Droits des femmes : le train de la réforme est en marche

Droits des femmes : le train de la réforme est en marche

Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, est l’occasion de célébrer les grandes comme les petites victoires réalisées en termes de réformes visant l’émancipation de la gent féminine, mais pas que. Il s’agit également d’une opportunité pour rappeler certaines réalités nécessitant un changement profond et structurel.

 

Par M. Boukhari

Au Maroc, le projet de refonte du Code de la famille est très attendu. Le 26 septembre dernier, date à laquelle le Roi Mohammed VI avait adressé une lettre au chef du gouvernement relative à la révision de la Moudawana, un regain d’optimisme a eu lieu parmi les femmes. Ainsi, de larges consultations se sont tenues entre l’Instance chargée de mener cette grande réforme et la société civile, les partis politiques, les chercheurs… et desquelles découleront des propositions d’amendement devant être soumises au Souverain dans les semaines à venir.

Ladite instance a organisé plus de 130 séances où il a été question d’auditionner «le plus grand nombre possible d'acteurs de la société (institutions, société civile, partis politiques, centrales syndicales, centres de recherche...), qui ont présenté leurs perceptions et propositions concernant la réforme du Code de la famille», a affirmé récemment El Hassan Daki, président du Ministère public et membre de l'Instance. Ce dernier a par ailleurs ajouté que «la porte restera ouverte pour présenter à l'Instance davantage de propositions et d'avis».

La modification de ce texte juridique implique de s’attaquer à certaines questions de société à controverse telles que le mariage des mineures, l’égalité en matière d’héritage, la polygamie, etc. Faisons le point sur ce qui caractérise aujourd'hui chacune de ces thématiques et sur ce qui devrait advenir dans la nouvelle Moudawana, selon des spécialistes.

Clair-obscur

En ce qui concerne le mariage des mineurs, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié récemment un avis dans lequel il avance des chiffres accablants. En 2022, le nombre de contrats de mariage conclus avec des mineurs s’est élevé à 12.940. A noter que cette statistique n’inclut pas les mariages dits coutumiers par la fatiha. Ces jeunes filles voient non seulement leur enfance voler en éclats, mais sont poussées à quitter les bancs de l’école ou à abandonner leur scolarité à mi-chemin. De fait, la même source indique que pas moins de 13% des filles mariées avant 18 ans atteignent le niveau du secondaire qualifiant.

En outre, pour 14% des sondées, l’obligation du mariage constitue la raison principale derrière l’abandon scolaire. En vue de lutter contre ce phénomène, le CESE recommande de mener une stratégie globale s’articulant autour de trois axes principaux. A commencer par l’adaptation du cadre juridique aux normes constitutionnelles et aux conventions internationales ratifiées par le Maroc.

Aussi, combattre les pratiques portant préjudice aux enfants, notamment via des politiques intégrées aux niveaux national et territorial. Et enfin, le recours à un système de suivi et d’évaluation des progrès réalisés dans l’élimination des pratiques de mariage des enfants. La question de l’égalité dans l’héritage occupe une place de taille dans le débat qui anime la réforme de la Moudawana. Si pour certains le changement est impossible au vu de la dimension religieuse et de la sacralité des lois islamiques, d’autres considèrent que c’est une étape nécessaire pour construire une société plus juste et équitable.

«Encourager l’égalité dans l’héritage contribuera à l’autonomisation économique et sociale des femmes, car elles obtiendront leur part équitable d’héritage, ce qui leur permettra de participer davantage aux activités économiques et de participer à la prise de décision», affirme Maria Charaf, représentante de la Coordination parité. Elle considère également que «promouvoir l’égalité dans l’héritage contribuera à renforcer la stabilité familiale et sociale. Les disparités dans l’héritage peuvent entraîner des conflits et des tensions au sein de la famille, ce qui a un impact négatif sur les relations et les liens sociaux».

La polygamie est devenue beaucoup moins courante au Maroc depuis la réforme de la Moudawana, en partie en raison des conditions plus strictes et du changement des attitudes sociales envers la pratique. Cependant, de récentes statistiques rendues publiques par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire révèlent que plus de 20.000 demandes de polygamie ont été accordées entre 2017 et 2021. Ce qui dénote que ce phénomène n'est pas complètement éradiqué et peut encore être observé dans certaines régions et communautés. In fine, plusieurs parties s’accordent à dire que le progrès est en marche, des voix s’élèvent, les consciences s’éveillent, mais beaucoup reste à faire afin de garantir aux femmes leurs droits les plus fondamentaux et leur permettre d’embrasser un avenir plus sûr et plus prometteur. 

 

 

 

 

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