Guerre en Ukraine: l’Ambassade du Maroc à Varsovie, au front!

Guerre en Ukraine: l’Ambassade du Maroc à Varsovie, au front!

Fuyant les zones de combat en Ukraine, les étudiants marocains ont réussi à traverser la frontière polonaise.

Le Maroc est le premier partenaire commercial de la Pologne en Afrique et dans la région MENA.

Les provinces du Sud jouent un rôle essentiel dans la compétitivité économique du Maroc.

Entretien avec son excellence Abderrahim Atmoun, Ambassadeur du Maroc à Varsovie et doyen du corps diplomatique africain.

 

 

 

 

Finances News Hebdo : Le déclenchement de la guerre entre l’Ukraine et la Russie a demandé une réaction urgente de la part des autorités compétentes pour mener à bien l’évacuation, puis le rapatriement des ressortissants marocains, dont les étudiants. Comment cette opération s’est-elle déroulée ?

Abderrahim Atmoun : Suite aux hautes instructions royales, l’Ambassade du Maroc en Pologne, à l’instar des autres Ambassades et du ministère des Affaires étrangères, a été mobilisée pour assurer la sécurité et l’évacuation de nos compatriotes fuyant la guerre en Ukraine. Plus de 1.800 personnes ont franchi la frontière avec la Pologne et ont été assistées par notre mission. En lien avec la cellule de crise mise en place par le ministère des Affaires étrangères, nous avons supervisé cette opération de près et je me suis déplacé à la frontière pour assurer le bon déroulement des opérations. Je saisis cette occasion pour remercier les autorités polonaises, mais aussi le peuple polonais pour l’hospitalité et la bienveillance qu’ils ont démontrées à l’égard de nos compatriotes, ainsi que les équipes de l’Ambassade qui ont également fait un travail exceptionnel. Si nous avons pu réussir cette mission, c’est avant tout grâce à toutes les forces vives de la diplomatie marocaine.

 

F. N. H. : À l’instar des autres ambassades du Royaume, quels étaient les moyens déployés aux postes-frontières Pologne-Ukraine pour faciliter cette tâche difficile ?

A. A. : Dès le début de la guerre en Ukraine, un plan d’action a été élaboré très rapidement par l’Ambassade. Quatre personnes ont immédiatement été dépêchées à la frontière, puis réparties sur les 8 points de passage ouverts par les autorités polonaises et ukrainiennes. Deux personnes ont été envoyées au poste frontalier de Mydika, qui a connu l’afflux le plus élevé. Ces personnes ont été chargées d’assister tous les Marocains traversant la frontière et de subvenir à leurs besoins selon la nécessité. Des bus loués pour l’occasion ont été mobilisés pour assurer le rapatriement de ces ressortissants à la frontière. Enfin, nous avons mis en place une assistance médicale, juridique et psychologique pour l’ensemble de nos compatriotes.

 

F. N. H. : Entre devoir, sollicitations et doléances, comment vous vous êtes organisés pour réussir cette mission délicate afin de satisfaire toutes les demandes ? Et quelles étaient les contraintes auxquelles vous avez dû faire face ?

A. A. : Nous avons très rapidement mis en place une cellule de crise pour répondre à toutes les nombreuses demandes. En parallèle, j’ai pris attache avec les autorités polonaises afin d’obtenir leur appui en vue de faciliter le passage de nos ressortissants marocains. Nous avons mis en place une ligne téléphonique joignable 24h/24 et 7j/7, une adresse e-mail et un compte WhatsApp. Tout le personnel de l’Ambassade s’est relayé pour assurer la continuité du service ainsi qu’une liaison continue avec nos concitoyens. Derrière chaque appel, message ou e-mail, il y a un cas particulier, avec des contraintes spécifiques. Notre rôle a été d’apporter les appuis nécessaires au niveau administratif, mais pas uniquement. Nous avons également été en contact avec les familles qui, pour certaines d’entre elles, n’avaient plus de nouvelles de leurs proches en Ukraine.

 

F. N. H. : Vendredi 25 février 2022, une dizaine d’étudiants marocains bloqués en Ukraine ont réussi à entrer sur le territoire polonais via un poste-frontière terrestre. Quel souvenir gardez-vous de ce moment, surtout que vous étiez sur place ?

A. A. : Ce matin-là, nous avions reçu les premiers appels des étudiants marocains qui s’étaient dirigés à la frontière polonaise. J’étais en train de me rendre au ministère polonais des Affaires étrangères pour discuter de cette question et demander de faciliter l’accès aux citoyens marocains, avant d’aller d’urgence sur place. Ce vendredi, 100.000 personnes avaient franchi la frontière polonaise. C’étaient des Ukrainiens pour la plupart et environ 1.000 personnes de nationalités étrangères, dont 10 Marocains.

 

F. N. H. : Peut-on affirmer que les relations bilatérales qui lient les deux nations ont fortement contribué à la réussite de cette mission d’évacuation ?

A. A. : Bien sûr ! L’amitié entre la Pologne et le Maroc a démontré qu’elle est forte et solidaire. Aussi, pour témoigner de cette relation, j’ai reçu beaucoup d’appels de soutien et même des propositions d’aide de la part d’entreprises polonaises qui se sont intéressées dernièrement au Royaume.

 

F. N. H. : Ahmed Rahhou, président du Conseil de la concurrence, et Tomasz Chrostny, président de l’Office polonais de la concurrence et de la protection du consommateur (UOKIK), se sont entretenus durant le mois de mai sur les moyens à mettre en place pour renforcer les contacts bilatéraux dans la perspective de la conclusion d’un accord de jumelage entre les deux institutions. Qu’en est-il ?

