On nous l’avait promise depuis belle lurette. Mais la réforme des retraites, c’est un peu comme la pluie qu’attendent les Marocains en temps de sécheresse : tout le monde en parle, tout le monde l’espère, mais personne ne sait vraiment quand elle tombera.
En attendant, les régimes de retraite sont sous haute tension. Lundi dernier, devant les parlementaires, la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah, a donné quelques informations sur cette réforme tant attendue, que l’on peut ainsi résumer en quelques expressions clés : réunion à venir de la Commission nationale, appel à un dialogue responsable, pas de solution toute prête et besoin de discussions approfondies.
«Lors de la dernière session du dialogue social, nous avons convenu avec les centrales syndicales de former la Commission nationale chargée de la réforme des retraites», a-t-elle ainsi rappelé, précisant que, «dans les prochains jours, sera annoncée la tenue de la première réunion de cette commission».
L’échéance, quant à elle, n’a pas été fixée. Certes, on ne peut reprocher au gouvernement de ne pas vouloir bien faire. Il ne veut surtout pas imposer une solution précipitée et cherche à mettre en place une vision consensuelle de la réforme. Il faut dire que ce sujet est tout sauf sexy. Il est, au contraire, très explosif et très impopulaire.
C’est pourquoi tous les gouvernements précédents ont préféré gentiment le ranger dans les tiroirs de l’Administration pour s’éviter les foudres des centrales syndicales. On a bien vu ce qu’une telle réforme suscite en débats et en tensions chez notre partenaire privilégié, la France. Mais accordons quand même au gouvernement Akhannouch une chose : quand bien même rien de solide n’a encore eu lieu, il a eu le courage de poser le débat et d’engager la réforme. Il peut ainsi se targuer d’avoir pu retarder l’épuisement des réserves des pensions civiles de la Caisse marocaine des retraites (CMR) de 3 années, le portant de 2028 à 2031.
Ce sursis a été obtenu grâce à l’augmentation de la masse salariale des fonctionnaires, dans le cadre du dialogue social. Ce n’est pourtant pas suffisant. On a juste jeté un seau d’eau sur un feu de forêt, en attendant la pluie. Il faut donc passer à une étape autrement plus importante : la réforme systémique du secteur. Celle-ci prévoit l’instauration d’un dispositif dual articulé autour de deux pôles, l’un public, l’autre privé, dont les orientations stratégiques majeures ont été arrêtées dans le cadre de l’accord issu du dialogue social.
Cette réforme devrait permettre la mise en place d’une tarification adaptée aux spécificités des régimes concernés, à même de résorber une part substantielle des engagements passés demeurés sans couverture. Et il y a urgence. Car le statu quo coûte cher. Non seulement financièrement, mais aussi socialement, avec des actifs qui cotisent pour un système dont ils ne savent pas s’il leur rendra la pareille un jour. Mais peut-être est-ce là le paradoxe de cette réforme : tout le monde est d’accord pour dire qu’elle est urgente, mais rien ne bouge vraiment.
Les experts alertent, le gouvernement temporise et les syndicats sont en mode défensif. En attendant, ce système de solidarité intergénérationnelle est sérieusement chahuté.
Par F.Z Ouriaghli