L’idée de la création d’une banque publique d’investissement est soutenue depuis plusieurs années au Maroc.
Le manque de volonté politique semble être un obstacle majeur à sa concrétisation.
Par M. Diao
Le pays devra faire preuve d’ingéniosité afin de combler les besoins de financement de l’économie marocaine. L’épargne intérieure, jusque-là insuffisante pour satisfaire le niveau d’investissement requis dans les infrastructures et l’économie productive, dicte l’impératif de mettre sur pied des mécanismes et des entités innovantes en matière de mobilisation de l’épargne et de financement.
L’accès toujours non aisé des PME et des start-up au financement constitue également un motif de s’inspirer en la matière sur ce qui marche sous d’autres cieux. Par ailleurs, le Centre de recherche du G20 situe à 37 Mds de dollars les besoins d'investissements du Maroc dans les infrastructures afin d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies d'ici 2030.
Ce contexte remet en selle légitimement le débat portant sur l’opportunité de créer une banque publique d’investissement (BPI) au Maroc, calquée sur le modèle français. BPI France, créée en 2012 et qui ne dispose pas de licence bancaire, est détenue à hauteur de 50% par l’Etat et 50% par la Caisse des dépôts et des consignations. La banque publique présente partout en France et dont la vocation est le financement et le développement des entreprises, a financé près de 80.000 entreprises l’année dernière. 2018 a également été une année record en financement avec 7,5 Mds d’euros de crédits à l'investissement octroyés (+8% par rapport à 2017) et 10,4 Mds d’euros de financement court terme (+13%).
Etat stratège
Interrogé sur l’opportunité de créer une banque publique d’investissement au Maroc, l’économiste Tarik El Malki rétorque : «La création d’une BPI est une idée que je défends depuis plusieurs années. Cette structure constitue un mécanisme de financement extrêmement important et utile au regard des difficultés de financement rencontrées par nos entreprises».
Et d’ajouter : «La mise en place d’une BPI au Maroc qui appuiera les secteurs promus par l’Etat (numérique, industrie, énergies renouvelables, etc.), permettra de mobiliser l’épargne nationale afin de la réorienter vers les objectifs de création et de développement d’entreprises».
Toutefois, l’économiste met en garde : «Cette banque doit être gérée de manière efficace en impliquant l’ensemble des parties prenantes en l’occurrence l’Etat, les régions, les Chambres de commerce et le patronat».
A l’évidence, ce genre d’établissement bancaire doit avoir un prolongement régional afin de mieux tenir compte des besoins des entrepreneurs. D’autant plus que la régionalisation avancée en cours d’implémentation accorde une grande importance au développement économique des territoires.
A la question de savoir si la structuration et le fonctionnement du marché financier sont adaptés au mécanisme de financement d’une BPI nationale, inspirée du modèle français en tenant compte des spécificités nationales, notre interlocuteur rétorque : «Il y a toujours le problème d’effet d’éviction au Maroc. Les banques sont davantage enclines à investir dans les bons du Trésor (rentables), donc à prêter au secteur public que de financer le secteur privé, notamment les entreprises. Dans la mesure où les banques ne jouent pas le jeu, l’Etat doit être stratège et interventionniste».
En d’autres termes, la mise en place d’une BPI au Maroc, conditionnée par une réelle volonté politique encore inexistante, est une nécessité qui permettrait, avec d’autres sources de financement (capital investissement, fonds d’amorçage, businessangels, etc.) l’émergence d’un large tissu d’entreprises innovantes.
De plus, l’avènement d’une telle banque est une occasion de repositionner la CDG qui est sous le feu des critiques par rapport à la gouvernance et aux choix stratégiques (Voir le dernier rapport de la Cour des comptes).
«La CDG dont le cœur de métier est la collecte de l’épargne nationale et le redéploiement d’une partie de celle-ci vers le financement des entreprises, gagnerait à se positionner sur ce genre de projet d’envergure et de structure», plaide notre interlocuteur. ◆
Au-delà du financement
BPI France qui se définit comme une banque de proximité, aux coûts maîtrisés, est devenue le premier fonds souverain au monde par le nombre d'opérations effectuées dans les entreprises technologiques.
La banque publique qui a créé la nouvelle agence française de gestion des garanties publiques à l’export, a lancé en 2015 trois accélérateurs destinés aux start-up, PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI). En 2018, ces accélérateurs ont accompagné près de 500 entreprises.