Entretien: «L'IA va perturber le monde professionnel»

Entretien: «L'IA va perturber le monde professionnel»

Dans cet entretien, Badr Boussabat, expert en IA, conférencier et économiste, partage avec nous son regard sur le présent et l'avenir de l'IA. Il nous donne également sa vision de la manière dont l'IA est susceptible de remodeler le monde professionnel et nous éclaire sur l'importance de l'éducation pour préparer la société à cette évolution.

 

Propos recueillis par Khalid Aourmi

Finances News Hebdo : Tout d’abord, quels sont les principaux domaines de recherche en intelligence artificielle aujourd'hui et quelles sont les découvertes les plus récentes dans ces domaines ?

Badr Boussabat : Les domaines principaux de la recherche en IA incluent l'apprentissage automatique, la vision par ordinateur, le traitement du langage naturel, la robotique et l'éthique de l'IA. Récemment, les avancées les plus spectaculaires font référence à ce qu’on appelle les LLM (Large Language Models), comme ChatGPT ou Bard. Les modèles de langage dotés d'un nombre substantiel de paramètres démontrent une aptitude notable à appréhender l'essentiel de la syntaxe et de la sémantique du langage humain. Ils manifestent aussi une compréhension large du monde et possèdent la faculté de «retenir» un volume important de données factuelles au cours de leur apprentissage. Des percées ont aussi été faites dans l'intelligence artificielle émotionnelle, qui vise à créer des IA capables de comprendre et de réagir aux émotions humaines.

 

F.N.H. : Quelle approche intelligente pourrait-on adopter pour réguler l'IA, à votre avis ?

B. B. : Pour réguler l'IA, une approche pragmatique serait d'instaurer des normes mondiales qui encouragent la transparence, l'auditabilité et la responsabilité des systèmes d'IA. C’est un travail qui commence à être mené et il est primordial de créer un conseil mondial de l’IA qui rassemble tous les pays. Il serait également important de promouvoir une éducation inclusive sur l'IA pour permettre une compréhension publique étendue. ChatGPT, en se rendant disponible, est un début. Aujourd’hui, il faut former à ces outils dans la vie professionnelle quotidienne. C'est spécifiquement ce que je fais en tant que formateur international. Rendre l’IA accessible sera la meilleure manière d’inclure les individus.

 

F.N.H. : Estimez-vous qu'il y a une nécessité urgente de réguler cette technologie, comme l'affirme Elon Musk ?

B. B. : Je suis d'accord avec Elon Musk sur le fait qu'il y a une nécessité urgente de réguler l'IA. Avec le rythme rapide de son développement et de son déploiement, il est essentiel d'établir des réglementations pour prévenir les utilisations potentiellement préjudiciables de l'IA et pour garantir que cette technologie soit utilisée de manière éthique et bénéfique pour l'humanité. C’est pourquoi il faut développer des études qui se concentrent à combiner l’expertise de l’IA et du juridique. Le gap est encore trop important entre les deux.

 

F.N.H. : Que pensez-vous des conclusions d'une récente étude de Challenger, Gray & Christmas sur les perturbations causées par l'introduction de l'IA dans le monde professionnel ?

B. B. : L'étude de Challenger, Gray & Christmas souligne une réalité importante : l'IA va perturber le monde professionnel. Cela ne signifie pas nécessairement que les emplois disparaîtront en masse, mais plutôt que les rôles et les compétences requises vont changer. Les travailleurs auront besoin de se former pour travailler en synergie avec les outils d'IA. D’ailleurs, ces descriptifs de job vont se développer en fonction de la réalité de l’entreprise.

 

F.N.H. : L'étude mentionne des licenciements potentiels, mais met également en avant la redéfinition de certains postes afin d'y apporter une valeur ajoutée humaine. Quel est votre point de vue sur cette question ?

B. B. : La redéfinition de certains postes pour apporter une valeur ajoutée humaine est une perspective positive. L'IA est un outil qui peut automatiser certaines tâches pénibles et répétitives, mais il ne remplace pas le jugement humain, l'empathie et la créativité. Ces éléments seront par contre stimulés par l’IA. La créativité sera de meilleure qualité avec l’utilisation de l’IA plutôt que sans. Les humains et les machines peuvent ainsi se compléter pour atteindre des niveaux de productivité et de créativité inégalés.

 

F.N.H. : Les universités publiques marocaines vont bientôt introduire des modules consacrés à l'intelligence artificielle à leurs programmes d’enseignement. Comment voyez-vous cela ?

B. B. : L'introduction de modules d'IA dans les universités publiques marocaines est une initiative très positive. Elle permettra aux étudiants d'être au fait des dernières technologies et préparera la future génération de chercheurs et de professionnels de l'IA. C'est un pas important vers l'édification d'une société numérique forte et compétente. Aussi, il serait intéressant de former en entreprise, car les générations actuelles qui sont déjà sur le marché de l’emploi doivent pouvoir bénéficier d’un système qui continue à avoir besoin de leur contribution.

 

F.N.H. : Dans un futur proche, et selon votre appréciation, quelles sont les applications les plus prometteuses de l'intelligence artificielle ?

B. B. : Les applications les plus prometteuses de l'IA se situent dans les domaines de la santé, de la finance, de l'éducation, de l'énergie et de l'environnement. Par exemple, l'IA peut aider à la détection précoce des maladies comme le cancer du sein, à la personnalisation de l'apprentissage, à la gestion des risques financiers, ou encore à limiter le taux d’émission de CO2 en utilisant de manière plus intelligente l’énergie consommée. 

 

 

 

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