Par A. Hlimi
La crise du Coronavirus va accélérer des tendances qui se sont installées chez les sociétés cotées durant la dernière décennie. Hors secteur financier, on peut imaginer que les thématiques télécoms et TIC, aidées par des structures financières saines et bien cramponnées au train de la transformation digitale, sont les grands gagnants de la crise, alors que le BTP et l'immobilier, qui ont abordé la bataille déjà fatigués et endettés, auront du mal à se relever.
Mais attention à ne pas mettre toutes ces entreprises dans le même sac, car de nouvelles thématiques sous-jacentes se mettent en place et pourront soutenir le bâtiment et l'industrie dès cette année. Si les gagnants et les perdants de la crise est un sujet traité en long et en large par les analystes et la presse, l'exercice auquel s'est adonnée la recherche de CDG Capital, mérite de s'y attarder. Les analystes ont réalisé une revue des facteurs déterminants de la rentabilité des secteurs cotés au cours des 20 dernières années.
Durant cette période, l’économie nationale a connu des évolutions importantes et multidimensionnelles. Ces évolutions émanent de plusieurs facteurs. D’une part, le contexte international a changé avec la survenance de la crise financière et économique de 2008, suivie de la crise de la dette souveraine des pays européens. D’autre part, les mutations au niveau national résultant des différentes stratégies sectorielles et de la transformation du mode de consommation des ménages ont fortement impacté la structure des importations et, dans une moindre mesure, la structure du PIB national.
Sur la période d’analyse 2008-2019, trois éléments phares ont eu un impact significatif sur l’économie nationale dans sa globalité : les effets du second tour de la crise de 2008 sur la demande et l’investissement au niveau national, l’orientation expansionniste de la politique monétaire visant à réduire le coût de financement de l’économie et l’engagement de la réforme de compensation en vue de rétablir la structure et l’équilibre des finances publiques, notamment le déficit et l’endettement.
BTP, TIC et télécoms (IAM et Orange) à la loupe
Dans cette étude, la recherche de CDG Capital examine les entreprises des secteurs cotés, hormis les financières et les services, afin de mettre en évidence les différents facteurs qui sous-tendent les évolutions de leur performance financière. Ils étudient l’évolution des indicateurs financiers sur une période allant de 2008 à 2019 des secteurs BTP, industrie, NTIC et télécoms, secteurs auxquels ils ajoutent Orange pour laquelle l’information est disponible.
Le secteur des télécoms se caractérise par une forte rentabilité par rapport aux benchmarks internationaux. Cette rentabilité a toutefois été en baisse constante pendant la dernière décennie, suite à un environnement fortement concurrentiel et au processus de maturation du marché intérieur, qui a fini par atteindre de forts taux de pénétration. Cette forte rentabilité a permis, par ailleurs, au secteur d’assurer un taux de distribution de dividendes très élevé, et d’utiliser l’effet de levier afin de financer un cycle de croissance externe à l’international mené par IAM.
Le secteur BTP, comparé aux autres secteurs cotés, affiche la rentabilité la plus faible, soit 10% en 2019 (contre 27% en 2008). Cette faible rentabilité reflète la crise que traverse le secteur immobilier depuis l’année 2011. En effet, la faible demande en logements et en projets d’infrastructures, conjuguée à une structure financière affaiblie par un fort levier, ont eu des effets négatifs sur l’ensemble du secteur, impactant fortement les niveaux d’utilisation des outils industriels (Ciments & Sidérurgie) et, par ricochet, leur profitabilité. Néanmoins, l’année 2015 marque un nouveau tournant pour le secteur BTP en termes de rentabilité, grâce aux plans de restructurations agressifs en matière de recapitalisation et d’assainissement des bilans.
