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Intermédiaires en assurance : le temps des marges faciles est révolu

Intermédiaires en assurance : le temps des marges faciles est révolu

À l’heure où 60% des intermédiaires tournent avec moins d’1 million de dirhams de commissions annuelles, la FNACAM met en garde que sans complémentaire santé, sans montée en compétences et sans appropriation de l’IA, le réseau risque l’asphyxie. La bascule de l’AMO menace, à elle seule, 5,5 milliards de dirhams de primes santé. Un choc que les agents et courtiers ne pourront absorber qu’en développant des sur-complémentaires crédibles et accessibles.

 

Par Y. Seddik

La 9ème Rencontre annuelle de la FNACAM s’est ouverte sur une évidence : l’assurance et l’intermédiation au Maroc basculent dans un cycle inédit. D’un côté, la généralisation de l’AMO et l’extension des couvertures obligatoires reconfigurent les flux du marché. De l’autre, l’intelligence artificielle s’invite dans la souscription, la tarification et l’indemnisation. Entre ces deux forces, les intermédiaires devront ainsi se réinventer vite, et surtout sans renoncer à leur capital de confiance. D’entrée, Farid Bensaid, président de la FNACAM, plante le décor en indiquant que «la généralisation de l’AMO est une avancée sociétale majeure. Mais elle déplacera des volumes des couvertures privées vers le régime obligatoire». Traduction économique : une partie des revenus santé des compagnies et des intermédiaires est appelée à s’éroder. Le message se veut offensif. La priorité est d’accélérer sur la complémentaire santé, afin de compenser l’érosion attendue et repositionner l’intermédiaire comme conseil stratégique. Bensaid rappelle aussi une fragilité structurelle du secteur, avec près de 60% des intermédiaires opérant avec moins d’1 MDH de commissions annuelles. Dans ce contexte, l’IA est positionnée comme l’alliée qui permet la détection de fraude, l’analyse d’historiques et l'automatisation des tâches, mais «sans jamais remplacer l’écoute et le conseil».

Le régulateur fixe les priorités

Pour sa part, Abderrahim Chaffai, président de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), déplace le débat du terrain technique vers le terrain de la protection. Les assurances obligatoires, martèlet-il, «sont d’abord un instrument de protection des individus et des biens». Le marché, lui, a rebondi après 2023 avec environ 60 Mds DH de primes en 2024 (+5 %), puis 35 Mds DH au premier semestre 2025 (+7% vs période comparable). Toutefois, le chiffre de 4,1% de taux de pénétration ajoute une ombre au tableau.

«Supérieur à la région, mais en deçà du potentiel», résume Chaffai, qui en tire un cap : diversifier les produits, simplifier l’accès (micro assurance, canaux digitaux) et éduquer les assurés (plateforme EduCAPS). Sur l’IA, l’autorité promet autant d’ambition que de garde-fous. Elle prépare un dispositif digital de contrôle fondé sur l’IA pour surveiller en continu les ventes et communications en ligne, et pousse la dématérialisation de l’attestation auto via QR code sécurisé. L’esprit de ces changements ? Innovation oui, mais «encadrée avec discernement pour servir l’assuré et renforcer la crédibilité du secteur».

Moderniser vite, sans sacrifier la confiance

De son côté, Bachir Baddou, vice-président délégué de la Fédération marocaine de l’assurance (FMA), voit dans la co-organisation du Mondial 2030 un véritable «game changer» pour l’économie… et pour la distribution. Le réseau physique reste, selon lui, le socle du secteur, à l’heure où l’examen d’accès 2025 fait entrer 550 nouveaux agents et courtiers (dont une part de transformations de bureaux directs). Ainsi, le défi immédiat est la formation continue et l'intégration dans un marché plus compétitif.

Baddou cible ensuite un point chaud qui a trait à la réforme du barème d’indemnisation auto. Le texte, stabilisé, provoquerait mécaniquement une hausse d’environ 24% des primes sur cinq ans.

«Le vrai sujet, c’est la rétroactivité prévue sur les sinistres non encore jugés», alerte-t-il, plaidant pour son retrait, au risque sinon d’un choc pour les résultats… et pour les assurés. Sur le digital, la vente en ligne de bout en bout sera «bientôt une réalité», avance-t-il, portée par la dématérialisation de l’attestation et le paiement monétique. Et sur l’IA, B. Baddou précise que c’est un «partenaire incontournable, qui libère du temps pour le conseil», mais «aucune technologie ne remplacera la confiance humaine».

Trois lignes de force à prioriser : 

1. Rééquilibrer le marché par la complémentaire La bascule AMO impose de prototyper rapidement des sur-complémentaires, d’industrialiser le parcours conseil employeurs/PME et de préparer des campagnes multirisques habitation (MRH), si l’habitation progresse vers l’obligation. C’est un test grandeur nature de la capacité des intermédiaires à créer de la valeur au-delà du prescrit.

2. Passer d’obligations dispersées à un cadre lisible Le Livre IV est attendu pour clarifier l’accès à la profession, renforcer le devoir de conseil, encadrer la vente en ligne et reconnaître des modèles de distribution plus diversifiés. Côté pratique, la dématérialisation de l’attestation auto au QR code peut devenir un symbole tangible de simplification… si l’écosystème (forces de contrôle, paiements) suit.

3. Adopter l’IA… sous gouvernance Les cas d’usage ou «quick wins» (tri des sinistres, scoring fraude, assistants de souscription) sont prêts. Reste à installer une gouvernance avec registre des modèles, traçabilité des décisions, contrôle de biais, conformité du régulateur. On retient donc que l’IA est plus un engagement de responsabilité, qu’un outil de modernisation. En définitive, la 9ème Rencontre annuelle de la FNACAM aura rappelé que le temps des marges faciles est révolu.

Entre une AMO qui siphonne une partie des primes, un barème auto qui alourdit les coûts et une IA qui redistribue les cartes de la relation client, les intermédiaires doivent se réinventer. Le mot de la fin revient au régulateur qui résume : «innover avec responsabilité, protéger avec équité et servir avec confiance». Un triptyque qui sonne comme un mantra, alors que le secteur entre dans une décennie décisive. 

 

 

 

 

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