S’enrichir grâce à la crise de l’immobilier?

S’enrichir grâce à la crise de l’immobilier?

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d'Arkhé Consulting

Lors d’une précédente chronique publiée le 13 juin de cette année, j’avais mis en garde contre le risque que fait peser l’inflation actuelle sur notre épargne, qu’elle soit faible ou importante. J’avais à ce propos proposé brièvement quelques possibilités de placement, en vue d’amortir la perte de pouvoir d’achat, dont celle de l’acquisition de terrains constructibles et de biens immobiliers de seconde main, non impactés par l’inflation de l’année en cours.

Cette piste mérite une analyse plus approfondie. C’est donc là l’objet de cette chronique, que d’en dévoiler le potentiel.

Revenons tout d’abord aux canaux de transmission de l’inflation vers le secteur immobilier.

Premièrement, les coûts des matières premières.

La relance post-covid, l’augmentation des coûts de fret, l’envolée des cours des matières énergétiques et l’abondance de liquidités sur les marchés mondiaux ont abouti à une augmentation faramineuse des prix des matières premières utilisées dans la construction (verre, ciment, aluminium, acier, peinture,…). Dès le mois de janvier 2022, l’augmentation était située entre 30 et 50%. Depuis, l’inflation n’a cessé de s’étendre et de monter crescendo à l’échelle mondiale.

Tous les chantiers entamés depuis le début de l’année 2022 vont donc nécessairement intégrer cette inflation dans le coût final. Car même si les promoteurs seront amenés à baisser leurs marges de profits, elle ne pourra cependant pas devenir négative. Ces derniers préféreront garder des stocks invendus en attendant des jours meilleurs plutôt que de jouer le jeu du marché.

La seule perspective pour un acheteur dans l’immédiat serait d’acheter des biens dont la construction a été initiée en 2020 ou 2021, ou des biens de seconde main en bon état.

Deuxièmement, l’effet psychologique du maintien du taux directeur par Bank Al-Maghrib. Car si beaucoup craignent, et j’en fait assurément partie, une hausse du taux directeur, ce dernier a été maintenu à 1,5%. Mais beaucoup verront et à juste titre une aubaine, en décidant de contracter un crédit immobilier dans l’immédiat, avant que la Banque centrale ne change d’avis, suite à la pression de l’exécutif ou du secteur bancaire, qui envisage très mal le fait de devoir gérer des taux réels négatifs sur une période indéterminée. Ce qui les amènera, Banque centrale ou non, à revoir leurs taux à la hausse. Cette hausse probable des crédits immobiliers dans les deux mois à venir contribuera à entretenir, voire à aggraver l’augmentation des prix des biens immobiliers.

Ainsi, au-delà des deux prochains mois, acheter dans une perspective de placement ou d’investissement des biens immobiliers neufs dans une période inflationniste représente un risque élevé. Car si vous désirez être exonéré de la TPI dans le cas où il s’agira de votre logement principal, vous ne pourrez revendre votre bien que dans 6 ans (ou 4 pour un logement social). D’ici là, la bulle immobilière actuelle aura éclaté avec une baisse significative des prix, et l’inflation cumulée sur cette période réduira la valeur réelle du prix de vente par rapport au prix d’achat.

Quelle alternative dans ce cas ? Acheter dans la mesure du possible des terrains constructibles.

3 facteurs essentiels (et non les seuls) déterminent la valeur et le potentiel d’un terrain constructible :

• La croissance de la demande de biens immobiliers neufs, qui se traduit par une demande de terrains par les promoteurs.

• La situation géographique du terrain (centre ville / périphérie, infrastructures, activités économiques environnantes, zone commerciale, immeuble ou villa,…).

• Les politiques urbaines (changement de statut de la zone, projets d’aménagement et d’investissement dans les infrastructures, projets d’investissement privés dans la zone,...) qui peuvent le valoriser.

Pour le premier facteur, l’évolution des taux des crédits immobiliers est déterminante.

La corrélation entre les taux et les prix des biens immobiliers est négative. Autrement dit, plus les taux sont bas, plus les gens achètent, et par conséquent plus les prix augmentent, et inversement. Ainsi, en augmentant dans le cas de taux bas, les prix des biens immobiliers entraînent avec eux à la hausse celle des terrains constructibles. Mais dans la perspective que nous prévoyons, d’une hausse des taux dans les 6 prochains mois, le plus plausible serait d’avoir pour conséquence une baisse même relative des prix dans l'immobilier neuf. Car n’oublions pas que le marché évolue dans une logique de cycle, et qu’actuellement, nous entamons la fin d’un cycle haussier, qui sera irrémédiablement suivi d’un cycle baissier.

Vous me direz : «dans ce cas, quel intérêt à acheter des terrains si leurs prix vont grandement baisser dans le sillage de celui des biens immobiliers ?».

Oui et non, et cela pour au moins deux raisons.

La première est que la baisse ne sera pas la même. Car contrairement aux biens immobiliers, les terrains n’intègrent pas l’effet de la flambée des prix des matières premières. La baisse de leur prix exprimera presque uniquement l’impact de la baisse de la demande tangible, là où les biens immobiliers verront leur prix ne baisser que partiellement, puisque comme nous l’avons expliqué, la hausse des prix des matières premières est importée. Donc demande ou pas, ces prix demeureront hauts. La conséquence est que les prix des terrains constructibles sera plus importante et peut-être plus brutale que celle des biens immobiliers. Car si une chose est certaine, c’est que dans la conjoncture actuelle et à venir, bon nombre de projets immobiliers seront tout simplement abandonnés ou mis en suspens, du fait de l’importance des stocks d’invendus qui croiseront dans le secteur.

La deuxième raison est le timing. Autrement dit, le bon moment pour acheter des terrains constructibles. Il s’agit pour reprendre un concept du monde de la finance, d’identifier le «Momentum baissier». Comme dit le proverbe : «tout vient à point à qui sait attendre».

Trois éléments devront être pris en compte :

1. Identifier le début du cycle baissier : baisse prononcée et successive sur au moins 3 ou 4 mois des biens immobiliers neufs, complétée par une lecture en glissement annuel (prix aux mêmes mois à l’année précédente).

2. Identifier le début de décrochage entre les prix des terrains constructibles et ceux des biens immobiliers et détecter le gap maximal, qui correspond à une stabilisation des prix des terrains à des niveaux bas sur 3 ou 4 mois.

3. Affiner votre lecture par la prise en compte des facteurs évoqués précédemment (situation géographique, politiques urbaines,...).

Et c’est là où acheter des terrains constructibles devient très intéressant en réduisant le risque au maximum si votre investissement s'inscrit dans un horizon temporel de 4 à 6 ans, soit au moment d’une éventuelle reprise d’un cycle haussier dans le secteur immobilier.

Mais gardons à l’esprit que toute politique d’investissement doit être impérativement inscrite dans une démarche de diversification afin de répartir les risques de votre portefeuille. L’investissement miracle n’existant pas, la prudence demeure toujours de mise, et se faire accompagner par des experts du secteur est un gage supplémentaire de sécurité et d’efficacité.

 

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