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Nadia Fettah : «L’économie marocaine franchit un nouveau palier»

Nadia Fettah : «L’économie marocaine franchit un nouveau palier»

Dans un entretien accordé à Finances News Hebdo, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, revient sur la dynamique actuelle de l’économie marocaine, la trajectoire des finances publiques, les leviers de croissance, ainsi que les perspectives de réforme du marché des capitaux.

 

Propos recueillis par F. Ouriaghli & A. Hlimi

Finances News Hebdo : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la conjoncture économique du Royaume ?

Nadia Fettah Alaoui : L’économie marocaine se porte bien. Pendant longtemps, on a parlé de résilience. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase plus avancée : celle d’une économie dynamique. Les indicateurs sont au vert, avec une croissance qui devrait largement dépasser le seuil de 4% cette année.

 

F.N.H. : Quelles sont les clés de cette performance ?

N. F. A. : Ces performances reposent sur des fondamentaux solides. La diversification sectorielle voulue par Sa Majesté le Roi porte ses fruits. L’intégration dans les chaînes de valeur mondiales, l’ambition affirmée et la confiance qu’inspire notre pays sont autant de facteurs de stabilité. Malgré les crises récentes, nous avons poursuivi les réformes, amélioré l’attractivité du Royaume et facilité l’investissement.

 

F.N.H. : Pourtant, un paradoxe interroge : les investissements publics sont en hausse, mais le déficit ne se creuse pas. Comment l’expliquer ?

N. F. A. : C’est un choix assumé du gouvernement. Bâtir l’État social tout en stimulant la croissance. Les dépenses sociales, bien qu’inscrites comptablement comme telles, sont un investissement dans le capital humain. Par ailleurs, les investissements publics sont pensés pour être productifs. Regardez Tanger Med : aujourd’hui alimenté en énergies renouvelables, il constitue un modèle que nous voulons répliquer, notamment avec Nador West Med. Dans ce type de projets, nous privilégions chaque fois que possible les partenariats public-privé. Nous mobilisons les entreprises marocaines, soutenons l’emploi local et faisons une place aux PME. C’est de la dépense efficace, génératrice de croissance. De plus, nos recettes fiscales progressent de manière soutenue, grâce à une réforme bien séquencée de l’IS, de la TVA et de l’IR, avec élargissement de l’assiette et meilleure mobilisation des contribuables.

 

F.N.H. : Sur le plan des financements, où en est la réforme des marchés de capitaux ?

N. F. A. : Nous avons un système bancaire robuste, mais les marchés de capitaux doivent monter en puissance. Les encours sous gestion des OPCVM frôlent les 780 Mds de dirhams. Nous finalisons une nouvelle loi sur les OPCVM, en alignement avec les standards internationaux. L’idée est d’élargir l’offre avec de nouveaux produits tout en garantissant la confiance par des règles prudentielles adaptées. Nous avons aussi lancé les OPCI qui connaissent un grand engouement, et les OPCC sont voués à une bonne croissance avec le Fonds Mohammed VI pour l’investissement.

 

F.N.H. : Et la Bourse de Casablanca dans tout cela ?

N. F. A. : Elle joue un rôle croissant. Les entreprises ne se contentent plus d’une seule levée de fonds. Elles reviennent vers le marché pour des levées sur le secondaire, preuve de maturité. Notre objectif est aussi de mobiliser l’épargne populaire. Il faut offrir aux citoyens des produits d’investissement adaptés à leur profil pour les inclure dans cette dynamique nationale.

 

Perspectives de poursuite du raffermissement de la croissance au troisième trimestre 2025
Les perspectives de croissance pour le troisième trimestre 2025 laissent entrevoir le maintien de la performance enclenchée au début de l’année, quoiqu’à un rythme plus modéré. Selon les premières estimations du HCP, la croissance du PIB national atteindrait +4,4% au troisième trimestre 2025. La demande extérieure adressée au Maroc serait peu dynamique sur fond des perspectives de ralentissement plus prononcées de la croissance économique mondiale, alors que le soutien de la demande intérieure resterait encore vigoureux, apportant +66 points à la croissance. Installé sur une dynamique de reprise depuis fin 2024, l’affermissement de l'investissement et de la consommation est prévu de se poursuivre au troisième trimestre 2025, quoiqu’à un rythme relativement moins élevé, favorisant, ainsi, une hausse des activités non agricoles de 4,2%, après 4,4% au trimestre précédent. Les tensions inflationnistes ne devraient pas connaitre une sensible accélération, sous l’hypothèse de la poursuite de la tendance baissière des prix du pétrole. En l’absence de perturbations majeures sur l’offre des produits alimentaires, l’inflation devrait s’établir à 1,1% au troisième trimestre 2025, alors que sa composante sous-jacente, qui exclut les prix des produits pétroliers, des produits volatils et des tarifs régulés, avoisinerait les 0,8%.


