L’amélioration des conditions de vie, les progrès substantiels réalisés par la médecine pour le traitement des maladies chroniques et la large diffusion de l’assurance-maladie sont autant de facteurs qui concourent à l’allongement de l’espérance de vie.
Cette donne est autrement plus importante pour les caisses de retraite et les entités spécialisées dans les produits d’assurance-vie, qui doivent tout faire afin de palier le risque longévité.
C’est dans ce contexte que l’Association marocaine des actuaires (AMA) a organisé récemment une rencontre sous le thème : «Risque longévité, qu'en est –il ?», animée par Julien Trufin, rompu aux risques management et professeur d'actuariat à l'Université Libre de Bruxelles.
Notons d’emblée que tous les calculs de primes et de provisions sur les contrats d’assurance vie et les caisses de retraite se basent sur des tables de mortalité. En conséquence, l’évaluation du passif des caisses de retraite dépend en quelque sorte de ces tables sur lesquelles s’appuient les calculs susmentionnés.
Usant d’une méthode didactique pour un sujet aussi technique, le professeur s’est tour à tour employé à exposer les tables de mortalité relatives à la population générale belge et les tendances historiques relatives à la mortalité. Ensuite, les tables générationnelles et les modèles de prévision ont été passés au peigne fin, avec à la clef la mise en pratique du modèle Lee-Carter.
Principaux enseignements
Les compagnies d’assurances et caisses de retraite marocaines, épaulées par des actuaires pour la maîtrise du risque management, doivent davantage tenir compte du bénéfice de longévité qui est réel.
En se basant sur les données belges, le professeur Trufin a fait remarquer qu’il y a une nette amélioration de la mortalité chez les personnes âgées de 60 ans, et ce depuis 1970. Cela dit, la prise en compte de l’âge de 65 ans est autrement plus cruciale en Belgique, puisqu’il équivaut au départ à la retraite, avec toutes les implications pour les entités précitées.
Tout en démontrant la pertinence et les limites des modèles Cairn Bake-Dowd et Lee-Carter, le conférencier a attiré l’attention des actuaires marocains sur la nécessité d’affiner les résultats issus des deux approches par des mesures d’ajustement.
Notons que les deux modèles utilisent des données des années antérieures sur la mortalité pour construire un ajustement des taux de décès bruts passés, puis des projections de la mortalité future.
Généralement, les critiques adressées aux approches précitées ont trait au fait que celles-ci se basent sur des données du passé et ne prennent pas en compte l’amélioration du traitement des maladies chroniques et la survenance de guerres.
Plaidoyer pour une table de mortalité nationale
Jusque-là, il n’existe pas de tables de mortalité nationales qui serviraient de base de calcul aux compagnies d’assurances et aux caisses de retraite. Rappelons que ces tables permettent d'étudier le nombre de décès, les probabilités de décès ou de survie selon l'âge et le sexe.
Au Maroc, la pratique montre que les types d’institutions cités utilisent leurs propres tables d’expérience ou celles de la mortalité française, qui diffère de la réalité marocaine. Or, dans un contexte national en proie à la réforme des retraites, susceptible de déboucher sur l’instauration de deux pôles (public et public), il est opportun de se doter de tables de mortalité nationales censées être évolutives et non statiques.
Du côté de l’AMA, l’on affirme que la pertinence d’un tel sujet tient au fait que les actuaires marocains sont des utilisateurs des instruments précités, notamment pour la réalisation de l’audit et des calculs actuariels. En conséquence, la profession peut participer activement à la construction de ces outils de prévision.
Cela dit, la mise en place de tables de mortalité nationales suppose l’implication d’autres acteurs, pour ne citer que l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), la Fédération des assurances (FMSAR), le haut-commissariat au Plan (HCP), les statisticiens et les démographes.
L’ébauche d’un premier pas
Au cours des échanges, certains participants ont proposé de commencer dans un premier temps par considérer comme nationales les tables de mortalité des compagnies d’assurances, même si d’autres jugent étriquée cette approche. Toujours est-il que du côté de l’association dirigée par Mohamed Amrani depuis 2015, l’on est persuadé de l’opportunité d’aborder cette question, d’autant plus que la fusion des régimes au Maroc pourrait soulever des difficultés techniques issues de la différence des tables de mortalité utilisées.
En somme, la mise en place d’outils propres au pays convient parfaitement avec l’évolution du cadre réglementaire des assurances, qui tendra au cours des années à venir vers la solvabilité basée sur les risques. Ce qui implique une gestion plus rigoureuse.
Momar Diao