Le Royaume maintient ses équilibres budgétaires malgré les défis économiques actuels. Durant les 3 premiers mois de 2025, les recettes de l’État ont été soutenues par la composante fiscale. La solidité des finances publiques du Maroc doit être «consolidée et préservée».
Par Y. Seddik
A l’heure où les vents économiques mondiaux restent incertains, le Maroc démontre une nouvelle fois sa capacité à piloter ses finances publiques avec rigueur et discernement. À fin mars 2025, la situation du Trésor laisse apparaître un excédent budgétaire de 5,9 milliards de dirhams, selon les dernières données de la Trésorerie générale du Royaume (TGR). Plus en détails, les recettes ordinaires brutes ont bondi de 20,2% en un an, pour atteindre 114 milliards de dirhams. Cette performance est portée principalement par l’envolée des impôts directs (+40,4%), ce qui traduit à la fois un élargissement progressif de l’assiette fiscale et une meilleure dynamique de recouvrement.
Dans le détail, la fiscalité indirecte a également progressé (+10%), tandis que les recettes non fiscales, plus volatiles, ont accusé un repli de 11,6%. Un schéma que commente Karim El Yazidi, fiscaliste et Tax Advisor : «On assiste clairement à une montée en puissance des ressources fiscales stables, ce qui est capital pour asseoir la solidité budgétaire sur le long terme. Le Maroc montre qu’il est capable d’élargir son assiette sans casser la dynamique économique. Ce n’est pas juste une embellie passagère».
Pour lui, un autre levier a joué en faveur du Trésor : l’amnistie fiscale de 2024 sur les avoirs non déclarés, qui a permis de mobiliser environ 6 milliards de dirhams de recettes directes, soit près de 5% des montants régularisés.
«L'amnistie a agi comme un catalyseur, en ramenant dans le giron fiscal des capitaux jusqu’alors dormants, sans recourir à une hausse de la pression fiscale générale». Une manne bienvenue pour conforter les recettes extraordinaires, sans alourdir le tissu productif. À l’inverse, les dépenses ont connu une hausse marquée, avec une progression de 36,3% des charges ordinaires à 103,24 milliards de dirhams.
L’effort a été particulièrement notable sur les dépenses de biens et services (+33,8%), en lien notamment avec une augmentation de 63,8% des dépenses autres que salariales. La charge de la dette a, elle aussi, pesé plus lourdement, avec des intérêts en hausse de 40,5%, un phénomène que l'on observe dans de nombreux pays sous l'effet du resserrement monétaire mondial. Malgré cet environnement exigeant, le solde ordinaire reste positif, à 10,7 milliards de dirhams. Ce maintien dans le vert met en lumière une discipline budgétaire qui s’ancre dans la durée, dans un équilibre entre soutien à la croissance et maîtrise des finances publiques.
Le Maroc confirme par ailleurs son choix de privilégier l’investissement public: les dépenses d’équipement progressent de 15,9% sur un an, à un rythme compatible avec les objectifs de croissance durable fixés dans les stratégies nationales et avec l’arrivée des échéances sportives (CAN 2025, CDM 2030). En parallèle, les comptes spéciaux du Trésor (CST) ont joué un rôle non négligeable. Leur solde positif de 22,6 milliards de dirhams apporte un soutien précieux à la trésorerie globale, même si les transferts en provenance du budget général sont restés stables par rapport à l’an dernier.
Côté SEGMA, la tendance est également favorable : avec une hausse de près de 20% des recettes et une baisse significative des dépenses (-35,7%), ces structures confirment leur contribution à l’effort de rationalisation des ressources publiques. Au total, la photographie budgétaire de ce premier trimestre témoigne d’une gestion pragmatique et anticipative. Si les tensions sur les dépenses sont réelles (et appelées à persister à court terme), elles n’ont pas altéré la capacité du Royaume à préserver ses fondamentaux financiers, ni à entretenir la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux, comme en témoigne la dernière sortie à l’international sursouscrite 7 fois.
«Ce qui ressort clairement, c’est que la trajectoire budgétaire reste sous contrôle, même avec des chocs exogènes successifs», observe notre interlocuteur qui conclut que «c’est un facteur déterminant pour la stabilité économique et financière du pays dans les prochaines années». Un constat qui, s’il ne doit pas occulter les défis à venir, conforte la place du Maroc parmi les économies émergentes les mieux préparées à conjuguer relance économique et prudence budgétaire.