On n’a eu cesse de le répéter dans nos colonnes : bien rebondir est le défi auquel sont confrontés tous les managers qui quittent un grand groupe. Certains y parviennent avec brio, d’autres moins.
Janvier 2017, Mehdi Tazi quittait le Groupe Saham. Celui qui fut président Directeur général et administrateur de Saham Assurance présentait sa démission au Conseil d’administration. Ce 5 janvier donc, Tazi avait décidé de voler vers de nouveaux horizons, non sans susciter des interrogations logiques : pourquoi a-t-il décidé de tourner le dos à un groupe très bien sur ses assises, en pleine croissance et dont il a été l’un des grands architectes du développement ? Sa démission est-elle liée au contrôle fiscal dont a fait l’objet Saham Assurance ? De telles interrogations, si elles ne reçoivent pas de réponse, prêtent vite foi à la rumeur et aux mauvaises interprétations. Alors, toute tentative de supputations sur sa démission a été étouffée dans l’oeuf. «Il a démissionné parce qu’il a des projets qu’il souhaite développer. Cela n’a rien à voir avec le contrôle fiscal dont a fait l’objet Saham Assurance», nous confiait une source proche, non sans préciser que «toutes les entreprises passent par là, comme Lydec, Axa, CDG par exemple cette année. Au contraire, le contrôle fiscal de Saham Assurance n'a rien révélé de significatif».
Mehdi Tazi avait simplement l’ambition de voler de ses propres ailes. Développer son propre business. Exprimer ses talents de businessman. Avoir les manettes… pour éclore. Début mai 2017, soit à peine quatre mois après avoir quitté Saham Assurance, cette ambition se confirmait : il rachète une participation majoritaire dans le cabinet Belassur, fondé en 1976 par son dirigeant actuel, Mohamed Belmkadem, et qui a brassé un chiffre d’affaires de 176 MDH en 2016. Et rebondit ainsi dans son domaine de prédilection, les assurances.
Avec l'entrée dans le capital de Mehdi Tazi, «l'ambition des actionnaires est de faire de Belassur un acteur de référence au Maroc, puis dans un second temps en dehors des frontières, en matière de courtage en assurance et en réassurance», précisait le communiqué publié au lendemain de la concrétisation de cette opération.
Un projet ambitieux
Les objectifs sont donc clairement définis pour Belassur : d’abord, faire mieux qu’être parmi les 10 cabinets les plus importants du marché marocain. En faire le leader du secteur ? Pourquoi pas ? Pour atteindre cet objectif, il s’agira, d’une part, de s’appuyer sur l’expertise et la bonne connaissance du marché national de Mohamed Belmkadem, le fondateur de Belasur, qui reste actionnaire et continue à diriger le cabinet avec Mehdi Tazi. D’un autre côté, Tazi, très apprécié dans les milieux d’affaires marocains, va apporter un nouveau souffle et une nouvelle vision dans ce cabinet qui a été créé … alors qu’il venait à peine de naître. A seulement 42 ans, ce titulaire d’un diplôme d’ingénieur de Télécom Sud Paris (1999) et d’un MBA de l’Insead (2004) jouit en effet d’une expérience solide du monde des affaires, puisque, dès 2003, il a cofondé le spécialiste marocain de l’offshoring, Outsourcia, avant de rejoindre le Groupe Saham en 2005. Où il occupera plusieurs postes de responsabilité, dont notamment directeur délégué de CNIA-Saada, Directeur général de Saham Assurance Maroc et, en mai 2014, PDG de la compagnie d'assurances.
L’autre tour de force à réussir est de faire de Belassur un cabinet de courtage panafricain de référence à moyen terme. Cet objectif semble être dans les cordes de Mehdi Tazi qui peut déjà se prévaloir d’une expertise et d’une expérience riches de douze ans au sein du groupe panafricain qu’est Saham. «Mehdi Tazi connaît assez bien le marché africain de l’assurance et son ambition est de faire de Belassur une référence régionale du conseil et du placement en assurance à horizon 5 ans, en constituant l'équipe la plus qualifiée du marché et en délivrant le service le plus performant et le plus innovant», nous confie une source très au fait de ce dossier.
A noter qu’une porte sur l’Afrique a déjà été ouverte par Belassur qui compte parmi ses clients le groupe français Geocoton. Ce leader mondial dans la production et la commercialisation de fibre de coton est en effet présent, entre autres, dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest comme le Togo, le Mali, le Cameroun, la Guinée… D’ailleurs, «l’Afrique de l’Ouest et les pays où sont implantés les grands groupes marocains sont parmi les marchés prioritairement ciblés par Belassur», soutient notre source.
Cela dit, pour aller à la conquête du continent africain, il ne suffit pas seulement d’en connaître les rouages, au regard notamment des spécificités propres à chaque pays. Il faut aussi avoir les reins solides, d’où l’impératif de consolider d’abord ses assises financières. Cela passera-t-il alors, d’ici quelques années, par une introduction en Bourse pour lever des fonds ?
Un jeune MHE ?
Belassur à la Bourse ? Ce serait le processus final logique d’une stratégie de développement ambitieuse. Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais le cas Agma Lahlou-Tazi reste un cas d’école et un modèle de réussite qui peuvent inspirer nombre de cabinets de courtage. Derrière cette réussite, il y avait un homme : Moulay Hafid Elalamy (MHE), le big boss du Groupe Saham, ancien patron de Mehdi Tazi, et actuellement ministre de l’industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique.
Coup d’oeil dans le rétroviseur : en 1995, MHE s’offrait Agma, pour lui greffer deux ans plus tard un autre cabinet de courtage, Lahlou-Tazi. En 1998, Agma Lahlou-Tazi est introduite en Bourse puis cédée, MHE récoltant au passage un joli pactole.
Mehdi Tazi est-il dans cette optique ? Difficile de le dire. Mais, renseigne notre source, «il garde toujours des relations privilégiées avec MHE». Bénéficie-t-il des conseils de ce dernier ? Peut-être.
Sauf qu’écouter Moulay Hafid Elalamy revient, pour un manager, à aimer prendre des risques, comme il nous le confiait : «Je suis de cette race d’hommes qui aime prendre des risques. Chaque jour que je me réveille, je veux avoir l’illusion de bâtir, d’être utile». Mehdi Tazi est-il prêt à prendre des risques pour réussir le pari de propulser Belassur parmi les plus grands cabinets de courtage au Maroc et en Afrique d’ici quelques années ? ■
Par D. William