Le ‘Made in Morocco’ en matière d’énergies renouvelables témoigne d’une transformation industrielle et technologique remarquable. Fatima Zahra El Khalifa, Directrice générale du Cluster ENR, explore les enjeux, les défi s et les perspectives de cette dynamique.
Finances News Hebdo : Pouvez-vous nous faire un bref aperçu du «Made in Morocco» en matière d’énergies renouvelables ?
Fatima Zahra El Khalifa : Le Maroc affiche de grandes ambitions pour le ‘Made in Morocco’ et cela, dans différents secteurs d’activités, que ce soit l’automobile, l’aéronautique ou les énergies renouvelables, et s’impose aujourd’hui comme l’un des leviers fondamentaux de croissance et de développement socioéconomique du pays. Le «Made in Morocco» en matière d’énergies renouvelables, quant à lui, se distingue par une croissance de la fabrication locale de composants essentiels pour les systèmes d’énergie verte, ce qui témoigne d’une transformation industrielle et technologique significative. Parmi ces réalisations, on peut citer la production locale de panneaux solaires et de composants associés, les usines de fabrication des mâts et des pales d’éoliennes, mais aussi le développement de solutions technologiques locales adaptées aux spécificités climatiques et géographiques du Maroc. Il s’agit des systèmes de «Smart Grids» qui permettent une meilleure gestion de l’équilibre entre production et consommation, ou encore les technologies de refroidissement pour les panneaux solaires et j’en passe. Ces réalisations ne font que confirmer notre capacité à innover, et surtout à réduire les coûts des projets d’énergie renouvelable tout en créant des emplois et en renforçant les compétences locales dans le secteur des technologies vertes. À mon sens, il est impératif de renforcer davantage l’inclusion des nouvelles technologies. Le Maroc doit se positionner comme un carrefour d’innovation dans le domaine des énergies renouvelables. Il dispose des compétences et des capacités nécessaires pour assurer le rayonnement du «Made in Morocco» et accroître sa position en tant que leader dans les énergies vertes. Promouvoir l’innovation continue dans ce secteur est crucial pour un avenir durable, et le Maroc, riche de son terroir, de sa culture et de son savoir-faire, offre des conditions de plus en plus appréciées à l’international.
F. N. H. : Quels sont les principaux défis que vous identifiez pour atteindre l’objectif de 52% de la puissance électrique installée à partir de sources renouvelables d’ici 2030, et quelles mesures le Cluster EnR met-il en place pour surmonter ces défis ?
F. Z. E. K. : Il faut savoir que le Maroc a accompli des avancées significatives dans le secteur des énergies renouvelables; néanmoins, effectivement, certains défis subsistent. J’en citerais quatre qui, pour moi, sont les plus urgents. Le premier défi consiste à accélérer le déploiement des modalités pour répondre à la future taxe carbone aux frontières, à travers l’accélération de la décarbonation des industries locales, les certificats d’origine verts et la revente des crédits carbone sur le marché international. Le second est la nécessité d’accélérer le renforcement du réseau national pour ainsi soutenir les objectifs ambitieux de la stratégie énergétique nationale et accueillir les nouvelles capacités prévues d’ici 2050. Le troisième concerne le renforcement du cadre réglementaire. Il faut savoir qu’un cadre clair et incitatif est nécessaire pour rassurer les investisseurs. Il permet de stimuler le développement de nouveaux projets. Aussi, la stabilité politique et économique du pays joue un rôle déterminant dans la confiance des investisseurs et assure un environnement propice à long terme. Enfin, on retrouve le financement. Il est nécessaire d’innover à ce niveau pour soutenir de façon efficace la stratégie énergétique, dont le rythme d’implémentation s’accélère pour surmonter ces défis. Le Cluster ENR est plus qu’engagé, il multiplie les actions afin de soutenir une croissance durable du Royaume. Nous avons d’ailleurs récemment organisé un atelier autour des dernières avancées de la règlementation du secteur avec le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable. Nos membres leur donnant ainsi l’occasion d’échanger et de mieux comprendre les enjeux, posant ainsi les bases d’une collaboration solide. En parallèle, nous avons également mis en place un programme de formation spécialisé, développé un guide de financement vert en partenariat avec l’AMEE, etc. Le Cluster ENR joue également un rôle central dans la promotion des opportunités d’investissement dans le secteur des énergies renouvelables, mettant en avant l’expertise et les compétences locales et les avantages compétitifs du Maroc. Le cluster est également très investi dans la recherche et le développement pour encourager l’innovation technologique, grâce à notre incubateur Grentech et aux partenariats que nous avons conclus avec les universités et des centres de recherche. Nous favorisons le développement de nouvelles technologies adaptées au contexte marocain.
F. N. H. : Comment le Cluster EnR envisage-t-il de soutenir et de stimuler l’innovation technologique et l’entrepreneuriat vert au Maroc, notamment à travers la création de startups Greentech et le développement de nouvelles technologies comme le stockage d’énergie et les systèmes de monitoring ?
F. Z. E. K. : Le Cluster EnR s’est résolument engagé à soutenir et stimuler l’innovation technologique ainsi que l’entrepreneuriat vert au Maroc, une mission amorcée dès 2015 avec le lancement pionnier de son incubateur Greentech. En tant que premier incubateur GreenTech du Maroc, il offre un soutien à la fois stratégique et financier aux entrepreneurs et innovateurs souhaitant introduire des solutions durables sur le marché. Grâce à cet incubateur, nous facilitons l’accès à des plateformes de prototypage de pointe ainsi qu’à un réseau d’experts nationaux et internationaux, catalysant ainsi la transformation des idées novatrices en entreprises viables. En parallèle, le Cluster EnR investit dans la recherche et le développement (R&D) en collaborant étroitement avec les universités, les centres de recherche et les acteurs industriels pour développer des technologies avancées adaptées aux besoins spécifiques du marché marocain en matière d’énergies renouvelables. Cela inclut notamment le développement de solutions de stockage d’énergie efficaces et abordables, des systèmes de monitoring, des unités de dessalement, etc. Aujourd’hui, le Cluster EnR joue un rôle de catalyseur dans le développement et la promotion de l’entrepreneuriat vert au Maroc. Notre objectif est de renforcer l’écosystème entrepreneurial en favorisant l’émergence de nouvelles entreprises innovantes qui contribuent activement à la transition énergétique et à la durabilité environnementale. En collaborant avec divers partenaires nationaux et internationaux, nous visons à positionner le Maroc comme un hub d’innovation, répondant ainsi aux défis énergétiques du XXIème siècle tout en créant des opportunités économiques durables pour notre pays.
F. N. H. : Avec l’essor de l’hydrogène vert au Maroc, quelles sont les initiatives spécifiques que le Cluster EnR met en œuvre pour accompagner le développement de cette filière et répondre aux exigences internationales, notamment en matière de taxe carbone de l’Union européenne ?
F. Z. E. K. : Le Cluster EnR déploie plusieurs initiatives spécifiques pour accompagner le développement de l’hydrogène vert au Maroc et répondre aux exigences internationales, notamment celles liées à la taxe carbone de l’Union européenne. Il travaille notamment sur la création d’un cadre réglementaire favorable pour l’hydrogène vert au Maroc. Cela inclut l’élaboration de normes et de régulations adaptées, ainsi que des incitations fiscales et des mécanismes de soutien financier pour encourager les investissements dans cette filière prometteuse. Nous collaborons étroitement avec les autorités nationales pour aligner nos initiatives avec les objectifs de durabilité et les normes internationales en matière d’émissions de carbone. De plus, le Cluster EnR participe activement à des évènements internationaux et à des consortiums de recherche pour échanger des bonnes pratiques et stimuler l’innovation dans le domaine de l’hydrogène vert. Ces collaborations visent à renforcer la position du Maroc en tant que leader régional dans le développement et l’utilisation de l’hydrogène vert, tout en répondant aux attentes et aux standards internationaux en matière de durabilité et de réduction des émissions de carbone. Le Cluster EnR est pleinement engagé à soutenir le développement de l’hydrogène vert au Maroc à travers des initiatives stratégiques incluant la R&D, la réglementation favorable, la sensibilisation et la collaboration internationale. Ces efforts visent à positionner le Maroc comme un acteur clé dans l’économie de l’hydrogène vert, contribuant ainsi à une transition énergétique mondiale vers des solutions plus durables et respectueuses de l’environnement.
F. N. H. : Comment le Cluster EnR prévoit-il de renforcer la coopération régionale et internationale, en particulier la coopération «sud-sud» et «sud-nord», pour favoriser une intégration énergétique régionale durable et créer un hub énergétique régional en Afrique ?
F. Z. E. K. : Nous accordons une priorité absolue au renforcement des partenariats avec les pays voisins en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne. Nous cherchons également à intensifier les collaborations «sud-nord», à travers l’élaboration d’alliances permettant notamment de faciliter le transfert de technologies avancées, le partage d’expertise et l’investissement dans des projets d’envergure internationale. Mais également le développement de projets communs dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Je tiens à souligner qu’à ce niveau, la participation du secteur privé dans ces initiatives est importante pour stimuler les investissements et accélérer le déploiement de solutions énergétiques durables. Le Cluster EnR s’engage dans une diplomatie énergétique proactive. Il facilite le dialogue politique et soutient les initiatives visant à créer des marchés énergétiques régionaux intégrés afin de renforcer la sécurité, la résilience et la durabilité environnementale à l’échelle du continent. Pour moi, il est impératif d’encourager la coopération à travers des initiatives multilatérales. A cet effet, nous participons activement auprès des réseaux de collaboration internationale pour partager les meilleures pratiques, promouvoir l’innovation et influencer les politiques énergétiques mondiales dans le cadre des objectifs de développement durable et de lutte contre le changement climatique. Je crois fermement que cette approche collaborative est essentielle pour positionner le Maroc en tant que hub énergétique contribuant ainsi à une croissance économique inclusive et à une transition énergétique globale vers des sources d’énergies propres et renouvelables.