Le moral des paysans est en berne, accentué par la faiblesse de leur trésorerie.
La hausse du coût des intrants est une autre entrave au bon démarrage des travaux d’emblavement.
Par C. Jaidani
Le coup d’envoi de la campagne agricole 2022-2023 a été donné. C’est une saison très particulière qui se dessine en raison du déficit hydrique important enregistré au Maroc. Dans le cadre du Projet de Loi de Finances 2023, le gouvernement table sur une récolte moyenne de 75 millions de quintaux de céréales. A priori, cet objectif est réaliste et réalisable, mais reste subordonné à plusieurs conditions, dont la situation pluviométrique de la saison. Il est inutile de rappeler que pour réussir une bonne campagne agricole au Maroc, l’apport en eau doit être bien réparti dans l’espace et dans le temps.
De même qu’il faut entreprendre les opérations d’emblavement et autres travaux du sol dans les meilleures conditions. Interrogés à ce sujet, plusieurs spécialistes du secteur n’ont pas caché leurs inquiétudes concernant l’environnement défavorable qui prévaut actuellement.
«On constate une hausse exceptionnelle de la chaleur, dépassant parfois 4 à 5 degrés par endroit par rapport à la moyenne nationale des 30 dernières années. Ce constat est observé partout dans le monde. Même les plaines atlantiques, pourtant connues pour leur climat tempéré, n’ont pas échappé à ce phénomène. On a l’impression que l’été se prolonge au-delà de la normale. Plusieurs grandes régions agricoles sont toujours sous l’effet de la sécheresse. L’absence de la pluie et la chaleur devrait retarder davantage le démarrage de la saison et peut avoir par la suite un impact notoire sur l’évolution de la campagne», souligne Abderrahim Mouhajir, ingénieur agronome.
«Nous sommes à fin octobre et la météo n’a pas annoncé d’intempéries dans les jours qui viennent. Du coup, la saison ne s’annonce pas assez humide, au moins pour cette période. Il y a de quoi s’inquiéter, en témoigne le moral des paysans qui n’est pas au beau fixe, même s’ils gardent espoir. Généralement, les semis pour les céréales d’automne commencent entre le 15 octobre et le 15 décembre de chaque année. Il y a donc une marge de temps pour se rattraper. Par le passé, nous avons vécu un tel scénario, et avec l’arrivée de la pluie, la saison s’est redressée parfois avec des récoltes importantes», ajoute Mouhajir. Il faut rappeler que des régions dont le Saiss, les régions montagneuses, les régions sahariennes et l’oriental ont bénéficié dernièrement d’un apport en eau important.
Mais ces averses orageuses ont généré des crues et des inondations et n’ont augmenté que légèrement les réserves en eau des barrages. Car, au 24 octobre 2022, le total des retenues a atteint près de 4,1 milliards de m3, soit un taux de remplissage de 25,4% contre 36,2% au cours de la même période de l’année dernière. Plusieurs grands ouvrages frôlent le tarissement, comme Al Massira et Abdelmoumen. D’autres barrages comme Bin El Ouidane sont à 8% seulement. Outre la sécheresse, les agriculteurs doivent faire face à de nombreuses contraintes, dont la baisse drastique de leur trésorerie qui impacte leur capacité de financement. Il faut également noter la hausse du coût des intrants qui est une autre entrave au bon démarrage des travaux d’emblavement.