Le projet progresse sûrement dans sa dynamique pour l’intégration régionale entre l’Afrique et l’Europe. Quel est l’impact économique pour les pays concernés et quelles peuvent êtres les actions à mener pour sa gestion efficiente et équitable ? Entretien avec Anas Abdoun, expert en énergie et en relations internationales.
Propos recueillis par D. M.
Finances News Hebdo : Quels sont les principaux avantages économiques et environnementaux attendus du projet de gazoduc Nigeria-Maroc pour les pays concernés et pour l'intégration entre l'Afrique et l'Europe ?
Anas Abdoun : Les principaux avantages économiques et environnementaux attendus du projet de gazoduc Nigeria-Maroc sont nombreux et significatifs pour les pays concernés ainsi que pour l'intégration entre l'Afrique et l'Europe. Sur le plan économique, ce projet permettra une amélioration substantielle de l'accès à l'énergie dans les pays traversés par le gazoduc. L'accès à une énergie peu coûteuse est crucial pour l'industrialisation, car il réduit les coûts de production et encourage le développement industriel. De plus, cette infrastructure énergétique favorisera l'électrification des zones rurales et urbaines, améliorant ainsi la qualité de vie et stimulant l'économie locale. En ce qui concerne l'agriculture, l'accès à une énergie fiable et abordable permettra la modernisation et la professionnalisation du secteur agricole. Les agriculteurs pourront utiliser des technologies avancées pour l'irrigation, la transformation et la conservation des produits agricoles, augmentant ainsi leur productivité et leurs revenus. Sur le plan environnemental, le gaz naturel est une source d'énergie plus propre comparée au charbon et au pétrole, ce qui contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter contre le changement climatique. Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc a également le potentiel de renforcer les relations entre le Maroc et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). En effet, une coopération étroite sur ce projet gazier pourrait approfondir les relations économiques et politiques entre le Maroc et les pays membres de la CEDEAO, facilitant ainsi l'adhésion du Maroc à cette organisation régionale. Ce processus rappelle la manière dont l'Union européenne s'est construite sur une base énergétique avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). En somme, le projet de gazoduc Nigeria-Maroc représente une opportunité majeure pour promouvoir l'industrialisation, améliorer l'accès à l'énergie, moderniser l'agriculture et renforcer l'intégration régionale entre l'Afrique et l'Europe, tout en ayant un impact positif sur l'environnement.
F.N.H. : Quelles sont les étapes clés restantes avant la mise en service du gazoduc, et quels sont les principaux jalons atteints jusqu'à présent, notamment en termes de partenariats internationaux et de financement ?
A. A. : Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc a déjà franchi plusieurs étapes clés importantes, posant des bases solides pour sa réalisation future. Tout d'abord, le tracé du gazoduc a été entièrement finalisé, marquant un jalon majeur dans la préparation du projet. Les études techniques de faisabilité ont également été réalisées, confirmant la viabilité technique de l'infrastructure. De plus, les études de pertinence économique ont donné des résultats très concluants, démontrant les avantages économiques substantiels que le projet peut apporter aux régions concernées. En termes de partenariats internationaux et de financement, le projet suscite déjà un intérêt significatif. Un certain nombre de compagnies européennes importatrices de gaz sont en pourparlers avancés avec l'ONHYM, témoignant de la pertinence et de la confiance que ce projet inspire auprès des bailleurs de fonds internationaux. Cependant, plusieurs étapes clés restent à franchir avant la mise en service du gazoduc. Une deuxième étude environnementale est actuellement en cours. Cette étude est essentielle pour garantir que le projet respecte toutes les normes environnementales en vigueur. Elle intervient généralement après le début des travaux, ce qui en fait une étape cruciale à compléter. Enfin, les travaux de construction du segment reliant le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc, destiné à se connecter au gazoduc existant vers l'Espagne, devraient débuter au début de 2025. Ce segment est essentiel pour assurer l'intégration complète du gazoduc et permettre son fonctionnement optimal.
F.N.H. : Quelles vont être les missions de la société de projet (SPV- Special Purpose Vehicle), responsabilisée dans la gestion de ce mégaprojet de gazoduc ? Et quelles actions mènera-t-elle en vue d’atteindre les objectifs escomptés de par le Maroc ainsi que les autres pays concernés ?
A. A. : La société de projet (SPV - Special Purpose Vehicle), chargée de la gestion du mégaprojet de gazoduc Nigeria-Maroc, aura plusieurs missions essentielles à accomplir pour garantir le succès de cette initiative stratégique. Tout d'abord, elle sera responsable du financement du projet. Cela inclut la mobilisation des fonds nécessaires, en sollicitant des investisseurs internationaux et en négociant des prêts avec des institutions financières. Elle devra s'assurer que le financement est adéquat et disponible en temps voulu pour éviter tout retard dans la réalisation du projet. Ensuite, la mission de SPV s'étend à la construction du gazoduc. Cela implique la gestion des contrats de construction, la supervision des travaux et la coordination avec les soustraitants et les fournisseurs. Elle devra également veiller à ce que la construction respecte les normes techniques et environnementales les plus strictes, à savoir durabilité, préservation des écosystèmes locaux, et s’assurer des bénéfices socioéconomiques des populations concernées. En plus de la construction, ladite société sera chargée de l’exploitation du gazoduc une fois celui-ci achevé. Cette tâche inclut la gestion des opérations quotidiennes, la maintenance des infrastructures et la garantie d'un flux constant et sécurisé de gaz à travers le pipeline. Pour atteindre les objectifs escomptés du projet, Special Purpose Vehicle pourra mener plusieurs actions spécifiques, à savoir assurer une coordination étroite avec les gouvernements des pays traversés par le gazoduc pour faciliter les autorisations nécessaires et résoudre les éventuels obstacles administratifs. Mettre en place des partenariats stratégiques avec des entreprises spécialisées dans le secteur de l'énergie pour bénéficier de leur expertise technique et de leurs technologies avancées. Et enfin garantir une gestion transparente et efficace des ressources pour maximiser les retours sur investissement et assurer une distribution équitable des bénéfices entre les pays partenaires.