Opinions libres

Tous les articles

Transformation digitale: une nécessité, non un choix

Transformation digitale: une nécessité, non un choix

Transition, transformation, ou encore révolution digitale de l’entreprise, les termes ont de quoi semer la confusion dans l’esprit de nos entrepreneurs. Pourtant, chacun de ces termes vaut son pesant d’or, et mérite une certaine clarification, sous peine d’en faire un usage totalement dévoyé. De même, qu’en est-il des entreprises au Maroc face au défi de la transformation digitale ? Mais, commençons par le commencement. La transition digitale ou numérique n’est pas tout à fait un saut qualitatif, puisqu’elle vise avant tout à améliorer les performances de l’entreprise par l’acquisition et l’intégration des nouvelles technologies digitales.

Cela n’implique pas nécessairement une transformation organisationnelle de l’entreprise, mais une utilisation nouvelle ou accrue de certains outils comme la Big Data, l’IA, le Cloud, l’automatisation des process ou une communication digitale accrue. Il en résulte qu’il ne faut aucunement confondre “transition” et «transformation» digitale, puisque malgré la relation évidente qui existe entre les deux, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. Cependant, cela n’enlève rien à l’importance de cette transition qui, dans un contexte d’ultra-concurrence mondialisée, peut s'avérer être non seulement importante, mais vitale pour la survie même de l’entreprise. Passons maintenant à la «transformation digitale». Pour être considérée comme digitalement transformée, une entreprise doit, en plus d’une intégration intense des technologies digitales, réinventer en profondeur sa manière de fonctionner, de se penser elle-même et d’appréhender son environnement.

La démarche est loin d’être évidente, car très peu d’analystes mettent en avant le fait que toute transformation digitale réussie est nécessairement précédée par une transformation mentale et culturelle. Autant celle des dirigeants que des salariés. Pour les premiers, cette démarche réclame de renoncer à l’idée d’une hiérarchie rigide et d’une verticalité anachronique du processus décisionnel. La temporalité du digital est différente et chaque seconde a une valeur inestimable. De même, une verticalité trop rigide réduit grandement la marge de créativité des collaborateurs, sachant que dans l’univers digital, l’inventivité et la créativité constituent un atout essentiel pour se démarquer de la concurrence.

Dans le cas contraire, toute initiative innovante ou suggestion audacieuse risque de se heurter à un mur, celui du conservatisme et de la prudence du top management. Car, rappelons-le, si le salariat est un lien de subordination hiérarchique, il s’agit là seulement de hiérarchie juridique, et aucunement imaginative, créatrice ou intellectuelle. Quant aux salariés, souvent habitués à une logique de concurrence horizontale pour gravir les échelons, ces derniers devront intégrer la nécessité d’apprendre à travailler dans une logique de réseau, avec une communication fluide, transparente et dématérialisée dans une perspective collaborative. Le mérite individuel doit devenir le point de départ d’un mérite et d’une intelligence collective, et non un obstacle. Un changement mental qui réclame peut-être une rupture générationnelle dans le monde des affaires, ou du moins une délégation de cet aspect aux jeunes, qui non seulement peuvent maîtriser ces processus technologiques, mais sont littéralement nés dans ce nouveau monde qui est le leur. De même, et cela concerne les deux, autant les dirigeants que les salariés, l’efficience du travail n’est pas la résultante du nombre d’heures travaillées ou du rythme du travail comme dans le schéma fordiste.

Quelques heures par jour doivent être concédées aux salariés pour travailler sur des activités ou projets innovants et stimulants, qui n’ont pas forcément de lien avec l’activité de l’entreprise. C’est une forme de repos actif, qui permet de nourrir la créativité et l’imagination des salariés. Beaucoup de grandes entreprises mondiales, à l'instar de Google, ont recours à cette méthode. L’imagination et la créativité ne se décrètent pas, mais se cultivent. L’entreprise digitale n’est donc pas une simple entreprise «augmentée», à l’instar de la réalité augmentée par un casque 3D. C’est avant tout une entreprise qui a opéré une transformation organisationnelle totale, pour épouser cette nouvelle réalité, celle du nouveau paradigme digital. Cela ne concerne pas uniquement la façade numérique (site, application réseaux sociaux,...), bien qu’importante, mais englobe toute la chaîne de valeur et l’état d’esprit de tous les collaborateurs. Ainsi, il ne s’agit pas de forcer la réalité digitale à s’adapter à la structure traditionnelle de l’entreprise, mais d’épouser ce nouvel environnement en se laissant transformer par lui.

Mais peut-on être dématérialisé dans un environnement qui ne l’est pas ? Oui et non. Une réponse de Normand, mais qui en dit long sur les contraintes auxquelles sont confrontés les entrepreneurs marocains, désireux d’entamer cette mue digitale. Et cela commence dès la création de l’entreprise. Une tonne de paperasse à imprimer, signer, légaliser et déposer (tribunal du commerce, muqata’a,...) est le lot de toute personne désirant créer une entreprise. Deuxièmement, les facteurs ou barrières mentales, puisque l’autonomie et la marge de liberté accordées par un entrepreneur acquis à l’idée d’une transformation digitale poussée, est parfois perçu par certains salariés comme un laxisme, une faiblesse ou une occasion de travailler le moins possible. Inversement, un salarié avec le bon état d'esprit risque de se heurter autant à la rigidité de sa hiérarchie, qu'à la prédation de ses collègues.

Dans le même registre, la résistance au changement, due en partie au gap générationnel au sein des salariés d’une entreprise, et qu’il faudra gérer intelligemment, sans contrainte ni coercition… La pédagogie et la preuve par l’exemple sont de ce point de vue indispensables pour faire adhérer les gens avec enthousiasme à ce type de transformation radicale. Autre élément : le cadre juridique (code du travail, législation,..) qui, dans beaucoup cas, s’avère anachronique et handicapant. Les cryptomonnaies, les Tokens et l’usage de drones ne sont que quelques exemples qui demeurent l’objet d’un flou juridique, ou d’une interdiction de facto ou de jure. Mais il faut tenir bon, en faisant de tous ces obstacles des défis qu’il s’agira de relever dans le cadre de la légalité, en amenant par le dialogue, la sensibilisation et les bras de fer si nécessaire, le législateur à faire bouger les lignes. En attendant, des marges de manœuvre existent, et il nous faudra apprendre à en profiter pleinement, car il en va de l’avenir et de la compétitivité de nos entreprises. Dans les années à venir, la transformation digitale ne sera plus une option, mais une nécessité. Et pour ne pas avoir une guerre de retard, autant en être les précurseurs ! 

 

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Archè Consulting

 

 

 

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Jeudi 21 Novembre 2024

Sanlam Maroc et CIH Bank annoncent un partenariat avec Lana Cash

Jeudi 21 Novembre 2024

Pourquoi la Chine souhaite-t-elle approfondir son partenariat avec le Maroc ?

Jeudi 21 Novembre 2024

VIDEO. Salon de l’épargne 2024: fort engouement pour ce rendez vous incontournable du secteur financier marocain

Jeudi 21 Novembre 2024

Cryptomonnaies : le Bitcoin s'offre un nouveau sommet à 95 000 dollars

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux