Alors que la généralisation de l’AMO redistribue les cartes, les courtiers et agents d’assurance devront inventer de nouveaux relais de croissance. Sur le front technologique, l’IA s’invite dans la profession. Entretien avec le président de la Fédération nationale des agents et courtiers d'assurance au Maroc (FNACAM), Farid Bensaïd.
Propos recueillis par Y. Seddik
Finances News Hebdo: La généralisation de l’AMO et le renforcement des assurances obligatoires vont sans doute profondément remodeler le marché. Quels sont, selon vous, les risques et opportunités pour les intermédiaires dans cette nouvelle configuration ?
Farid Bensaïd : La généralisation de l’AMO est d’abord une excellente chose, tant pour la société marocaine que pour la couverture progressive de l’ensemble des citoyens. Sur le plan sociétal, c’est une avancée majeure. Mais sur le plan économique et assurantiel, le secteur doit s’adapter et anticiper les changements. Les intermédiaires qui travaillent avec les entreprises privées vont voir une partie de leur chiffre d’affaires diminuer, ce qui pose un problème de charges fixes. La solution réside dans le développement d’assurances complémentaires, pour préserver les acquis des salariés et accompagner les entreprises dans cette transition. Le rôle de conseil des intermédiaires sera donc décisif pour anticiper et proposer des solutions adaptées.
F. N. H. : Le slogan «L’IA face à l’IA» met en lumière la confrontation entre les intermédiaires et l’intelligence artificielle. Comment la FNACAM envisage-t-elle de préparer ses membres à intégrer ces technologies tout en préservant la valeur humaine du conseil ?
F. B. : Il est important de rappeler que l’humain ne sera jamais remplacé. Le rôle de l’intermédiaire et de l’assureur-conseil repose avant tout sur l’écoute, la compréhension et l’interaction humaine. En revanche, certaines tâches répétitives ou d’analyse, par exemple la détection de fraudes ou l’exploitation de données historiques, peuvent être confiées à la machine. L’intelligence artificielle doit donc être envisagée comme un outil d’appui, et non comme un adversaire. À condition de se doter des bons moyens, elle peut enrichir le conseil et améliorer le service rendu aux assurés.
F. N. H. : À court terme, quels sont les sujets prioritaires pour la profession ?
F. B. : Le chantier majeur est celui du «Livre IV», une nouvelle réglementation qui constitue le futur code des assurances. Elle est en cours de validation administrative et va poser notre véritable «code de la route». Ce texte intégrera notamment la dimension de la digitalisation, indispensable pour accompagner des sujets concrets comme la dématérialisation de l’attestation d’assurance, encore absente du cadre légal actuel. Par ailleurs, les assurances obligatoires, qui seront également renforcées, représentent un levier de sécurisation pour les assurés et les entreprises.
F. N. H. : À l’horizon 2030, comment imaginez-vous le rôle de l’agent et du courtier d’assurance au Maroc: davantage technologique, davantage social, ou un équilibre entre les deux ?
F. B. : En 2030, le Maroc accueillera la Coupe du monde, un événement qui va accélérer les investissements technologiques et en infrastructures. Le secteur de l’assurance devra accompagner ce mouvement, notamment en matière de prévention et de couverture des risques. Mais il ne faut pas perdre de vue la dimension sociale : le taux de pénétration de l’assurance au Maroc est aujourd’hui de 4,1%. C’est honorable à l’échelle africaine, mais faible par rapport au potentiel national. Nous pouvons le doubler d’ici 2030, à travers un développement à la fois des assurances sociales et technologiques. Les deux dimensions doivent progresser conjointement pour réaliser ce potentiel.