L’Afrique est invitée à maîtriser la transformation de ses matières premières, en misant sur des chaînes de valeurs complémentaires. Le Maroc est disposé à apporter son expertise dans l’atteinte de cette intégration régionale pour le continent.
Par Désy M.
L'Afrique est un terrain d’opportunités sans précédent, mais elle reste un continent en construction. «L’Afrique n’est pas un marché mature, mais c’est précisément ce qui fait sa force pour les entrepreneurs audacieux», a souligné Thami Ghorfi, président de l’Ecole supérieure de commerce et de gestion (ESCA), lors du panel intitulé «Morocco Now = Africa Now», en marge de la 16ème édition des Medays tenu à Tanger.
Un chiffre éloquent a émergé des discussions : avec 10 millions d’entrepreneurs, l’Afrique pourrait générer 100 millions d’emplois, répondant ainsi à ses défis démographiques. Pour cela, l’entrepreneuriat doit être au cœur des stratégies de développement, une orientation que le Maroc a pleinement intégrée dans ses politiques. «Un hub ne s’improvise pas, il se construit», a déclaré Ghorfi en parlant du chemin sur lequel le Maroc s’est engagé pour construire et consolider sa position de hub régional, en devenant un acteur central de l’intégration africaine. Son retour à l’Union africaine en 2017 a marqué une étape décisive, traduisant cette volonté de renforcer la coopération continentale.
Créer des chaînes de valeur locales
Lors dudit colloque, l’Afrique a été appelée à maîtriser la transformation de ses matières premières. Détenant plus de 30% des ressources minières mondiales, elle ne génère que moins de 1% de la valeur ajoutée industrielle mondiale. «Nous devons sortir de l’exportation brute de nos matières premières et investir dans leur transformation locale, car c’est là que réside la véritable richesse», a affirmé Abdou Souleye Diop, président de la Commission Afrique de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Le Maroc, connecté aux chaînes de valeur mondiales dans des secteurs comme l’automobile ou l’aéronautique, a été cité en exemple. Cependant, l’intégration africaine reste un défi. Une étude commandée par la CGEM a mis en évidence les complémentarités entre le Maroc et plusieurs pays africains dans des domaines clés comme le textile, l’automobile, l’agroalimentaire et l’électronique.
Abdou Diop a pris l’exemple des pays africains producteurs de coton qui pourraient se spécialiser dans la production de fils ou de tissus, les exporter ensuite vers le Maroc pour la confection de vêtements finis. Ceci grâce aux liaisons routières, aériennes et portuaires dont dispose le Maroc, ouvrant la porte sur les marchés africains et internationaux. Des projets structurants tels que le gazoduc Nigeria-Maroc ou encore la façade Atlantique témoignent également de cette vision panafricaine, offrant des solutions concrètes d’intégration régionale en matière d’approvisionnement énergétique. Le potentiel africain en matière d’énergies renouvelables, en particulier dans le domaine de l’hydrogène vert, une technologie qui suscite un intérêt croissant, peut aussi permettre une coopération interne.
Éducation et innovation
L’éducation est apparue comme un pilier essentiel du développement du continent africain, avec une place particulière pour le Maroc. «Le Maroc a une longue tradition de formation des élites africaines, mais nous devons structurer cette offre pour en faire un véritable levier d’influence et de développement pour le continent», a déclaré Thami Ghorfi. Le Royaume entend attirer davantage d’étudiants africains.
Simplification des visas, augmentation des capacités d’accueil dans les universités, recrutement de formateurs africains : autant de pistes pour positionner le Royaume comme un pôle éducatif continental. Avec un marché mondial des études à l’étranger qui compte 6,5 millions d’étudiants, dont 20% originaires d’Afrique, le Maroc a des cartes à jouer. Les MEDays 2024 ont rappelé que l’avenir de l’Afrique repose sur sa capacité à s’unir pour relever les défis globaux. La transition énergétique, l’urbanisation et la croissance démographique exigent des réponses coordonnées et des partenariats stratégiques. «La réussite de l’Afrique dépendra de sa capacité à construire des modèles économiques autonomes, basés sur une coopération intra-africaine renforcée, et cela doit se traduire par des politiques économiques concrètes», a conclu Jouad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI).