IFRS 16 et IFRS 15 risquent d’impacter les comptes des entreprises.
Les professionnels souhaitent une généralisation de la consolidation à l'ensemble des groupes marocains.
Par A. Hlimi
Le calendrier mondial des réformes en matière de consolidation comptable est en ébullition, un peu comme en 2015 et après la crise financière de 2008. Pour nos entreprises, il s'agit de continuer de s'adapter aux exigences règlementaires, alors que pour les pouvoirs publics, il est temps de faire preuve de cohérence en matière réglementaire.
Anass Radi, président de l'Association marocaine des consolideurs financiers (AMCF), rappelle que les textes de loi actuels imposent la consolidation à trois types d'entreprises : celles qui sont cotées, les groupes bancaires et les groupes publics.
Or, pour prétendre être un hub financier régional, le Maroc doit être un exemple en matière de communication et de transparence financières. Ceci aide également à attirer de nouveaux investisseurs. Un objectif qui passe inéluctablement par une généralisation de l'exigence de la consolidation des comptes à l'ensemble des entreprises qui prennent la forme de groupe. Le dossier est d'ailleurs dans le circuit législatif, mais le marché manque de visibilité par rapport à son agenda.
Deux normes à surveiller
Sur un plan plus micro, Anass Radi attire l'attention sur deux normes IFRS qui risquent de peser sur les résultats des entreprises, après la norme IFRS 9 qui a coûté cher aux banques marocaines l'an dernier.
Il s'agit des normes IFRS 15 (en application depuis 2018) et IFRS16 (en application depuis le 1er janvier 2019), qui auront des impacts sur les résultats consolidés des entreprises ainsi que sur leurs bilans.
La première risque de se faire ressentir sur les résultats 2018 des entreprises de services et NTIC notamment, en limitant le spectre de ce qui est considéré comme chiffre d'affaires, alors que la seconde alourdira les charges d'amortissement et les charges financières des entreprises qui font appel aux contrats de location dans leur processus de production.
Concrètement, le principe de base d'IFRS 15 est de comptabiliser le produit pour décrire le transfert de biens ou de services à un client. La nouvelle norme se traduira également par une amélioration des informations à fournir.
Radi précise que la comptabilisation du chiffre d'affaires passera désormais par une série de filtres qui demandent une mise à niveau des méthodes et des utilisateurs.
Quant à l'IFRS16, elle implique que les locataires comptabiliseront la plupart des contrats de location directement au bilan. Pour Radi, ceci va alourdir les charges d'amortissement des entreprises qui font appel à ce type de contrats ainsi que leurs charges financières, étant donné que la contrepartie de cette comptabilisation au bilan est une dette au passif de l'entreprise.
Les groupes face à des problématiques de plus en plus complexes
Anass Radi explique la mutation des directions financières et plus particulièrement celle du consolideur financier : «C'est l'un des métiers les plus touchés par la digitalisation au sein des directions financières». Une mutation justifiée par les exigences de plus en plus pointues et à la carte, avec des délais de livraison plus courts.
«Il fut un temps où l'on consolidait les comptes une fois par an. Aujourd'hui, certains groupes le font de manière trimestrielle et même mensuelle dans le cadre de la conduite de la performance», note notre interlocuteur.
Il y a aussi la place grandissante de la consolidation à des fins de tests pour mesurer les impacts de nouvelles normes par exemple ou dans le traitement des opérations de fusions-acquisitions à l’international. En plus des traitements des transactions intra-groupes, qui se complexifient au fur et à mesure que les groupes grandissent. Des problématiques qui font évoluer le métier de consolideur. Hier comptable, aujourd'hui plus proche de l'analyste financier. ◆
Une association pour tirer le secteur vers le haut
Lancée en 2018, l'Association marocaine des consolideurs financiers (AMCF) vise à promouvoir et à structurer ce métier. L'association se donne pour mission d'accompagner et rehausser le niveau de ses membres, tout en contribuant à la relance de la réflexion autour des réformes réglementaires en liaison avec le domaine de la consolidation financière.
L’association est également ouverte sur les différents acteurs formant l’environnement de travail du consolideur (auditeurs, normalisateurs, régulateurs, analystes financiers, experts IT, universitaires...). L’AMCF cible aussi l’intégration des cadres consolideurs marocains évoluant à l’étranger en vue d’élargir le champ d’échange, de partage et de coordination. Elle souhaite être une locomotive continentale en la matière.