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Réflexions sur la situation du don et de la transplantation d’organes au Maroc: quel apport de la e-santé ?

Réflexions sur la situation du don et de la transplantation d’organes au Maroc: quel apport de la e-santé ?

La transplantation ou greffe d’organes est l’une des grandes avancées médicales de la fin du XXe siècle qui a connu une transformation révolutionnaire grâce à l’avènement de la chirurgie de transplantation, apportant un nouvel espoir aux patients ayant une défaillance organique terminale. Elle est le traitement en cas de défaillance terminale d’un organe vital et reste la meilleure alternative en termes de qualité et d’espérance de vie des patients ou en termes de dépense de santé publique. La nécessité pour les transplantations d'organes est en augmentation dans le monde avec une augmentation du nombre de patients sur la liste d'attente.

Des progrès considérables ont été réalisés dans les résultats de la transplantation d’organes solides au cours des dernières décennies, cependant des défis subsistent à différents niveaux du parcours de la transplantation. Les progrès de la robotique et de l’intelligence artificielle (IA) ont considérablement amélioré les résultats et les taux de réussite des chirurgies de transplantation.

Quelle est la situation au Maroc ?

Il y a plus d’un million de personnes transplantées dans le monde et 120.000 transplantés chaque année dont 70% de  transplantation rénales et en 10 ans, le nombre de personnes en attente de transplantation a doublé. Si les greffes du rein sont pour l’instant les seules pratiquées dans le Royaume, il faut constater que les statistiques ne sont pas fameuses. La première transplantation rénale avec donneur vivant a été réalisée au Maroc en 1986, et à ce jour, en 2023, le Maroc n’a pu effectuer que près de 620 transplantations rénales, dont 60 à partir de sujets en état de mort encéphalique, soit environ 17 greffes par million d’habitants. Des chiffres dérisoires comparés à la demande de greffes des autres organes vitaux. Le Maroc compte près de 38.000 patients sous dialyse qui espèrent un rein pour ne parler que de greffe rénale, car les autres greffes notamment cardiaques sont inexistantes. Comme je l’ai toujours souligné, la greffe se développe de la volonté de tous, dont les responsables de santé.

Quelles recommandations pour une vraie relance ?

En raison des conséquences médicales, sociales et économiques, la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique constitue un problème médical d’une acuité croissante dans les pays en développement. Aussi, l’essor des thérapies de remplacement reste étroitement lié aux conditions socioéconomiques et aux stratégies sanitaires de chaque pays. On peut se poser la question de savoir quelles sont aujourd'hui les priorités ou les actions à mener pour aller de l'avant et améliorer la prise en charge des personnes qui souffrent d'une insuffisance d’organes ?

Pour répondre à la question et œuvrer à la relance du don et de la transplantation d’organes, nous avons le Pr Najib Amghar et moi-même tenu une journée en novembre 2022 au siège du Conseil national de l’Ordre des médecins à Rabat. Cette réunion a permis d’aborder la thématique du don et de la transplantation d’organes au Maroc avec comme principal objectif de faire un constat sur l’état actuel de cette activité́, d’identifier les dysfonctionnements, les difficultés et les obstacles et proposer des solutions pour une vraie stratégie de relance. Cette rencontre a connu la participation des représentants du ministère de la Santé, de l’ANAM, du CNOM, des magistrats, du Conseil des ouléma, des médias, des représentants de la société́ civile, des informaticiens, des donneurs d’organes, des patients en attente de greffe et un groupe de médecins composé d’éminents experts en matière de greffe rénale et hépatique. A la fin de cette rencontre, les principales propositions et recommandations de cette journée ont été présentées, commentées et complétées par les participants.

Le volet juridique

Il est important de privilégier le registre de refus et de considérer toute personne n’ayant pas exprimé́ de son vivant son refus, comme volontaire potentiel au don.
La liste des établissements agréés à faire des prélèvements et des transplantations d’organes pourra être élargie aux structures privées qui répondent aux normes selon les cahiers des charges (loi 16-98 et ses décrets d’application). De même, la création d’un établissement de régulation de l’activité́ de transplantation d’organes pourra contribuer à réguler les prélèvements et les greffes.

Le volet médical

L’amélioration de la qualité de la prise en charge dans les services des urgences pour optimiser les chances d’acceptation des dons par les familles est importante de même que le renforcement du partenariat public-privé en adéquation avec les orientations de la refonte de notre système de santé. Il serait aussi intéressant de prévoir des motivations morales, professionnelles et matérielles des équipes de prélèvement et de transplantation d’organes avec la création des pôles de greffe multidisciplinaire.

