Minimalisme expressif et ascétisme chromatique caractérisent l’œuvre de cette artiste singulière
Il est quelques élus sur lesquels le temps passe sans laisser de trace. Amina Benbouchta est l’insolente incarnation de cette espèce rare. Aussi bien que l’allure demeure juvénile (ce qui lui confère un magnétisme irrésistible), le sourire enjôleur et le cœur séducteur insatiable, dont la soif de conquêtes n’a d’égale que sa folle passion du corps de la toile.
A 15 ans, Amina Benbouchta avait déjà le pinceau à la main. Or, en attendant de mettre son don subit à l’épreuve, elle s’évertua à décrocher brillamment son diplôme en anthropologie à l’université Mc Gill de Montréal. Elle ne pût faire autrement que satisfaire le désir de son paternel. Elle se résolut, alors, à suivre les cours de l’Ecole nationale des beaux-arts de Paris. Dans le dessein d’affiner sa maîtrise des arts, car perfectionniste jusqu’à la névrose, Amina se mit également à écumer les ateliers de dessin avant de s’arrimer à celui de gravure.
Comme toute jeune fille de bonne famille – fille et nièce de ministres –, elle était promise à un avenir précautionneux qui lui aurait garanti le gîte, le couvert et mis à l’abri du besoin, mais elle s’en est détournée pour emprunter une voie incertaine. Elle n’a pas renoncé à son premier amour. Elle y revint plus ardente que jamais.
L’émerveillement trouble
Elle déboula avec fracas de son concon de la bourgeoisie pour féconder les cimaises hantées par les hommes, avec une réussite telle que beaucoup de ses congénères, à l’orée des douloureuses seventies. Car tel était son choix, un choix de vie, pourrait-on dire.
Car, artiste de son siècle, de son temps en s’impliquant dans l’acte de peindre en rupture avec l’ordre établi, elle bouscula la syntaxe picturale en créant ses propres codes… qui sont en fonction de ses affinités et de ses sentiments : foisonnement de signes qui se dérobent, ascétisme délibéré et minimalisme intriguant.
Sa période inaugurale fut marquée de toiles surchargées, un tantinet brouillonnes. Chemin faisant, sa peinture prit un tournant : elle tendait vers l’épure. Tout est réduit à l’essentiel : lignes et objets. A l’exubérance de mise à l’époque, Amina Benbouchta opposa le dépouillement, à l’éclat, elle répondit par une sobre élégance. Des couleurs criardes viennent illuminer des formes indistinctes, qui ressemblent vaguement à des crinolines, cages, jarres, vases, pots ou autres objets d’usage courant.
Elle détonna dans le monde pictural marocain, avec élégance raffinée, ses belles manières et ses accessoires luxueux. Des formes graphiques désordonnées de ses débuts elle est passée à l’exploration du monumental, à la célébration des couleurs à travers la gestualité et le travail sur la matière. Et si, dans ses peintures, certains objets reviennent constamment – dans une construction architecturale toujours renouvelée, visant à l’essentiel, minimale –, c’est aussi pour leur valeur énigmatique.
Amina Benbouchta ne se laisse pas douillettement cantonner dans la peinture, son approche de l’art explore de nouveaux supports, de nouveaux horizons de recherche, qui débordent l’espace de la toile. Comme en témoignent ses récentes œuvres, où s’entremêlent une peinture d’une pureté prenante et des néons intenses sans être agressives, qui nous font découvrir une autre et non moins superbe Amina Benbouchta. Un art troublant dont la contemplation procure émotion et émerveillement.
Par R.K.H