Longtemps dominé par l’importation, le marché marocain de l’alimentation pour animaux de compagnie amorce une mutation progressive. L’émergence de références locales, l’essor des marques de distributeur et un cadre réglementaire plus exigeant dessinent les contours d’un secteur encore jeune, mais désormais visible sur le plan économique.
Par R. Mouhsine
Pendant des décennies, l’alimentation animale au Maroc s’est concentrée presque exclusivement sur les besoins de l’élevage. Les aliments destinés aux chiens et aux chats sont restés un marché de niche, approvisionné principalement par des marques internationales distribuées dans les grandes villes.
Cette domination s’expliquait par une demande limitée, une perception de qualité associée à l’import et l’absence d’une offre locale clairement identifiée. Ce modèle est en train d’évoluer sous l’effet de plusieurs facteurs: urbanisation rapide, essor de la classe moyenne et transformation des modes de vie. Les animaux de compagnie occupent désormais une place croissante dans les foyers, ce qui se traduit par une demande plus soutenue pour des produits alimentaires adaptés.
Des marques marocaines désormais identifiables
Parmi les acteurs locaux qui tentent de structurer ce marché, certaines marques se distinguent : Aydi - commercialisée sous la marque Jaouda de la coopérative Copag - est une ligne de croquettes pour chiens adultes qui commence à être référencée dans les rayons des animaleries et plateformes en ligne. Les tarifs observés pour un sac de 20 kg de croquettes Aydi au bœuf varient autour de 280 à 299 dirhams, selon les promotions et les points de vente.
Copag, connue pour ses produits laitiers et ses coopératives, a investi plus de 200 millions de dirhams dans une unité de production de croquettes pour animaux, illustrant sa volonté de structurer une offre locale face aux géants importés. Autre acteur identifiable, Alf Sahel, groupe industriel de référence dans la nutrition animale, commercialise également des croquettes pour chiens destinées au marché local. Basée dans le nord du Royaume, Aliments et Protéines du Nord (APN) revendique des marques comme Happy Dog et Happy Cat, présents dans les circuits spécialisés, traduisant une logique plus affirmée d’offre locale.
La grande distribution prend position
La grande distribution joue un rôle important dans l’accessibilité du Petfood au Maroc. Marjane commercialise sous marque de distributeur des croquettes pour chiens et chats, souvent positionnées sur l’entrée de gamme. Ces produits répondent à une logique prix/ volumes et contribuent à démocratiser la consommation de nourriture pour animaux, même si l’origine industrielle précise de ces références n’est pas systématiquement communiquée. Du côté des détaillants, cette évolution est déjà perceptible. Un vendeur spécialisé dans l’alimentation pour animaux, basé à Casablanca, confirme une évolution des comportements d’achat.
«Il y a encore quelques années, les clients demandaient presque uniquement des marques importées. Aujourd’hui, une partie de la clientèle est prête à essayer des produits marocains, surtout quand le prix est plus accessible et que la qualité est jugée correcte. Sur certaines références locales, les ventes progressent régulièrement», explique-t-il.
Le secteur s’accompagne d’un durcissement du cadre réglementaire. Le décret n° 2-23-557, publié en juin 2024, fixe des exigences en matière de sécurité sanitaire, d’agrément des établissements et d’étiquetage des aliments pour animaux. Bien qu’il cible prioritairement l’alimentation destinées aux filières animales contribuant à la production de denrées alimentaires, il s’inscrit dans une dynamique plus large de normalisation, appelée à concerner progressivement l’ensemble de l’alimentation animale, y compris celle des compagnons domestiques.
L’essor des marques marocaines d’aliments pour animaux de compagnie ne se traduit pas encore par des chiffres d’affaires publiés, mais par des signaux de structuration. Le marché progresse, la distribution s’élargit et les références locales gagnent en visibilité.
Le véritable enjeu pour les années à venir sera de transformer cette dynamique en industrie pérenne, capable d’offrir des produits constants, traçables et compétitifs face à l’import. À ce stade, le Petfood marocain n’est pas encore un secteur mature, mais il n’est plus un angle mort de l’agroalimentaire national.