Blockchain : le Maroc avance, bâtit et innove

Blockchain : le Maroc avance, bâtit et innove

Cette technologie au potentiel disruptif va bien au-delà des monnaies digitales. Le Maroc, engagé dans une stratégie numérique à l’horizon 2030, commence à l'intégrer dans son tissu économique et institutionnel.

 

Par K. A.

Ces dernières années, la blockchain a fait couler beaucoup d’encre. Souvent définie comme un registre décentralisé, immuable et transparent, elle enregistre des transactions ou des données de manière sécurisée.

Cette technologie permet de remplacer les intermédiaires et de réduire les risques de fraude. Selon Statista, le marché mondial de la blockchain devrait atteindre 67,4 milliards de dollars en 2026, avec un taux de croissance annuel supérieur à 80%. Les principaux cas d’usage se situent dans la finance, avec la montée en puissance des smart contracts et des applications de finance décentralisée (DeFi). Deloitte estime que les institutions financières pourraient économiser jusqu’à 11,2 milliards de dollars par an grâce à la blockchain, en réduisant les coûts liés aux transactions et à la gestion des risques.

Au Maroc, la blockchain en est encore à ses premiers pas, mais elle suscite un engouement grandissant, soutenu par la stratégie Maroc Digital 2030, qui vise à accélérer la transformation numérique de l’économie et à renforcer la transparence de la gouvernance. Selon les explications de Sofiane Gadrim, lors d’un entretien avec Finances News Hebdo, «le Maroc a compris et a saisi l’opportunité d’embrasser cette technologie. Des institutions de premier plan, telles que le Groupe Banque Centrale Populaire (BCP), font usage de cette innovation. En apprenant des erreurs commises par d’autres pays, le Maroc peut se positionner comme un leader dans ce domaine».

L’Office chérifien des phosphates (OCP), leader mondial du secteur, expérimente la blockchain pour optimiser la traçabilité des engrais et sécuriser les échanges commerciaux. Dans le secteur public, plusieurs initiatives pilotes émergent. L’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) teste la digitalisation des titres fonciers via la blockchain afin de fluidifier les transactions immobilières et rassurer les investisseurs.

De même, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) utilise cette technologie pour authentifier les diplômes et lutter contre la fraude documentaire, tandis que des coopératives agricoles assurent la traçabilité et la qualité de leurs fruits exportés. Dans le domaine de la santé, plusieurs cliniques testent la gestion décentralisée des dossiers médicaux, et la tokenisation immobilière gagne du terrain grâce à des fintechs proposant la vente fractionnée d’immeubles via des «tokens». Par ailleurs, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) mène une initiative pour créer une identité digitale fiable et souveraine.

D’autres secteurs innovent également, notamment l’assurance, où la blockchain simplifie les contrats et paiements, ainsi que l’énergie, avec des projets pilotes dédiés à la gestion décentralisée des réseaux électriques et à la traçabilité des énergies renouvelables. Le secteur bancaire s’intéresse lui aussi de près aux potentialités de la blockchain. Depuis 2024, Bank Al-Maghrib collabore avec des partenaires internationaux pour évaluer la faisabilité d’une monnaie digitale nationale (Central Bank Digital Currency, ou CBDC).

D’après un rapport officiel, l’institution mène actuellement des études d’impact et des expérimentations internes. Parallèlement, certaines banques commerciales explorent l’utilisation des smart contracts pour automatiser les financements participatifs et renforcer la traçabilité des transactions transfrontalières.

Un des projets les plus emblématiques est le développement du e-dirham, monnaie digitale nationale en cours d’étude par Bank Al-Maghrib. Cette initiative, alignée avec la tendance mondiale des CBDC (Central Bank Digital Currency), vise à moderniser le système de paiement, faciliter les transactions électroniques et renforcer l’inclusion financière.

 

Les défis à relever

Si les opportunités sont nombreuses, plusieurs défis freinent encore la généralisation de la blockchain au Maroc. Le premier est l’insuffisance de compétences spécialisées. Le pays doit investir massivement dans la formation et le développement de talents capables de maîtriser cette technologie complexe. Un autre obstacle est lié au cadre réglementaire. La blockchain évolue vite, mais la législation peine à suivre, notamment en matière de protection des données, de confidentialité et de responsabilité juridique.

Sur le plan technique, la consommation énergétique des blockchains classiques - notamment celles reposant sur la preuve de travail (Proofof-Work) - demeure une source de préoccupation. Le Maroc, déjà engagé sur la voie d’un développement durable, devra privilégier des solutions plus sobres, à l’image de la preuve d’enjeu (Proof-of-Stake). Bien que cette dimension énergétique ne soit pas encore au cœur des débats nationaux, plusieurs experts, à l’instar de Sofiane Gadrim, appellent à un développement «durable, souverain et sécurisé» de la blockchain. Cela implique l’adoption de technologies à faible empreinte carbone, rompant avec les modèles énergivores popularisés par des réseaux comme le Bitcoin. 

 

 

 

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