A l’occasion de la seconde édition du MeetMed Week, qui s’est tenue les 9, 10 et 11 mai à Marrakech, le Directeur général de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique, Saïd Mouline, est revenu sur les enjeux de cette rencontre internationale axée sur l’efficacité énergétique dans le bâtiment. Pourquoi le choix s’est-il porté sur le bâtiment ? Le modèle marocain est-il bon ? Que faut-il faire pour l’améliorer ? Eclairage.
Propos recueillis par A. Diouf
Finances News Hebdo : Après l’Egypte, le Maroc a accueilli la 2ème édition du MeetMed Week à Marrakech. Quels étaient les objectifs de cette rencontre organisée par l’AMEE, en partenariat avec le centre Rcree et l’agence Med Ener ?
Saïd Mouline : Nous sommes heureux que le Maroc ait été choisi pour abriter les travaux de la 2ème édition du MeetMed Week que nous avons eu l’honneur d’organiser, en partenariat avec le Centre régional pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique de la Ligue arabe (Rcree) et l’Association méditerranéenne des agences nationales de maîtrise de l'énergie (Med Ener). Nous sommes dans une région où nous subissons les mêmes conséquences du changement climatique, ceci que l’on soit un pays du Nord ou du Sud de la Méditerranée. Le MeetMed Week est une occasion de partager les expériences et les problématiques, et de montrer les initiatives que certains pays plus réactifs que d’autres ont prises. Ensuite, le programme MeetMed, financé par l’Union européenne, se charge d’accompagner ces initiatives qui peuvent se déployer sur toute la région, étant entendu que nous vivons pratiquement tous la chose.
F.N.H. : Cette seconde édition du MeetMed Week était notamment axée sur l’efficacité énergétique dans le bâtiment. Pourquoi ce choix ?
S. M. : Cette 2ème édition du MeetMed Week a été focalisée sur le bâtiment pour plusieurs raisons. D’abord, parce que le bâtiment consomme 40% de l’énergie produite dans le monde et est responsable de 36% des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Et c’est pour cela qu’il faut que toutes les règles soient mises en place, notamment une réglementation thermique du bâtiment qui soit généralisée. Ensuite, dans la région Méditerranéenne, au Nord, il faut chauffer l’hiver et refroidir l’été. Alors qu’au Sud, on chauffe moins l’hiver, mais la climatisation devient un phénomène important. La climatisation s’est démocratisée et c’est pour cela qu’il faut des règles pour son usage. Il faut inciter les citoyens à ne pas acheter les climatiseurs les moins chers, mais plutôt acheter les plus efficaces. Pourquoi ? Parce que le prix d’un climatiseur n’est pas ce qui compte, c’est ce qu’il consomme par la suite qu’il faut voir. Si vous prenez la durée de vie d’un climatiseur, entre son prix d’achat et ce qu’il va consommer, le prix d’achat ne représente même pas 5% au bout de 10 ans. Tout le coût se situe au niveau de l’énergie consommée. C’est pourquoi nous avons choisi des standards aujourd’hui sur les climatiseurs, à savoir les Mep Spe – standard minimum d’efficacité énergétique. Ce MeetMed Week a donc été l’occasion de discuter des solutions et des règles mises en place dans certains pays et qui peuvent être transférées vers les autres pour y renforcer l’efficacité énergétique dans le bâtiment. Bien entendu, nous avons montré à nos partenaires ce qui se passe au Maroc, notamment les actions qui ont été menées dans le building dans le cadre du déploiement du règlement thermique de construction, du logiciel binayat et de l’exemplarité de l’Etat.
F.N.H. : Il a été aussi beaucoup question de financement lors de la rencontre. Pourquoi le financement est si important ?
S. M. : Il y a trois volets pour toutes les actions menées : un volet politique, un volet économique et un volet financier. C’est très important que les acteurs financiers accompagnent l’efficacité énergétique, en général, et dans le bâtiment, en particulier. Et là encore, pourquoi le Maroc a-t-il été choisi ? C’est parce que nous avons montré ce que fait notre pays avec ses banques locales, qui se sont toutes engagées pour avoir des lignes dédiées à l’économie verte. Et ça, c’est un plus que nous avons et il faut vraiment les remercier. Sinon, vous avez beau travailler pour mettre des règles, vous avez beau faire de la sensibilisation ou autre, s’il n’y a pas les outils de financement, c’est sûr que ça ne marchera pas.
F.N.H. : Que faut-il faire pour qu’il y ait plus de financement ?
S. M. : Nous sommes assez contents au Maroc, parce que nous avons comparé notre intensité énergétique à d’autres pays de la région. Et là, nous nous sommes rendu compte que nous faisons partie des bons élèves. C’est-àdire qu’au Maroc, nous produisons plus de dollars du PIB avec moins d’énergie que d’autres pays. Pour produire un Dollar de notre PIB, nous consommons moins d’énergie que d’autres pays. Pourquoi ? Nous avons un prix domestique de l’énergie qui est assez élevé, donc vous ne trouverez pas quelqu’un qui paye sa facture et qui gaspille énormément. Autrement dit, les gens font très attention à leurs factures énergétiques, aussi bien électrique que du carburant pour leur voiture. Parce que dans les pays où ces factures sont très basses, où l’énergie est subventionnée, les gens gaspillent plus. Et c’est là où se trouve la différence entre les pays producteurs de pétrole et de gaz, qui subventionnent les prix domestiques de l’énergie, et ceux qui importent ces produits et ne les subventionnent pas. Ces pays sont dans une situation où le payback sur n’importe quel projet d’énergie renouvelable ou d’efficacité énergétique est beaucoup plus long. Les projets n’ont pas la même rentabilité que chez nous. Au Maroc, un chauffe-eau solaire dans un bâtiment est rentabilisé en 4 ans, tandis que dans ces pays c’est 12 ans. La raison est simple, les gens dans ces pays préfèrent acheter du gaz pas cher.