La gestion d’actifs s’est imposée, en presque trois décennies, comme l’un des moteurs les plus solides du financement de l’économie marocaine.
Par A. Hlimi
La conférence annuelle de l’ASFIM, organisée le 13 novembre à Rabat, a apporté une nouvelle démonstration du poids grandissant de la gestion d'actifs dans notre économie. Et ceci devrait s'accélérer du fait que l’industrie des OPCVM est entrée dans une nouvelle phase récemment, marquée par une montée en puissance historique, une réforme structurante et un rôle élargi dans les grands chantiers nationaux.
Le Maroc a posé les bases de la gestion d’actifs moderne en 1995, avec la création des premiers OPCVM par cinq banques. La promesse était d'offrir aux épargnants un produit liquide, transparent et géré par des professionnels soumis au contrôle du régulateur. Les premiers encours restaient modestes - moins de 3 milliards de dirhams en 1996 -, mais le mouvement était lancé. Le véritable décollage intervient à partir de la fin des années 1990, jusqu’à franchir en 2006 la barre symbolique des 100 milliards de dirhams d’actifs sous gestion.
Depuis, la dynamique n’a plus ralenti. En octobre 2025, l’industrie affiche 790 milliards de dirhams d’encours, soit l’un des secteurs financiers les plus massifs du Royaume. Cet essor n’est pas qu’un succès sectoriel. Il a transformé la manière dont l’économie marocaine se finance. Les OPCVM jouent aujourd’hui un rôle de premier plan dans la mobilisation de l’épargne nationale et dans l’accompagnement des politiques publiques.
Les chiffres cités par le président de l’AMMC, Tarik Senhaji, sont éloquents. Les OPCVM détiennent près de 40% de l’encours total des Bons du Trésor, ce qui fait d’eux l’un des principaux apporteurs de financement de l’État. Ils constituent également une source majeure de financement des infrastructures publiques et privées : 28% des encours obligataires du secteur ferroviaire, 47% de ceux du secteur portuaire, 69% du secteur aéroportuaire, 80% pour l’eau et l’électricité, et jusqu’à 8% pour le secteur des télécommunications. Leur rôle est tout aussi déterminant sur le marché actions, puisqu’ils détiennent 43% de la capitalisation flottante et représentent 37% des volumes.
Du côté de l’ASFIM, son président Mostafa Hassani rappelle que l’industrie a gagné 230 milliards de dirhams d’encours en deux ans, une progression exceptionnelle alimentée par une combinaison d’acteurs complémentaires. Les investisseurs institutionnels ont renforcé leurs placements de 76 milliards de dirhams, les entreprises ont ajouté 27 milliards, et les ménages marocains ont également accru leur épargne investie de plus de 10 milliards.
La loi 03-25, une réforme structurante
Votée il y a quelques semaines, la loi 03-25 marque un tournant profond pour le secteur. Pour l’AMMC, elle offre «un cadre réformé et modernisé» capable de soutenir l’innovation et l’élargissement de l’offre. Elle introduit ainsi de nouveaux véhicules d’investissement, comme les ETF (Exchange Traded Funds), qui permettront de démocratiser davantage l’accès au marché boursier. Elle ouvre aussi la voie aux OPCVM participatifs pour renforcer l’inclusion financière, autorise la création de fonds en devises et élargit l’univers d’investissement aux OPCI et aux produits dérivés.
Par ailleurs, elle introduit les OPCVM à des règles allégées, destinées aux investisseurs plus sophistiqués souhaitant disposer de stratégies plus souples. Ces avancées créent un environnement propice à la montée en gamme de l’industrie et à une meilleure adaptation aux besoins des investisseurs institutionnels comme particuliers. Un rôle stratégique pour les grands projets du Royaume Le thème de la conférence, «Cap 2030 : Mobiliser l’épargne nationale pour financer les grands projets de demain», résume parfaitement le positionnement actuel du secteur. Les prochaines années verront converger des besoins de financement massifs liés à la Coupe du monde 2030, à la transition énergétique et hydrique, à la décarbonation industrielle, au développement des infrastructures régionales, à la digitalisation et à l’inclusion financière.
Pour l’ASFIM, la gestion d’actifs est naturellement appelée à accompagner cet élan national en orientant davantage l’épargne vers ces projets structurants. La CDG, par la voix de son Directeur général, Khalid Safir, renforce ce message en soulignant que l’épargne est une ressource de souveraineté. Elle garantit la continuité de l’investissement, réduit la dépendance aux capitaux étrangers et donne au Maroc la capacité de financer son propre développement. Si les perspectives sont prometteuses, l’AMMC insiste sur les responsabilités accrues des gestionnaires. Le nouveau cadre réglementaire s’accompagne d’obligations renforcées : les sociétés de gestion doivent agir exclusivement dans l’intérêt des épargnants, renforcer leurs ressources humaines et techniques pour une gestion des risques plus robuste, et assurer un suivi continu des portefeuilles et des risques opérationnels.
Après 30 ans d’évolution, la gestion d’actifs marocaine arrive à maturité. Elle est aujourd’hui un canal majeur de formation de capital, un acteur indispensable du financement public, un levier stratégique pour les infrastructures, un vecteur de mobilisation de l’épargne populaire et un outil d’inclusion et de souveraineté financière. En consolidant ce socle, le Maroc se dote d’un atout précieux pour financer ses ambitions à l’horizon 2030 et au-delà.