Industrie automobile : le risque Europe

Industrie automobile : le risque Europe

 

Des craintes sur les exportations du secteur automobile suite à la baisse de la demande en Europe.

Les responsables demeurent malgré tout optimistes sur les perspectives du secteur.

 

Par B. Chaou

 

Les exportations du secteur automobile du Royaume se sont bien comportées lors de l’année 2018. D’après le rapport annuel de l’Office des changes, les expéditions du secteur automobile ont progressé en 2018 à 65.047 MDH contre 58.783 MDH (+6.264 MDH), en hausse de 10,7%.

Cette dynamique du secteur résulte essentiellement de la progression des ventes du segment construction de 3.270 MDH, passant de 31.568 MDH à 34.838 MDH, soit une croissance supérieure à 10%.

De même pour le segment câblage, dont les ventes à l’étranger se sont hissées à 23.029 MDH contre 21.339 MDH une année auparavant, soit une augmentation de 7,9%. La part du secteur automobile dans le total des exportations demeure quasiment stable à 23,7% contre 23,6% une année
plus tôt.

Cette performance ne doit pas nous faire oublier que l’industrie automobile marocaine est en grande partie liée à la conjoncture économique européenne, et notamment au dynamisme de son marché automobile.

 

Ralentissement de la demande

Certains experts gardent ainsi un œil plus qu’attentif sur le ralentissement de la demande de véhicules en Europe, déjà confirmée lors du deuxième semestre de l’année passée, laissant présager un impact sur les exportations du Maroc dans ce secteur.

«Globalement, concernant l’économie marocaine, on relève deux petits points de vulnérabilité en rapport avec la conjoncture automobile mondiale, notamment européenne, dans laquelle les marchés automobiles sont mal orientés. Evidemment, compte tenu de l’écosystème automobile au Maroc, cela a de grandes chances d’avoir un impact considérable sur notre économie», nous a récemment confié Frédéric Louat, Directeur général de Riser Maghreb, société de conseils, de services et de solutions dans le domaine de la gestion des risques. 

Que disent les chiffres ? D’après les données publiées récemment par l’ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles), les immatriculations en 2018 de voitures neuves dans l'Union européenne ont été marquées par une décélération de la demande au cours des quatre derniers mois de la même année. Bien que 2018 ait représenté la cinquième année consécutive de croissance, avec près de 15,2 millions de voitures immatriculées dans l’Union européenne, celle-ci reste toutefois assez modeste avec seulement 0,1% d’accroissement. Dans la presse européenne, on évouqe la fin d'un cycl haussier.

Nouvelles immatriculations de voitures dans l'UE (2018)

La demande a été principalement tirée par les pays d'Europe centrale, où les immatriculations de voitures neuves ont augmenté de 8% en 2018. Les résultats ont été diversifiés dans les cinq principaux marchés de l'UE, avec une croissance en Espagne (+ 7%) et en France (+ 3%). Par contre, on remarque une baisse de la demande en Allemagne (-0,2%), en Italie (-3,1%) et au Royaume-Uni (-6,8%), d’après les données de l’ACEA toujours.

 

Confiants malgré tout

En se basant sur ces statistiques, on peut intuitivement prédire un impact, dont l’ampleur est difficilement quantifiable, sur les exportations marocaines du secteur automobile. Une analyse plus approfondie s’impose néanmoins. Il faut en effet souligner que la majorité des exportations du Royaume concerne des véhicules d’entrée de gamme, ou de gamme moyenne, et qu’il n’y a pas, concrètement, de risques à court terme.

C’est ce qu’explique Yasser Tamsamani, économiste et chercheur affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), SciencesPo Paris: «Je crois que la sensibilité de la production automobile au Maroc au retournement de la conjoncture dans les pays importateurs devrait être très faible, voire au profit même des voitures d’entrée de gamme produites au Maroc, en bénéficiant d’un effet de substitution qui pourrait jouer au détriment des voitures de gammes supérieures», (voir interview p. 20). 

Si risque il y a, il concerne essentiellement la fabrication et l’export de composants automobiles, et surtout l’industrie des faisceaux électriques, comme le souligne Adil Rais, président de la CGEM région Tanger, Tétouan, Al Hoceima (voir encadré).

Les responsables politiques restent pour leur part globalement confiants sur la chaîne de valeur des exportations automobiles du Maroc. En effet, le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique, Moulay Hafid Elalamy, lors du 6ème Salon de l’Automotive Meeting Tanger-Med (AMT), s’est réjoui de la bonne performance de l’industrie automobile marocaine.

Le ministre, qui s’est arrêté sur les réalisations du secteur, a indiqué que celui-ci dégage une capacité de production avoisinant les 700.000 véhicules par an, en plus de la création de 163.000 emplois (97% de l’objectif 2020) et d’un taux d’intégration de 50%.

De même, le ministre s’est appesanti sur les perspectives du secteur. Il s’agit notamment de porter la production annuelle à un million de véhicules, et le chiffre d’affaires à l’export à 100 milliards de dirhams (contre 70 milliards de dirhams actuellement).

Le Directeur général de PSA Maroc, Rémi Cabon, a, quant à lui, assuré que l’usine Peugeot, basée à Kénitra, débutera en 2019 son activité par la production de véhicules conçus et développés au Maroc, avec un taux d’intégration prévu de 65%.

Pour sa part, le Directeur général de Renault Maroc, Marc Nacif, a indiqué que la production marocaine représente 10% de la production globale du groupe, faisant savoir que la capacité de production locale sera renforcée, et de de nouveaux modèles seront prochainement introduits. Un message rassurant sur les perspectives du secteur automobile marocain. ◆

 


Verbatim : Adil Rais, président de la CGEM région Tanger, Tétouan, Al Hoceima, et président de l’Union des zones industrielles du Nord :

 Les composants pourraient être touchés, pas la construction

«Les exportations automobiles ne risquent pas d’être touchées à court terme. L’industrie automobile au Maroc est concentrée essentiellement dans la fabrication des véhicules d’entrée de gamme. Ce segment est en plein essor et répond bien à la problématique du pouvoir d’achat.

Le risque de tassement du marché automobile en Europe risque de toucher par contre les composants automobiles et surtout l’industrie des faisceaux électriques.

Ces produits sont très tributaires des constructeurs en Europe, engloutis dans la problématique des nouvelles normes anti-pollution et des baisses de vente. Je crois que les responsables du ministère de l’industrie sont attentifs à ce risque potentiel.

Paradoxalement, si guerre économique entre grandes puissances il y a, le Maroc en tant que pays tiers peut trouver des opportunités. L’origine Maroc peut offrir des voies de contournements «aux belligérants». Soyons attentifs et ne ratons pas ces occasions».


 

 

 

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