Plus que quelques jours avant la date fatidique du 8 septembre, date à laquelle, sauf décision de minuit, les Marocaines et Marocains devront se rendre aux urnes pour façonner le parlement à leur image.
Les partis politiques se mettent en ordre de bataille, certains ont même clos les listes définitives de leurs candidats, et les armées électroniques des uns et des autres se frottent déjà les mains. Les prochaines semaines seront donc tout naturellement consacrées comme dans toute démocratie qui se respecte au débat, pardon, je veux dire aux habituelles joutes verbales et autres attaques ad hominem. Maintenant, «Tlqouna lfraja», comme dirait l’autre.
Car il se trouve que le débat politique, le vrai, a cela de particulier qu’il porte sur les idées, avec toute la substance que ce mot peut contenir. De l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par toutes les nuances intermédiaires, ce sont des visions du monde qui s’affrontent, des projets pour la nation et de grandes orientations qui n’aspirent qu’à se réaliser.
Cette pratique réclame que chaque parti soit doté d’une profondeur idéologique, ou tout du moins, d’un positionnement politique clair, ne souffrant d’aucune ambigüité. Les compromis et les rapprochements politiques demeurent possibles, mais la ligne rouge reste les valeurs du parti.
Or, il se trouve qu’au Maroc, ce qu’on appelle communément l’échiquier politique, a plutôt l’allure d’un vrai Puzzle désordonné. Les lignes sont floues, les alliances conjoncturelles et fragiles. Quant aux valeurs, elles cèdent volontiers le pas à l’opportunisme et aux calculs électoraux à court terme.
Pourtant, ce ne sont pas les problématiques majeures qui manquent au Maroc, et beaucoup de choses restent autant à penser qu’à entreprendre.
Vous me direz à quoi bon, vu qu’un nouveau modèle de développement (NMD) est déjà acté, et qu’il ne reste plus au fond qu’à faire preuve d’expertise et d’œuvrer en vue d’améliorer la « bonne gouvernance » comme c’est à la mode de le dire aujourd’hui.
Un argument qui aurait été somme toute valable dans un pays communiste, où un modèle de développement prend volontiers la forme d’une planification économique, décidée dans les détails les plus infimes par le «politburo». Mais ayant une économie semi-libérale pour ne pas dire faussement libérale, il revient à chaque formation politique de traduire et de matérialiser les grandes lignes du NMD selon sa vision politique et idéologique.
De même, le silence ayant autant de chose à taire qu’à dire, les non-dits du NMD semblent infiniment plus intéressants que le contenu lui-même. Par conséquent, que pensent nos partis politiques de la monnaie ? Du libre-échange ? De la souveraineté économique ? De l’éducation ? De la culture ? Des médias ?
Leur silence quant à ces thématiques fondamentales semble s’inscrire en prolongement de celui du NMD. Si dans certaines contrées il est question d’une démission ou d’une trahison des élites, chez nous, il serait plus approprié de parler de vacuité des élites. Les intellectuels semblent avoir définitivement déserté le champ du politique, les acteurs culturels ont trouvé refuge dans la société civile, ne restent plus pour animer le spectacle politique que les affairistes, les populistes de chez nous, et les professionnels de la politique politicienne.
Triste constat pour un pays qui mérite beaucoup mieux, pour un peuple au potentiel latent mais aux rêves de plus en plus brisés. Pourtant, de l’espoir et du potentiel nous avons à en revendre, mais l’impression qui prédomine est celle d’un mouvement immobile, où tout change en surface comme pour que rien ne change en profondeur. Car sans l’émergence d’une vraie «idée nationale» et sans une classe politique au sens noble du terme, aucune conscience ni dynamique collective ne pourra se mettre en marche.
Citons à ce propos les paroles du philosophe stoïcien Sénèque : «Un bateau qui ignore vers quel port il navigue, aucun vent ne peut lui être favorable».
Par Rachid Achachi. "Chroniqueur Luxe Radio et DG d'ARKHÈ Consulting"