Yacine Faqir, Directeur général de Quantik Maroc
Pour les TPE et autoentrepreneurs, un accès plus large à la data permettra de donner de la visibilité sur leur comportement futur.
Les détails avec Yacine Fakir, Directeur général de Quantik Maroc, spécialiste de l'information de crédit et de la gestion des risques
Propos recueillis par A.E
Finances News Hebdo : Dans quelle mesure l'activité du Credit Bureau et le scoring en particulier peuvent-ils contribuer à un accès plus aisé au financement des TPE et PME, des autoentrepreneurs et des jeunes diplômés ?
Yacine Faqir : Pour les TPE, PME et grandes entreprises, le Credit Bureau n’est qu’une composante partielle de la prise de décisions lors d’une demande de crédit.
Nous ne collectons pas de données financières (bilans, états de synthèse etc.), c’est donc à la banque de puiser dans d’autres bases de données qui lui sont disponibles (OMPIC etc.) pour se faire une idée plus granulaire de la solvabilité de leurs clients.
Pour les TPE et autoentrepreneurs, seul un accès plus large à la data nous permettra de donner de la visibilité sur leur comportement futur.
Prenons l’exemple d’un étudiant fraîchement diplômé. Pendant ses années universitaires, il a payé toutes ses factures de téléphone à temps, a été régulier sur le paiement de ses loyers, n’a eu aucun retard sur ses paiements d’eau et électricité…, mais il n’a jamais pris de crédit.
Si Quantik retrace cet historique, nous pourrons donner à la banque un score prédictif. Alors, la garantie de notre diplômé sera son comportement irréprochable qui montre un sens de la responsabilité et de l’organisation.
Le but, c’est que tous les citoyens marocains soient pleinement conscients de l’utilité d’un Credit Bureau et le rôle qu’il joue lorsqu’ils voudront avoir accès à un financement, que ce soit à titre personnel ou dans le cadre d’une entreprise. Car, qui dit comportement satisfaisant, dit accès au financement… à des taux et conditions qui reflètent le passé.
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F.N.H. : Estimez-vous que les données extra financières, à l'instar de celles détenues par les pourvoyeurs d'eau, d'électricité et les opérateurs télécoms sont de nature à favoriser l'accès au financement de la cible précitée ?
Y. F. : Une nouvelle loi devrait bientôt être ratifiée pour élargir le spectre de la collecte de data pour les opérateurs Credit Bureau sur la place. Dans les pays où un maillage de la data a été possible grâce aux lois mises en place, dont le gouvernement comprend l’importance de la donnée et où les opérateurs jouent pleinement le rôle du partage de la data, le Credit Bureau a été un catalyseur du crédit et de l’inclusion financière.
Prenons simplement l’exemple de la République Dominicaine, une île dans les Caraïbes, dont la population est de 10 millions d’habitants. Le Credit Bureau local, DataCredito, collecte de la data de plus de 15.000 opérateurs économiques, la data financière ne composant qu’une infime partie de la data collectée. Ils sont en partenariat avec les pharmacies, petits épiciers, grandes surfaces, loueurs automobiles, assurances, régies d’eau et électricité etc., et le gouvernement lui-même n’est pas en reste.
Du ministère de la Justice à celui de l’Intérieur, en passant par les douanes, il existe une véritable «data-toile» avec le Credit Bureau en son centre pour éviter tout ce qui est financement frauduleux, criminalités, etc.
Résultat ? La quasi-totalité de la population en âge de travailler est bancarisée. Une statistique qui donne le tournis : plus de 10 millions de cartes de crédit (et non de débit comme ce que nous avons au Maroc) sont en circulation en République Dominicaine.
Le Credit Bureau au Maroc ne se limite pour le moment qu’à l’information financière émanant des établissements de crédit de la place, dans le strict cadre de la convention avec Bank Al-Maghrib. C’est l’une des raisons qui explique le positionnement du Maroc dans le classement Doing Business sur cette question : les Credit Bureau au Maroc couvrent un peu plus de 30% de la population adulte contre plus de 60% dans les pays de l’OCDE.
F.N.H. : Un mot sur l'actualité de Quantik, près d'un an après son lancement officiel au Maroc. Quel premier bilan en faites-vous ?
Y. F. : Nous sommes très satisfaits du progrès de Quantik sur la dernière année, surtout avec le lancement de notre score prédictif. Ceci étant, plus nous aurons de la data, plus précis seront les outils que nous offrons à la place.
Il n’y a aucune raison de croire que le Maroc ne va pas, lui aussi, entrer dans une ère où le Credit Bureau joue pleinement son rôle de catalyseur de crédit.
Plus nous pourrons collecter de la data, plus de valeurs nous pourrons resservir à la nation sous forme d’accès au financement. Quantik compte bien continuer son ancrage dans l’écosystème financier marocain pour encourager les institutions bancaires à financer davantage, et avec une maîtrise optimisée des risques. Nous sommes tributaires de la data que nous pouvons collecter. Nous excellons dans les écosystèmes riches en data.
Avec le discours sans équivoque de notre Souverain et la volonté de dynamiser l’économie marocaine grâce au financement, nous sommes confiants que le gouvernement ratifiera bientôt la loi relative au Credit Bureau.
Les banques marocaines doivent être innovantes et savoir capitaliser sur le taux de pénétration des smartphones dans le paysage marocain. C’est par et grâce à la technologie que le Maroc pourra redresser les statistiques assez inquiétantes du taux de bancarisation et d’accès au crédit; surtout dans un continent qui commence à se démarquer par ses start-up.