Rentrée politique : les défis qui guettent le Maroc

Rentrée politique : les défis qui guettent le Maroc

 

Le discours royal de la fête du Trône a pointé du doigt de nombreuses lacunes qui mettent les classes politique et économique, ainsi que l’Exécutif face à des défis de taille. Youssef Guerraoui Filali, secrétaire général du Centre marocain pour la gouvernance et le management, un centre de recherche et de formation à vocation scientifique, énumère quelques pistes à suivre.

 

 

Finances News Hebdo : Quelles sont les priorités pour cette rentrée politique, la classe politique ayant été largement désavouée par le discours royal à l’occasion de la fête du Trône ? Mais également économique ?

 

Youssef Guerraoui Filali : Nos politiques seront confrontés à de multiples challenges d’ordre économique, social juridique, diplomatique et même sécuritaire. Je cite principalement les contestations socioéconomiques au Nord qui sont toujours d’actualité, le nombre de défaillance des entreprises marocaines qui a atteint un niveau record, le climat sécuritaire en Europe qui est devenu morose, le processus d’intégration du Maroc à la CEDEAO qui est observé de près par les ennemis du pays… une rentrée politique qui devrait relever plusieurs défis en considérant l’intérêt de la nation «la priorité absolue» au-delà de toute instrumentalisation politique ou partisane.

Au niveau du Parlement, la prochaine session d’automne sera marquée par une nouvelle dynamique de vote du Projet de Loi de Finances 2018 caractérisée par le dépôt des projets de performance sectoriels au niveau des commissions parlementaires concernées, en accompagnement des projets de budget ministériels.

Lesdites commissions devront examiner les projets de performance des départements ministériels avec une logique de résultat afin de pouvoir apprécier la pertinence des enveloppes budgétaires allouées à chaque action ministérielle, et dans la perspective d’en évaluer sa réalisation en aval au niveau du rapport de performance.

L’objectif majeur de cette Loi de Finances serait de redynamiser l’économie marocaine pour soutenir les entreprises en difficulté.

Dans le même ordre d’idées, l’appareil législatif devrait reprendre son rythme productif habituel après un arrêt politique de 6 mois dû au blocage de formation du gouvernement. Les futurs textes législatifs devront, entre autres, cibler le climat des affaires et encourager l’entrepreneuriat pour la promotion des startup marocaines, gisement de potentialités de croissance.

Pour l’Exécutif, la prochaine rentrée politique sera plus dure. Il lui incombera de mener plusieurs actions gouvernementales pour répondre positivement aux manquements évoqués par Sa Majesté le Roi lors du discours du Trône. Le gouvernement devra se pencher sur plusieurs problématiques de gestion, en vue d’en satisfaire au final le citoyen marocain qui espère toujours un changement palpable dans sa vie quotidienne.

A l’heure actuelle, le retard d’exécution des projets socioéconomiques de la région d’Al Hoceima est le point le plus critique pour l’actuelle équipe gouvernementale. Les failles constatées dans cette zone sont multiples, je cite, entre autres, le manque de coordination interministérielle autour des chantiers phares, l’absence de synchronisation au niveau des actions entreprises, la non qualification des ressources humaines pour le suivi des projets, etc. Les politiques d’anticipation et de proactivité sont indispensables pour éviter les dysfonctionnements susceptibles de provoquer de nouvelles revendications populaires dans d’autres régions du Royaume.

En outre, le gouvernement devra aussi poursuivre la politique de mise en place des stratégies nationales à moyen long terme mais en impliquant les institutions et les entreprises publiques concernées. Il va falloir responsabiliser chaque acteur à travers un «planning d’exécution» si l’on veut vraiment mobiliser l’ensemble des parties prenantes pour l’atteinte des objectifs escomptés.

 

F.N.H. : L’administration publique a également été pointée du doigt dans ce discours. Dans ce sens, lors du Conseil de gouvernement du 24 août, le ministre en charge de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique a présenté 15 mesures à mettre en place avant la fin de l’année. Cela vous semble-t-il réalisable ? Changer en quelques mois la réalité du service public ?

 

Y. G. F. : Il s’agit d’une initiative gouvernementale louable pour l’amélioration des services publics rendus aux citoyens. Par conséquent, la mise à niveau de l’administration marocaine ne peut s’opérationnaliser en quelque mois. La réforme devra couvrir plusieurs volets, tels que la transformation digitale de l’administration, la requalification des ressources humaines par le biais de formations pointues, la généralisation de la mise à niveau logistique des espaces d’accueil, etc.

Le dispositif juridique et de gestion proposé par le ministère de tutelle n’est qu’une réponse favorable à l’appel royal à travers des mesures dites «d’urgence». De ce fait, le gouvernement ambitionne de consolider les valeurs de gouvernance par l’adoption de la charte de déconcentration administrative, l’engagement à améliorer l’accueil des usagers et la mise en place d’un système de traitement des réclamations des citoyens.

Cette détermination gouvernementale reste positive mais tributaire de l’engagement des fonctionnaires, car c’est l’administration qui mettra en œuvre ces mesures. La réforme du statut de la fonction publique est indispensable pour la refonte du système de gestion des ressources humaines publiques (motivation, évaluation, promotion, sanction…) et ce, afin de favoriser le changement des mentalités, fortement critiquées lors du discours du Trône.

 

F.N.H. : Aujourd’hui, il semble clair que les secteurs sociaux sont à la traîne, malgré un discours collectif qui verse dans la valorisation du capital humain. Aujourd’hui, qu’est-ce qui contribue à ce constat et comment le dépasser ?

 

Y. G. F. : Aujourd’hui, le déficit social constaté est dû à la non cohérence des politiques sociales engagées à travers plusieurs gouvernements. Sur le plan éducatif, les inégalités sont très apparentes lorsqu’on compare par exemple le niveau d’enseignement public au privé.

Par rapport à l’emploi, le chômage ne cesse de s’aggraver. L’écart est flagrant entre les actifs potentiels demandeurs d’embauche et les postes d’emploi créés par l’économie marocaine.

Nous avons besoin d’une approche «innovatrice» qui considère l’élément humain comme un levier de développement socioéconomique. L’inclusion sociale devra être considérée comme un investissement à long terme favorisant le développement durable de notre pays.

Le désenclavement des populations rurales devrait se faire à travers des projets structurants, tels que l’agriculture durable et l’énergie renouvelable, afin de répondre aux besoins locaux des populations (emploi, amélioration du revenu, infrastructures de base…).

La réforme de l’éducation nationale devra être considérée comme «la priorité des priorités» pour préparer nos générations futures. Comme vous le savez, le niveau d’éducation est un indicateur déterminant du niveau de développement d’un pays. L’encouragement et l’appui à la création et au lancement des start-up marocaines et la récompense des idées innovatrices serviront davantage au rayonnement de notre pays.

La promotion de l’économie numérique est incontournable pour la réussite de la transformation digitale du Maroc en un véritable hub régional marqué par sa force de frappe RH. Cependant, le développement du Maroc dans le continent africain se fera par le biais d’une logique gagnante-gagnante profitable au citoyen marocain pour son intégration sociale, et à travers deux facteurs sociaux déterminants «la formation et l’emploi». ■

 

Propos recueillis par I. Bouhrara

 

 

 

 

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