A. A. : La visite de M. Rahhou a permis de développer les relations de coopération entre le Conseil de la concurrence et l’Office polonais de la concurrence et de la protection du consommateur (UOKIK). L’objectif étant d’échanger et de partager les bonnes pratiques à l’échelle des deux institutions en matière des politiques et du droit de la concurrence, ainsi qu’en matière de renforcement des capacités des instructeurs, des rapporteurs et des enquêteurs des deux institutions. Cette collaboration ne fera qu’enrichir la coopération fructueuse entre les deux pays, notamment dans le cadre de la dynamique économique enclenchée ces dernières années. En effet, les échanges économiques et commerciaux entre les deux pays ne cessent de croître, tout comme l’intérêt porté au Maroc par les investisseurs polonais. Je n’ai aucun doute que la multiplication de ce genre d’initiative renforcera davantage les relations d’amitié entre nos deux pays.

 

F. N. H. : Accentuées par les réformes initiées par le Roi Mohammed VI, les opportunités d’investissement au Maroc sont multiples. Dans ce sens, des mémorandums officialisant la volonté d’investissement dans les provinces du Sud ont été signés. En quoi consistent ces partenariats ?

A. A. : Le Maroc offre un climat favorable aux affaires grâce aux importantes réformes politiques et économiques engagées ces dernières années sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et qui font du Royaume une terre qui attire les investissements étrangers, notamment polonais. Les provinces du Sud jouent un rôle essentiel dans la compétitivité économique du Maroc, et tout particulièrement dans son positionnement de hub africain. Ces régions disposent d’importants atouts leur permettant de se positionner en tant que modèle de développement durable aux échelles nationale et régionale. Ces partenariats reposent sur un choix de base et sur des considérations économiques de coûts et de rentabilité. Par exemple, fin juin, l’entreprise polonaise Oknoplast s’installera dans les provinces du Sud. Ces entreprises cherchent à se positionner en hub régional et permettent également d’offrir de nouvelles opportunités pour les investisseurs marocains vers de nouveaux marchés, comme celui de l’Europe centrale.

 

F. N. H. : Quelles sont les retombées du renforcement de la coopération politique et économique pour les deux pays ?

A. A. : Les relations politiques maroco-polonaises sont excellentes. Elles ont toujours été amicales et marquées par un respect mutuel entre les deux pays. Les relations économiques entre le Maroc et la Pologne sont également très bonnes. Au niveau commercial, le Maroc est le premier partenaire commercial de la Pologne en Afrique et dans la région MENA. L’année 2021 a connu une augmentation remarquable de la valeur des échanges bilatéraux de près de 50%, et nous avons ainsi dépassé le niveau symbolique de 1.5 milliard de dollars (les exportations du Maroc étaient de 890 millions de dollars et celles de la Pologne de 650 millions de dollars). Il s’agit de la deuxième année consécutive où les échanges sont favorables et que la balance est en faveur du Maroc.

 

F. N. H. : Vous avez été élu Doyen du corps diplomatique africain en Pologne. En quoi consiste cette fonction honorifique ?

A. A. : J’ai eu l’honneur d’être élu en 2021 doyen du corps diplomatique africain en Pologne. Cette fonction consiste tout d’abord à assurer la protection des intérêts ainsi que la cohésion du corps diplomatique africain. Le doyen est également l’interlocuteur direct auprès du gouvernement de l’État accréditant. C’est lui qui fixe avec le ministère des Affaires étrangères la préséance au sein du corps diplomatique, en application de la convention de Vienne de 1961. Avec mes collègues, j’essaie quotidiennement de promouvoir la culture africaine et de rapprocher la Pologne à l’Afrique tant au niveau politique, qu’économique et culturel. Depuis le début de la guerre en Ukraine, j’ai défendu à plusieurs reprises les conditions d’entrée des jeunes africains en Pologne et aussi discuté des moyens mis en place pour faciliter leur intégration dans les universités polonaises.

 

F. N. H. : Les opportunités d’affaires en Afrique sont considérables. Comment le Maroc peut-il jouer un rôle capital en tant qu’acteur majeur dans l’économie africaine ?

A. A. : L’avenir, c’est l’Afrique. C’est une réalité à laquelle je crois depuis longtemps et que le Royaume n’a cessé de rappeler. C’est une terre d’opportunités. L’Afrique est un marché de plus d’1 milliard de consommateurs, avec des besoins croissants dans tous les domaines et des opportunités d’investissements illimitées. Conscient de ce grand potentiel, le Maroc est devenu un acteur important de l’économie africaine. Cette dynamique de coopération, portée au plus haut niveau par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, est fortement accompagnée par le tissu économique national. En effet, les plus grandes entreprises marocaines sont implantées dans de nombreux pays d’Afrique, dans le secteur bancaire notamment (Attijariwafa bank, Banque Populaire, Bank of Africa). A l’instar des autres pays du monde, la Pologne est également très intéressée par l’Afrique. Ses entreprises sont désireuses de s’ouvrir sur de nouveaux marchés. Par ailleurs, la Pologne représente également un débouché fort pour l’Afrique. Depuis que j’ai assumé la fonction de doyen du corps diplomatique africain, j’ai plaidé pour un partenariat économique EuropeAfrique qui doit se faire sur la base d’un accord mutuellement avantageux pour les deux continents, et ce dans la perspective des objectifs de développement durable et la multiplication des initiatives inclusives.

 

 

 

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