Le volet financier

Il est nécessaire de sensibiliser les organismes de prévoyance sociale sur l’intérêt économique de la transplantation qui coûte moins cher que la dialyse à partir de la 2e année et offre une meilleure qualité de vie au patient avec une bonne insertion dans la société.

Le volet sociétal

Il est nécessaire de commencer par instaurer la culture du don dans notre population, et ce depuis le bas âge et organiser des campagnes d’information et de sensibilisation au don impliquant toutes les composantes de la société : responsables politiques, médecins, professionnel de santé, Oulémas, société civile, journalistes, artistes... Le combat de l’association REINS, Association marocaine de lutte contre les maladies rénales et la promotion du don et de la greffe d’organes.

Le développement de la greffe rénale et celle des autres organes est notre combat au sein de REINS, depuis sa création. C’est aussi un combat national que nous devons tous défendre, encourager et développer, car nous sommes tous concernés et personne n’est à l’abri. L'association Reins est la seule association au Maroc qui œuvre dans ce domaine, et ce depuis près de 20 ans. Elle mène de nombreuses actions tout au long de l'année, et la Journée mondiale de la transplantation d’organes est l’occasion chaque année pour REINS d’encourager le débat et de fournir encore plus d’informations sur le don d'organes et la transplantation, des mesures juridiques et médicales afin que chaque personne puisse prendre sa propre décision et la faire connaitre à son entourage. Elle œuvre chaque fois et par tous les moyens pour communiquer et mobiliser aussi bien le grand public que les professionnels avec une implication des médias et des réseaux sociaux, des professionnels de la santé.

La place de la e-santé pour le développement de la transplantation d’organes

L’intelligence artificielle (IA) et les robots ont considérablement amélioré la transplantation d’organes et fournissant d’excellents résultats. Les algorithmes d’IA peuvent examiner une grande quantité de données sur les patients afin de maximiser l’appariement des organes lors de la sélection et de l’attribution, augmentant ainsi les chances de réussite d’une greffe et réduisant les taux de rejet. Les progrès de l’IA et de la robotique dans la chirurgie de la transplantation sont impressionnants. L’exactitude et la précision fournies par les équipements robotiques aux compétences analytiques des algorithmes d’IA ouvrent une ère dans laquelle la transplantation d’organes est plus efficace et plus accessible. Les technologies robotiques, telles que le système chirurgical Da Vinci, permettent de réduire la perte de sang, le stress chirurgical et accélère le rétablissement des patients. En outre, les technologies basées sur l’IA peuvent identifier les premiers signes de rejet ou de complications d’une greffe, ce qui améliore les résultats pour les patients et peut même prolonger la durée de vie des organes donnés. De plus, des schémas des immunosuppresseurs personnalisés offrent un dosage optimal et des effets indésirables minimes, ce qui peut réduire les problèmes, les risques de rejet et améliorer la survie du greffon à long terme.

Par ailleurs, il est nécessaire que l’utilisation de l’IA et de la robotique en transplantation d’organes doit respecter les principes éthiques. Une attention particulière doit être accordée aux questions telles que la confidentialité des données, les biais des algorithmes et la possibilité d'une dépendance excessive à l'égard de l'automatisation. Un équilibre doit être trouvé entre les avantages des nouvelles technologies et la sécurité des patients, la justice et la préservation de la rationalité et de la compassion. Les orientations futures dans le développement du domaine comprennent l'anticipation de la disponibilité des organes, l'expansion de la disponibilité grâce à la télémédecine, le développement d'organes issus de la bio-ingénierie et la gestion de l'immunosuppression sur une base individualisée tout en examinant les implications éthiques.

N.B : Comment être donneur d’organes au Maroc ?
Les personnes désirant faire don de leurs organes doivent se rendre aux tribunaux de première instance de leur ville de résidence, où deux registres sont mis à leur disposition. L’un atteste qu’ils sont bien disposés à faire don de leurs organes en cas de décès ou de mort cérébrale. Le deuxième est un registre de refus pour que ses organes ne soient pas prélevés. S’il est important de s’inscrire sur les registres de don, il est aussi important de faire part de sa position à sa famille pour respecter sa volonté quand l’avis de la famille est demandé.

 

 

Par Professeur Amal Bourquia, néphrologie, dialyse et transplantation, experte en éthique et communication médicales, health consulting, écrivaine, conférencière, présidente de l'association REINS et de la société marocaine de Santé et environnement. associationreins@gmail.com - www.amalbourquia.com

 

 

 

 

 

 

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