- La baisse plus rapide que prévue des taux longs a secoué le marché actions.
- La politique monétaire a des impacts sur les taux souverains.
Dans les pays avancés, les taux d’intérêt obligataires à long terme ont fortement baissé au cours de ces dernières années. Ils atteignent aujourd’hui des niveaux historiquement bas, en raison de l’engouement, post-crise financière, des investisseurs pour ce type de papier de qualité. Un phénomène appelé «Fly to Quality».
Sur le marché marocain, l’on assiste, depuis le début d’année, à une baisse marquée sur les taux longs (le 10 ans est passé de 3,3% fin décembre 2018 à 3,16 mi-février) . Les investisseurs anticipent de plus en plus une baisse des taux sur le marché des Bons du Trésor, et donc une baisse de la rémunération des supports sans risque ou à faible risque.
Pourquoi ? Le Trésor n’a clairement pas de besoin de cash sur le marché local : des privatisations et une sortie à l’international sont prochainement prévues, en plus de rentrées fiscales qui sont assez conséquentes. Ceci provoque donc un déséquilibre entre offre et demande en sa faveur.
Pour analyser le phénomène actuel, il faut comprendre les mécanismes qui permettent la fixation des taux longs. Ces derniers résultent, en toute logique, de l’équilibre de l’offre et de la demande sur le marché. Et leur rendement est fonction inverse de son prix.
De manière simplifiée, une baisse de la demande d’obligations par rapport à l’offre fera baisser le prix des obligations, mais fera monter leur rendement. Et inversement.
Déterminants structurels des taux longs
Selon la théorie des anticipations de la structure par terme des taux d’intérêt, la rémunération d’un BDT de 20 ans est égale à celle d’une succession d’emprunts à court terme sur la même période, à laquelle vient s’ajouter une prime de risque, appelée prime de terme.
Les investisseurs novices sont parfois étonnés de voir que le cours et le rendement des obligations fluctuent. Curieux pour un placement dont la valeur nominale, le taux et l'échéance sont fixes.
En théorie, plusieurs facteurs influencent les prix et les rendements des emprunts d’Etats. Ainsi, une hausse d'inflation fait rogner le cours de l'obligation, et donc monter les rendements obligataires. Les investisseurs qui achètent des maturités longues vont donc exiger un rendement plus élevé si leurs anticipations d’inflation le sont également. Toutefois, au Maroc, les pressions inflationnistes sont actuellement faibles.
L'impact de la politique monétaire
Bank Al-Maghrib avait publié une étude sur la thématique de l'impact de la politique monétaire sur les taux souverains au Maroc.
Les résultats suggèrent que les chocs macroéconomiques exercent un impact relativement prépondérant sur les titres souverains de maturités 5 et 10 ans comparativement à ceux de 2 ans.
De même, l'étude montre que les taux longs affichent une sensibilité plus prononcée que les taux de courtes maturités. En revanche, les résultats suggèrent qu’une part importante de la réaction des taux souverains de 5 et 10 ans est expliquée par la composante «prime de risque», alors que les taux de 2 ans sont principalement gouvernés par le choc de politique monétaire.
Bien que très rares, les risques de défaut peuvent aussi contribuer à la baisse du cours des obligations, et donc à la hausse des rendements. Nous avons vu cela se produire en Grèce, où les rendements sont montés au-dessus de 15% pendant la crise.
La précieuse courbe des taux
La courbe des taux est une source d’informations précieuse pour les opérateurs marchés. Elle répond à deux demandes sur les marchés financiers puisque, d’un côté, elle agrège l’ensemble des taux d’intérêt que va devoir acquitter un émetteur et, de l’autre, elle informe les investisseurs des rendements d’un titre selon sa maturité.
En plus de la théorie des anticipations expliquée plus haut, il existe d’autres approches, bien connues, mais insuffisantes prises séparément, pour appréhender cette courbe. Par exemple, la théorie de «l’habitat préféré» qui part du postulat que l’on peut opérer une segmentation parmi les investisseurs. Il apparaîtra certaines catégories qui ont pour pratique d’investir sur des titres d’une maturité déterminée et n’en sortent qu’exceptionnellement.
Sur la longue période, par exemple, on retrouve la demande des Caisses de retraites et de certains fonds long terme. Les prêteurs préfèrent pour leur part les échéances courtes. Aller ailleurs équivaut pour cette catégorie à une prise de risque. Ils exigeront alors d’être payés pour cela. Cette partie de la courbe des taux sur laquelle ils interviennent de façon quasi-systématique est appelée «habitat préféré».
Encadré. Taux longs Vs actions
Naturellement, les taux bas sur le marché obligataire poussent les investisseurs à s’orienter vers les actifs plus risqués. A court terme, l’impact est positif car les institutionnels sont obligés de prendre plus de risque pour s’assurer un minimum de rendement. Ceci explique les volumes récents sur les grandes capitalisations à haut rendement (supérieur à 4%). En plus, la prime de risque s’améliore. La relation normale inverse entre le taux d’intérêt et prix des actions s’observe difficilement à long terme car l’inflation est faible au Maroc.