 

F.N.H. : Sur la question des privatisations, que peut-on attendre ?

N. F. A. : Il ne faut pas réduire la réforme des établissements publics à la seule privatisation. Le Maroc s’est doté d’une politique actionnariale claire, validée à tous les niveaux, et rare au niveau international. Les privatisations doivent être pensées comme un outil dans cet ensemble et non comme une fin en soi. Lorsqu’une entreprise publique conserve une forte valeur ajoutée, l’État peut y rester actionnaire tout en s’ouvrant au privé. Mais lorsqu’il n’y a plus de pertinence à rester, la cession peut être envisagée. Nous travaillons actuellement à une refonte de la loi sur les privatisations dans ce cadre stratégique.

 

F.N.H. : L’introduction en Bourse reste-t-elle une option prioritaire pour ces entreprises ?

N. F. A. : C’est une solution, mais pas la seule. Nous encourageons également la titrisation, les émissions obligataires ou les véhicules d’investissement comme les OPCI. L’essentiel est d’apporter des solutions de financement innovantes et adaptées aux besoins des établissements publics. 

 

L’économie retrouve des niveaux de croissance d’avant crise financière
L’économie nationale aurait enregistré une progression de 4,6% au deuxième trimestre 2025, en variation annuelle, portée par la vigueur entretenue des services, ainsi que par les performances soutenues des secteurs de la construction, des industries extractives et de l’agriculture.  La dynamique économique du Royaume continue d'être impulsée principalement par une demande intérieure solide, et devrait se maintenir au troisième trimestre, quoiqu’à un rythme légèrement atténué, avec une croissance estimée à +4,4%, selon le HCP. Le cadre macroéconomique reste globalement marqué par la résilience de la croissance et une maîtrise des tensions inflationnistes, selon l’institution. Néanmoins, les perspectives à court terme demeurent entourées d’incertitudes, liées principalement à la demande extérieure, dont la faiblesse pourrait freiner les performances de certains secteurs tournés vers l’exportation.

 

Renforcement de la confiance sur les marchés financiers
Le comportement des marchés financiers reflète bien la dynamique de l’économie marocaine. Les créances sur l’économie auraient progressé de 7,5% au deuxième trimestre 2025, en glissement annuel. Cette évolution aurait été, principalement, attribuable à l’accélération des crédits à l’équipement des entreprises, ainsi que ceux destinés au secteur immobilier. Dans ce contexte et sous l’effet d’une décélération de la circulation fiduciaire, le besoin de liquidité des banques se serait atténué, bien qu’il reste toujours à un niveau significatif. Les avoirs officiels de réserve se seraient, pour leur part, renforcés de 9,5%, tandis que les créances nettes sur l’administration centrale auraient reculé, traduisant un désendettement monétaire du Trésor de 5,5%.  Dans l’ensemble, la masse monétaire se serait raffermie de 7,6%, après +8% un trimestre auparavant. Pour leur part, les taux d’intérêt sur le marché interbancaire se seraient stabilisés au niveau du taux directeur, marquant un recul de 74 points de base de leur niveau moyen, en variation annuelle. Les replis du taux directeur en 2024 et au début 2025 auraient eu les mêmes effets baissiers sur les taux créditeurs, qui auraient, pour leur part, cédé, en moyenne, 18 points de base au deuxième trimestre 2025. Parallèlement, les taux sur le marché des adjudications des bons du Trésor auraient nettement décru, avec des baisses de 70 points, 92 points et 88 points de base respectivement pour les taux de maturité 1 an, 5 ans et 10 ans. Sur le marché de change, le Dirham se serait apprécié de 2,7% et 7,7% respectivement vis-à-vis de l’Euro et du Dollar américain. Dans le marché des actions, la dynamique se serait poursuivie au deuxième trimestre 2025, dans le prolongement de la trajectoire du regain amorcé au second semestre 2023 et consolidé en 2024. Stimulée par une confiance renforcée des investisseurs et un environnement monétaire accommodant, une appréciation généralisée des cours boursiers aurait été enregistrée. L’indice MASI aurait, ainsi, progressé de 37,6% en glissement annuel, après une hausse de 36,5% le trimestre précédent, tandis que la capitalisation boursière se serait accrue de 38,6%. Cette performance traduirait, pour l’essentiel, la hausse significative des titres des secteurs des biens d’équipement industriel, du transport, de l’électricité, de la santé, des mines, des holdings et de la promotion immobilière. Parallèlement, la liquidité du marché se serait toujours installée sur une pente ascendante, avec une progression de 25% du volume des transactions.

 

 

 

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