La multiplication des mises en chantier va augmenter significativement l’offre de logements pour répondre à la demande. Il n’y aura pas de dérogations pour les promoteurs immobiliers. Entretien avec Youssef Housni, secrétaire général du ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Dans le cadre du programme Daam Sakane, on note un grand décalage entre le nombre de demandes et celui des bénéficiaires. Pourquoi ?
Youssef Housni : Avec Daam Sakane, le ministère veut donner de la visibilité aux promoteurs. Le programme a été annoncé en octobre 2023, et en janvier 2024, nous avons lancé la plateforme. A cette date, il n’y avait pas suffisamment d’offres pour répondre à la demande. Mais, depuis cette date, nous avons constaté une relance à travers la hausse du nombre d’autorisations de construire à l’échelle nationale. Celle-ci a augmenté de plus de 10% et la consommation de ciment a progressé de 12%. Quant aux crédits octroyés dans le cadre de Fogarim, ils ont connu une évolution positive, à l’instar d’autres types d’indicateurs relatifs au secteur de l’habitat. Les constructions sont en cours et les premiers résultats apparaîtront d’ici la fin de l’année 2025, et particulièrement en 2026 où la production sera beaucoup plus importante et correspondra à l’offre. Par rapport au programme du logement social, Daam Sakane implique un grand nombre de promoteurs et touche toutes les villes, pas uniquement les grandes. Avec la multiplication des mises en chantier, le nombre de livraisons devrait lui aussi augmenter.
F. N. H. : Le programme profite-t-il aux petits et moyens promoteurs ? Dans quelle mesure ?
Y. H. : Avant, nous exigions des promoteurs immobiliers de construire au moins 500 unités pour pouvoir bénéficier des exonérations fiscales. Cette mesure empêchait les petites et moyennes entreprises de pouvoir participer aux programmes. Les promoteurs immobiliers qui ont une grande capacité et les moyens de pouvoir construire, s’intéressent aux régions où il y a la demande. 77% des projets de logement social se trouvent dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Kénitra et autres. Lors du séisme d’Al Haouz, nous avons cherché un stock de logements sociaux dans cette région ainsi que celles de Chichaoua et de Taroudant, en vain. Avec Daam Sakane, nous avons constaté que les petites et moyennes villes ont bénéficié davantage du programme. Les promoteurs, surtout les petits, commencent à lancer des projets dans ces localités. Ce qui a permis à ce programme de bénéficier à l’ensemble des citoyens sur tout le territoire national.
F. N. H. : Ce programme permettra-t-il de réduire le déficit en logement ?
Y. H. : Depuis l’intronisation de SM le Roi Mohammed VI (ndlr en 1999), le déficit en logements est passé de 1,2 million d’unités à 350.000 unités actuellement. Il faut rappeler que notre pays a subi plusieurs crises qui ont impacté le secteur, comme celle du Covid. Ensuite, il y a eu la guerre en Ukraine qui a entraîné une flambée des prix. Cela a entraîné un marasme dans le secteur de l’habitat. Pour remédier à cette situation et augmenter l’offre de logements qui est un droit constitutionnel, notre département a conçu le programme Daam Sakane. Ce programme a été conçu sur la base d’une étude qui a conclu que 90% des Marocains avaient besoin d’un logement dont le prix ne dépasse pas 800.000 DH. Il cible deux catégories de bénéficiaires. La première concerne les logements dits sociaux, dont le prix ne dépasse pas 300.000 DH, avec une aide directe de l’Etat de 100.000 DH/logement. La deuxième est dédiée à la classe moyenne, qui bénéficie d’une subvention de 70.000 DH pour les logements dont le prix est compris entre 300.000 DH et 700.000 DH. A l’initiative du groupe Al Omrane, il y a un programme pour lancer des projets dans les centres ruraux émergents. Cela permettra d’assurer un équilibre entre les villes et le monde rural.
F. N. H. : Comment le foncier public peut-il être utilisé pour booster l’offre de logements ?
Y. H. : Le programme Daam Sakane va être réalisé dans le cadre du respect total des documents d’urbanisme. Il n’y aura pas de dérogations ni d’avantages octroyés aux promoteurs immobiliers. Le rythme des réalisations se fera dans le respect total de la réglementation d’urbanisme et de l’habitat. Par le passé, les dérogations avaient créé des désagréments en matière d’équipements publics et de services annexes nécessaires pour la population. Le programme Daam Sakane cible les zones ouvertes à l’urbanisation. Le groupe Al Omrane a un grand rôle à jouer en tant qu’aménageur et développeur public pour mettre à la disposition des promoteurs immobiliers le foncier nécessaire, mais qui doit être utilisé dans les règles de l’art.