Avec Vicenne, le secteur de la santé passe de 0 à 2 représentants en quelques années. La thématique est extrêmement recherchée en vue de ses perspectives.
Par A. Hlimi
En l’espace de cinq ans, la santé est passée du statut de parent pauvre de la cote casablancaise à celui de secteur vedette. L’histoire commence avec Akdital dont le parcours boursier, ponctué de résultats en forte progression, a servi de révélateur.
La récente arrivée de Vicenne n’a fait qu’appuyer le trait. Plus de 37.000 souscripteurs selon nos informations et une demande qui a dépassé plusieurs dizaines de fois l’offre, pour un ticket de 500 millions de dirhams. À écouter les opérateurs, cette effervescence ne tient pas au simple «storytelling» des banques conseils de l’opération, mais s’enracine dans des fondamentaux solides du secteur aussi bien sur le plan démographique, réglementaire et technologique qui, d’un coup, rendent la filière irrésistible.
La démographie profite au secteur
L’espérance de vie continue de grimper, tandis que la natalité se tasse. La pyramide des âges prend des allures de colonne, faisant installer la consommation de soins sur une trajectoire exponentielle. L’État l’a bien compris : après avoir budgété en 2019 quelque 16,3 milliards de dirhams pour la santé, il prévoit d’en dépenser plus du double dès 2025, à savoir 32,6 milliards de DH, soit un taux de croissance annuel moyen de 12,2%. Ce rattrapage, nécessaire, est encore loin des standards de l’OCDE, mais il offre déjà un carburant important aux acteurs privés. Ces mêmes acteurs privés renforcent, année après année, leur poids dans l’offre de soins.
Entre 2020 et 2024, le nombre de cliniques est passé de 375 à 453; leur part dans la capacité litière nationale atteint désormais 40%, contre 28% quatre ans plus tôt. L’investissement suit : imagerie diagnostique, biologie moléculaire, radiologie interventionnelle… Autant de segments à forte marge, où Vicenne occupe justement des positions stratégiques. Dans le sillage d’Akdital, qui prépare ses premiers pas au Moyen-Orient, Vicenne affiche déjà un ancrage au Sénégal et en Côte d’Ivoire; la dynamique panafricaine du groupe séduit les gérants en quête de diversification régionale.
Le rôle de l’AMO
Le catalyseur politique n’est pas moindre. La généralisation de l’Assurance maladie obligatoire a porté la couverture à 70% de la population, transformant une demande jusque-là solvabilisée de façon marginale en un marché captif. Les nouvelles règles de gouvernance sanitaire, avec les Groupements sanitaires territoriaux, promettent une allocation plus fine des ressources et une meilleure visibilité sur la commande publique
Ajoutons-y le plan «Santé 2025», doté de 24 milliards de dirhams, dont 14 milliards pour l’hospitalier : autant de lignes budgétaires qui finiront dans les carnets de commandes des fournisseurs et opérateurs cotés. Il reste enfin le défi de l’offre de lits. Avec 12,8 lits pour 10.000 habitants, le Maroc s’est légèrement rapproché de la moyenne MENA (15), mais demeure loin des 46 lits observés dans l’OCDE. Certaines régions, comme l’Oriental ou Casablanca-Settat, tirent leur épingle du jeu, tandis que Dakhla-Oued Ed-Dahab reste à la traîne. Cet écart signe la profondeur du marché : il faudra construire, équiper, former. Et c’est précisément là que l’investisseur actionnaire trouve sa courbe de croissance.
La Bourse applaudit
Sur le plan boursier, l’appétit s’explique aussi par la rareté : la Bourse de Casablanca plébiscite des entreprises capables de livrer une forte croissance de manière régulière. Avec des cash flows indexés sur des besoins structurels plutôt que conjoncturels, la santé remplit ce rôle. Les valorisations initiales -jugées parfois ambitieuses- trouvent vite des acheteurs dès lors que la visibilité des revenus s’étend sur plusieurs années. L’histoire récente l’a montré : même les épisodes d’ajustement global des marchés n’ont pas décroché le prix des actions Akdital. En somme, la santé marocaine offre aujourd’hui le triptyque recherché par tout gérant : croissance séculaire, visibilité et solidité des fondamentaux.