Le secteur industriel coté est un secteur très hétérogène en termes de nature d’activité, de taille ou de caractéristiques financières. Néanmoins, nous nous permettons de relever certaines observations d’ensemble. L’analyse de ses indicateurs financiers révèle une rentabilité moyenne assez comparable aux benchmarks internationaux. La forte rentabilité du sous-secteur Énergie s’explique plutôt par la nature de l’activité au Maroc, qui consiste principalement en la distribution de carburants. L’évolution de cette rentabilité au cours des dix dernières années reflète le comportement d’un secteur assez tributaire de facteurs exogènes, tels que les prix des intrants ou encore des cadres réglementaires avec l’effet de la décompensation. Le secteur Industrie représenté à la Bourse de Casablanca (hors les minières) reste un secteur qui fait peu usage du levier financier, à l’image du faible taux d’investissement.
Contrairement aux autres secteurs, les NTIC ont connu une bonne dynamique de croissance ces dernières années. En effet, depuis 2011, le secteur connait globalement une tendance haussière de la rentabilité financière, qui a profité de la transformation digitale, du fort développement du paiement électronique couplé à une gestion efficiente des charges. Nous soulignons tout de même que cette rentabilité demeure fortement impactée par la conjoncture internationale du fait de la nature de la clientèle du secteur et par l’effet de change. Par ailleurs, l’utilisation du levier financier demeure faible, ce qui laisse de la marge pour un éventuel recours à de la dette pour financer un effet d’échelle plus important ou éventuellement de la croissance externe.
Les gagnants et les perdants des nouvelles thématiques d'investissement
2020 se termine finalement sur une note positive avec le lancement des premières campagnes de vaccination et les différentes mesures des gouvernements et des Banques centrales pour relancer l’économie. «Autant de facteurs qui nous laissent penser que nous sommes à la veille d’une reprise économique», estime CDG Capital avec prudence. Pour le secteur BTP, nous distinguons deux variantes pouvant fortement impacter le secteur.
D’abord, le secteur immobilier représente à peu près 80% des ventes des matériaux de construction : «à notre sens, le secteur immobilier sera principalement touché indirectement par l'effet de la crise de la pandémie de la Covid-19». Pour s'en convaincre, les analystes invitent à s'intéresser aux investissements des ménages privés, qui seront probablement affectés par le niveau accru d'incertitude perçue à travers le taux de chômage (+ 33% de chômage au T3 2020 par rapport au T3 2019).
Ensuite, en ce qui concerne le segment d’infrastructures, le plan de relance économique devrait soutenir les investissements dans le secteur public, et ceux-ci contribueraient probablement à augmenter, ou du moins stabiliser les dépenses en construction d'infrastructures au Maroc. En ce qui concerne le secteur Industrie, les signes d’une reprise sont là (au T3 2020, la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a affiché une baisse de seulement 10,7% en glissement annuel contre -21,4% le trimestre dernier), en dépit de la faible demande intérieure et de la poursuite du repli des exportations.
Par ailleurs, le secteur devrait bénéficier du plan de relance industrielle 2021-2023, qui prévoit dans un premier temps une substitution de 34 Mds de DH des importations par la production locale à travers le lancement de la banque de projets. En effet, 17 conventions d’investissement d’un montant global de 857 millions de DH ont été signées dans différents secteurs, à savoir l’agroalimentaire, le textile, la plasturgie, l’emballage, l’électrique et l’électronique.
D’une manière globale, le mouvement de relocalisation de la production mondiale suite aux perturbations qu’ont connues les chaînes d’approvisionnement pendant la crise sanitaire, couplée à l’esprit de réactivité et d’adaptabilité dont le Maroc a fait preuve face à cette pandémie, offrent des perspectives intéressantes de développement et de croissance à moyen long terme. Au final, les secteurs télécoms et NTIC devraient profiter davantage de l’élan de la digitalisation qu’a initié la Covid-19.
Le développement significatif de nouveaux modes de consommation comme le e-commerce ou encore le déploiement du Mobile Banking représente aujourd’hui de nouveaux leviers de croissance. En effet, le Mobile Payement demeure au cœur de la stratégie nationale de l’inclusion financière au Maroc; il est devenu un élément important du paysage bancaire en Afrique subsaharienne.
Le nombre de transactions dans cette région a connu une forte croissance, soit des taux annuels moyens respectifs de 42,2% et 35,7% en volume et valeur sur la période 2011-2019. Le potentiel de croissance est donc loin d’être épuisé.