Après la longue, l’interminable parenthèse El Otmani, les Marocains s’attendaient de manière somme toute légitime à une communication gouvernementale un tantinet plus expressive. Force est de constater que si la technocratie a certes quelques qualités indéniables, la communication n’est cependant pas son point fort.
Son approche en la matière se résume à : «vaquez à vos occupations, on gère !».
Toutefois, mis à part notre ministère des Affaires étrangères dirigé d’une main de fer par Nasser Bourita, et qui fait la fierté des Marocains depuis quelques années, seul le nouveau et jeune ministre de la Culture, Mehdi Bensaid, sort du lot. Jeune, ambitieux et investi pleinement dans sa tâche, Mehdi Bensaid est engagé sur tous les fronts.
En rompant avec le vœu de silence de l’actuel gouvernement, le jeune ministre conjugue énergétiquement, et contrairement à beaucoup de pronostics, communication et action politique. Un exercice des plus compliqués dans un contexte de crise, où le secteur de la Culture est sorti dévasté d’environ deux ans de confinement, de mesures restrictives et de plusieurs décennies de dénigrement et de marginalisation. Un secteur et un ministre trop souvent et longtemps condamnés à un rôle d’auxiliaire et de parent pauvre du gouvernement.
Création d’un «pass jeunes», revalorisation du statut des artistes, plan d’émergence culturel, renouveau des maisons de la jeunesse et soutien aux entreprises et institutions culturelles, voilà autant de mesures, parmi tant d’autres, que l’on peut inscrire dans une démarche autant de démocratisation que de rapprochement des citoyens avec le monde de l’art et de la culture. Car la proximité autant géographique que mentale est, et demeurera, la clé de voute d’une renaissance d’un monde culturel trop longtemps enfermé dans un schéma de folklorisation et de misérabilisme, qui ne sied guère à ce qui devrait être l’âme d’une nation et son souffle vital.
Il suffit de visiter certaines capitales culturelles de par le monde, à l’instar de Florence, Saint-Pétersbourg ou encore Prague pour comprendre que l’omniprésence de l’art, du beau et du sublime, permet autant de domestiquer nos pulsions les plus basses que de sublimer ce qu’il y a de plus noble en nous. La culture autant que la politique est, ou plutôt, devrait être l’affaire de tous. Elle est la médiation entre nous et l’absolu, entre nous et notre imaginaire. Elle est l’un des principaux liens capables de transcender tous les citoyens par-delà leurs différences, leur permettant par là même d’exprimer un génie national, jusqu’à présent étouffé et scindé en deux catégories superficielles : le «culturo-mondain» pour reprendre Michel Clouscard, et le «folklore populaire».
Or, le propre de la culture est d’être vivante et portée par tous et pour tous, de se réinventer en permanence sans pour autant trahir notre enracinement et notre âme nationale. Le chantier semble pharaonique. Mais, comme le dit l’adage, Rome ne s’est pas bâti en un jour. Et aussi talentueux et engagé que puisse être un ministre, la réussite ne sera au rendez-vous que si chacun y met du sien. L’Etat, la société civile, les artistes, les entreprises et les citoyens, chacun a sa pierre à apporter à l’édifice.