Samira Khamlichi, PDG de Wafacash et présidente de l’Association professionnelle des établissements de paiement, nous apporte son éclairage sur les nouveaux établissements de paiement, le premier compte Jibi et les missions menées par l’APEP.
Finances News Hebdo : Après le démarrage effectif de Jibi, quels sont vos objectifs ainsi que vos attentes par rapport à ce nouveau marché ?
Samira Khamlichi : Notre objectif est double. Le premier est de répondre à un appel national, puisque cela entre dans le cadre d’un projet national porté par Bank Al-Maghrib, en offrant une nouvelle solution à une clientèle qui, jusqu’à aujourd’hui, n’utilisait pas le service financier.
À travers cette solution, nous allons non seulement recruter cette partie de la population exclue du circuit bancaire, mais aussi lui faciliter son quotidien transactionnel.
Notre deuxième volonté est de réduire la circulation du cash au niveau du pays, qui coûte chaque année des milliards de DH à l’Etat.
Sur un autre volet, en étant un acteur dans la bancarisation et dans les moyens de paiement, nous souhaitons changer les habitudes de paiement, tant du consommateur qui circule avec du cash dans sa poche, que du commerçant pour lui permettre d’accepter du paiement en dehors du cash. En gros, nous faisons en sorte que le secteur bancaire et financier, d’une manière plus globale, se développe.
En lançant Jibi, nous ne nous sommes pas fixés d’objectifs de départ, puisque c’est un nouveau secteur, et nous ne connaissons pas comment il va évoluer.
F.N.H. : Estimez-vous que les Marocains sont ouverts aujourd’hui à ce genre de changement d’habitude de paiement ?
S. Kh. : Nous avons mené une enquête de terrain et nous étions agréablement surpris. Les Marocains sont très demandeurs et apprécient beaucoup les nouveautés. De ce fait, ce sont donc des choses qui plaisent aux gens. Les ruraux sont tout autant intéressés, et veulent être sur le même pied d’égalité que les citadins.
En revanche, ils ont naturellement quelques inquiétudes, dont la sécurité qui est présente et renforcée par notre notoriété et par notre capital confiance que nous avons bâtis avec notre clientèle lors des dernières années.
S'ajoutent à cela la simplicité et la proximité de notre réseau qui viennent améliorer l’expérience client.
F.N.H. : Qu'en est-il de la tarification ? La grille est-elle prête ?
S. Kh. : La grille de tarification est prête. Mais en ce moment, il y a quelques fine tuning que nous sommes en train de finaliser, notamment pour les activités de paiement à cause des marges qui ne sont pas définitivement fixées.
Ce sont des marges de place, et c’est à partir d’elles que nous allons pouvoir tarifer. Dans ce cadre, nous avons décidé d’offrir les deux premiers mois gratuitement à la clientèle.
Par ailleurs, notre engagement est que pour toutes les opérations en dehors du paiement, le tarif soit inférieur à celui pratiqué dans les agences de transfert.
Idem pour tout ce qui est paiement, la tarification sera elle aussi moindre par rapport à ce qui est pratiqué aujourd’hui par la monétique sur la place.
F.N.H. : En tant que présidente de l'Association professionnelle des établissements de paiement, que pouvez-vous nous dire sur cette structure ? Avez-vous démarré vos travaux et en quoi consistent-ils ?
S. Kh. : L’Association professionnelle des établissements de paiement (APEP) existe depuis novembre 2016, et j’en assure la présidence. C’est une association qui regroupe aujourd’hui l’ensemble des opérateurs, une dizaine de membres, qui étaient initialement dans le transfert d’argent. Certes, ils étaient considérés comme établissements de paiement, mais se limitaient aux opérations de transfert. Il s’agit de M2T, Cashplus et Wafacash qui avaient sollicité l’agrément de la Banque centrale pour pouvoir faire du paiement.
À côté, deux autres sociétés sont membres de l’association, il s’agit de NAPS, filiale de M2M, qui disposait déjà d’un agrément pour les paiements TPE, et Maymouna, une greenfield qui vient d’être créée et qui exercera désormais dans le métier.
En clair, sont membres de l’APEP toutes les sociétés agréées par Bank Al Maghrib dans cette activité.
Parallèlement, notre vrai métier est de faire connaître l’association, discuter avec les autorités compétentes et les opérateurs nationaux, à l’image de l’'Unité de traitement du renseignement financier, Bank Al-Maghrib, la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel…
Nous discutons également avec les opérateurs internationaux, au vu des nouvelles exigences internationales, notamment en matière de règlement sur la protection des données personnelles. Le but étant de parfaire ce chantier et d’être dans les meilleurs standards. Notre mission sera également axée sur l’accompagnement des nouvelles structures, qui n’arrivent pas forcément du domaine financier.
F.N.H. : Que pensez-vous du cas du Kenya, «berceau» mondial du paiement mobile ?
S. Kh. : Le cas du Kenya est très particulier.
Quand M-Pesa, la plateforme de services financiers de l'opérateur kényan Safaricom s’est installée, le taux de bancarisation au Kenya était de l’ordre de 3 ou 4%. En face, une large partie de la population possédait un téléphone mobile.
Ce sont les principales raisons derrière cette success-story. Il ne faut pas oublier que le Maroc a un point fort qu’est l’interopérabilité. Dans tous les pays qui ont lancé le m-paiement, il n’y a pas eu d’interopérabilité. Il faut reconnaître que la Banque centrale a été très perspicace à le décider, parce que c’est la meilleure manière de développer l'industrie des paiements. ■
Propos recueillis par Y. Seddik