Coalition gouvernementale : un pathétique jeu de dupes

Coalition gouvernementale : un pathétique jeu de dupes

 

La coalition s’est très tôt muée en cohabitation difficile et anarchique.

Un homme s’est engouffré dans la brèche : Abdelilah Benkirane.

 

Par D.W

 

 

Difficile de décrypter le jeu politique. Encore davantage le microcosme politique marocain où il ne semble y avoir que des opposants. Il y a pourtant bien une majorité gouvernementale qui préside aux affaires du Royaume.

Formée dans la douleur, après moult tractations et l’éviction fracassante de l’ancien chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, elle affiche désormais de façon béante ses différences et divergences, sans retenue, sans filet, prenant à témoin une opinion publique désabusée face à toute cette hypocrisie et cette mesquinerie politiques.

L’unité de façade affichée à certains moments n’a donc pas résisté au temps du jeu politique. La coalition s’est très tôt muée en cohabitation difficile et anarchique, où chaque locataire d’un ministère n’hésite pas à dénuder l’autre pour se justifier, donner du crédit à son action et se protéger des critiques.

Au diable les parties communes ! Au diable la solidarité ! Chacun joue pour soi. Surtout lorsqu’il leur est donné de se retrouver au milieu des leurs, de leurs partisans.

Le week-end dernier, celui qui est censé incarner l’unité de la coalition, celui qui, au terme de nombreuses concessions, a réussi à mettre fin à une crise politique qui a duré plusieurs mois en formant un gouvernement, en a encore donné un exemple édifiant. Le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, présidant une réunion du Conseil national du Parti de la justice et du développement (PJD), a en effet profité pour égratigner son allié au sein du gouvernement, le Rassemblement national des indépendants (RNI). En remettant notamment en selle le fameux épisode concernant la grogne des commerçants relative à la facturation électronique, non sans en imputer subrepticement la responsabilité au RNI, en l’occurrence les deux ministres de ce parti, Mohamed Benchaâboun et Moulay Hafid Elalamy, en charge de ce dossier.

C’est dire l’ambiance particulièrement délétère qui règne au sein du gouvernement El Othmani, lequel l’entretient d’ailleurs selon ses convenances.

 

Capharnaüm

Avec un chef de gouvernement qui se justifie constamment auprès de son électorat, quitte à flinguer ses alliés, pas étonnant de voir que, dans cette équipe gouvernementale, il ne semble pas y avoir un… code de bonne conduite.

Pratiquement tous les ministres sont en effet dans la mêlée. Entre un Rachid Talbi Alami (RNI) qui estime que le PJD a «un projet politique» visant à «nuire» aux institutions du Maroc, un Mohamed Aujjar qui a la «lucidité» de reconnaître que l’alliance gouvernementale actuelle est cosmétique, ou encore un Lahcen Daoudi qui participe, aux côtés des salariés de Centrale Danone, à un sit-in organisé devant le Parlement en pleine période de boycott, c’est peu dire que les citoyens ont rarement été confrontés à un tel capharnaüm politique au sein d’un gouvernement qui se dit «uni».

Dans une telle configuration où chacun joue sa partition, ce n’est donc pas un hasard si certains observateurs pointent du doigt le manque de cohérence dans les politiques publiques et, surtout, le déficit de gouvernance.

Au point d’ailleurs que toute critique à l’égard de ce gouvernement entraîne des réactions hérissées. A l’image notamment de la virulence des propos tenus la semaine dernière par le ministre des Affaires générales et de la Gouvernance, Lahcen Daoudi, à l’égard du Conseil de la concurrence qui a apparemment eu «l’outrecuidance» de donner un avis critique sur la libéralisation du secteur des hydrocarbures.

Et tout cela fait le jeu d’un certain Abdelilah Benkirane. ◆

 


Benkirane le trublion

L’ancien chef de gouvernement n’épargne personne : ni son «camarade» de parti et actuel chef de gouvernement, El Othmani, ni les alliés au sein de la coalition.

En quête d’une légitimité et d’une aura perdues, il s’impose comme un véritable trublion durant cette législature. Ses sorties intempestives agacent et sèment la zizanie au sein d’une majorité gouvernementale déjà très fragile. Son canal de communication favori : Facebook, qu’il utilise pour combler une vie politique oisive et déverser sa bile sur El Othmani et ses ministres, peu importe leur étiquette politique.

Dimanche 17 février d’ailleurs, il s’est de nouveau prêté au jeu en épinglant sur son tableau de chasse Saïd Amzazi, ministre de l'Education nationale (du Mouvement populaire), le critiquant notamment sur le sujet de l’enseignement des matières scientifiques en langues étrangères.

Sauf que si ses interventions créent un certain buzz, Benkirane reste de moins en moins audible au sein de l’opinion. Ses messages n’ont plus en effet la même résonnance depuis qu’a été portée sur la place publique l’histoire de sa pension de retraite exceptionnelle. Une affaire qui a fortement entamé son image, faisant des cocus tous ces gens qui voyaient en lui un homme allergique au système des privilèges et fortement attaché à certaines valeurs comme l’équité et la justice sociales. Une affaire qui compromet surtout un éventuel retour gagnant en politique. ◆

 

 

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