Entretien avec Sidimohamed Abouchikhi, administrateur-Directeur général de Creditinfo Maroc
Au niveau mondial, les Credits Bureaux sont ouverts à tout type d’information permettant d’évaluer le risque d’un client. Ce qui n’est pas le cas encore pour le Maroc.
Sous d’autres cieux, les données des opérateurs télécoms et des fournisseurs d’eau et d’électricité donnent aux établissements financiers la possibilité de mieux cerner leurs clients.
Propos recueillis par Momar Diao
Finances News Hebdo : Comment s'est comportée l’activité de Creditinfo Maroc au cours du premier trimestre 2019 ? Et quelles sont vos projections pour l'année 2019 ?
Sidimohamed Abouchikh : Comme nous l’avions déjà annoncé auparavant, le nombre de consultations du Credit Bureau a dépassé la barre des 2,5 millions en 2018 et cette tendance haussière se maintient pour le premier trimestre de l’année 2019 en alignement avec nos prévisions.
Concernant les services à valeur ajoutée, nous avons enregistré une forte demande sur nos services de monitoring, d’Alerting et de Scoring. Cette tendance est le reflet des actions menées par le secteur financier en vue d’«aérer» ses portefeuilles de crédits pour plus de maîtrise des risques et pour se conformer aux prérogatives réglementaires, de plus en plus strictes, dont la norme IFRS 9 entrée en application tout récemment.
En matière de stratégie, nous constatons que les établissements mettent en place des programmes de transformation dans les domaines du Risk management, ce qui est de nature à augmenter leurs appétits pour l’utilisation du «Big data» afin d’assurer une gestion plus affinée et une modélisation interne plus puissante. A juste titre, Creditinfo continue de soutenir le système financier par des services innovants et des solutions de digitalisation à même d’accompagner ces chantiers de transforma-tion.
F.N.H. : Au Maroc, des voix s'élèvent pour appeler à ce que l'activité du credit bureau soit ouverte au secteur des délégataires (eau, électricité) et aux branches des télécoms et des assurances. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?
S. A. : Justement, l’intégration de ce genre de données dites alternatives s’inscrit dans le processus d’évolution naturelle d’un Credit Bureau. Au niveau mondial, les Credits Bureaux sont ouverts à tout type d’information permettant d’évaluer le risque d’un client. C’est le cas pour Creditinfo qui gère ces données dans ses Credits Bureaux en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
A titre d’exemple, en Afrique de l’ouest, les données des opérateurs télécoms et des fournisseurs d’eau et d’électricité donnent aux établissements financiers la possibilité de mieux localiser leurs clients d’une façon plus pertinente que ce soit au moment de l’octroi du crédit ou de son recouvrement.
Au Maroc, l’intégration de ce type de données est une opportunité réelle pour développer une nouvelle génération de produits et services financiers et, en conséquence, d’augmenter l’inclusion financière d’une large frange de la population, qui n’accède pas, ou d’une façon très limitée, au financement, sans oublier les TPE qui sont aujourd’hui au cœur de toutes les politiques publiques de développement et qui nécessitent, elles aussi, un effort de financement de la part du système financier par des produits plus adaptés.
F.N.H. : Aujourd'hui, Creditinfo est-elle outillée et dotée de l'expertise nécessaire pour accompagner les secteurs précités ?
S. A. : En tant que leader mondial dans le secteur, nous gérons ces données dans une vingtaine de nos Credits Bureaux dans le monde. Ce genre de données précédemment évoquées est considéré comme classique, malgré sa nouveauté pour certains pays. Creditinfo dispose des solutions techniques actuellement en production et de toute l’expertise éprouvée en vue de gérer les données des opérateurs télécoms et fournisseurs d’eau et d’électricité à côté des données classiques émanant des systèmes financiers.
Dans d’autres marchés, Creditinfo utilise une nouvelle génération de données dites mobiles comme les métadonnées des téléphones mobiles. L’idée est de capturer le maximum d’informations possibles pour permettre la création de modèles ayant plus de pouvoir prédictif et d’algorithmes ouvrant la voie à plus d’automatisation des processus d’octroi et de gestion de crédits, de réduction des coûts et une meilleure inclusion financière.
F.N.H. : Enfin, quel regard portez-vous sur la maîtrise des risques clients au niveau des banques et des associations de microcrédit ?
S. A. : La culture du risk management est bien ancrée dans le système bancaire marocain. D’ailleurs, grâce aux dispositifs de maîtrise de risque, le système bancaire est globalement bien noté par les agences de notation, ce qui témoigne de sa résilience et de sa capacité à s’adapter aux évolutions imposées par la transformation que connait le secteur dont la digitalisation et la réglementation. En matière de tendance de risque, celle-ci reste stable sans dégradation notoire tout le long du premier trimestre de l’année 2019. Quant aux associations de microcrédit, la tendance globale de risque s’est améliorée suite à l’adoption du rapport de solvabilité et scores fournis par Creditinfo.
Ceci étant, le relèvement du seuil de financement à 150.000 DH devra pousser les associations de microcrédit à se transformer et à s’outiller par les solutions à même de leur assurer une meilleure connaissance et évaluation du client et une meilleure gestion du cycle de vie du crédit. ◆