contrôles fiscaux, l’harmonisation des dispositifs fiscaux et l’encadrement des procédures de régularisation pour les acteurs du secteur informel. La circulaire met également l’accent sur l’instauration de la facturation électronique et la simplification des règles fiscales, afin d’améliorer la collecte des impôts et de lutter efficacement contre la fraude fiscale.

Facturation électronique

L’un des piliers de cette réforme repose sur la facturation électronique, dont la mise en place progressive à partir de 2026 vise à capturer les flux économiques invisibles à l’administration fiscale. Cette mesure offrira à l’État une visibilité inédite sur les transactions en temps réel, réduisant ainsi la fraude et l’évasion fiscale. Il ne s’agit pas seulement d’une modernisation technique, mais bien d’une transformation radicale du rapport entre l’État et l’économie.

«Ce système devrait permettre de limiter l’utilisation de la monnaie liquide, souvent utilisée dans l’informel, et encourager les transactions via des moyens électroniques, tels que les virements bancaires et les cartes de crédit, contribuant ainsi à une plus grande transparence financière», estime Hassan Edman, professeur d’économie et de gestion à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d’Agadir. L’incitation à l’adoption de la signature électronique et l'optimisation des contrôles fiscaux permettront d’assurer la conformité et la sécurité des factures tout en garantissant l’intégration harmonieuse du secteur informel.

Pour favoriser l’adhésion de tous les acteurs commerciaux, la DGI prévoit une approche progressive pour l’adoption du système e-facturation, en commençant par les grandes entreprises. Cette transition sera accompagnée de formations et d’un soutien technique pour aider les petites et moyennes entreprises, souvent réticentes à passer au numérique.

De plus, la réforme prévoit également des mesures d’accompagnement et des exonérations fiscales. Un autre levier fondamental de cette réforme est la réduction du poids du cash dans l’économie. Environ 400 milliards de dirhams circulent hors du circuit bancaire, limitant la capacité des banques à financer l’économie réelle. Le gouvernement entend capter ces fonds et les réintroduire dans le système bancaire via une régularisation des avoirs informels. L’intégration progressive du cash informel pourrait permettre aux banques d’octroyer plus de crédits, notamment aux TPME. Ceci pour dynamiser l’investissement et améliorer le financement des infrastructures publiques et privées.

Entre transparence fiscale et équilibre social

Cependant, cette transparence accrue suscite des inquiétudes. Pour certains secteurs historiquement opaques, l’obligation de facturation et l’intégration à la TVA risquent d’entraîner une hausse des prix, qui sera supportée par le consommateur.   Pour y remédier, Edman affirme qu’«il est essentiel d’adopter une approche graduelle et ciblée. L'introduction de régimes fiscaux simplifiés et forfaitaires pour les petites entreprises des secteurs informels permettrait de réduire la charge fiscale et administrative, limitant ainsi l'impact direct sur les prix».

De plus, «des exonérations fiscales temporaires ou des réductions de TVA pour les entreprises vulnérables, notamment celles à faible marge bénéficiaire, aideraient à maintenir des prix compétitifs tout en facilitant leur transition vers l’économie formelle», conclut-il. A noter que la réussite de cette réforme dépendra en grande partie de la confiance que les citoyens accorderont à l’administration fiscale. 

 

 

 

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