Le Trésor se finance à des conditions très confortables sur le marché local.
La situation des réserves de change encouragerait néanmoins une levée de fonds à l’international, suggèrent certains analystes.
par B. Chaou
Pour l’année 2019, l’activité du Trésor s’est caractérisée par la hausse du financement intérieur. En effet, d’après les statistiques publiées par la Direction du Trésor et des finances extérieures (DTFE), la dette intérieure a atteint 549 Mds de DH, soit un encours en hausse de 5,6% par rapport à son niveau à fin décembre 2017. Ce montant est le résultat du recours du Trésor au marché des adjudications pour un montant net de 29,5 Mds de DH, résultant de souscriptions pour 115,1 Mds de DH, et de remboursements pour 85,6 Mds de DH. Et ce, contre un recours pour un montant net de 26,7 Mds de DH un an auparavant, résultant de souscriptions pour 110,7 Mds de DH et de remboursements pour 84 Mds de DH. Le financement interne a été très favorable au Trésor public, qui a pu bénéficier de la baisse des taux.
Un affaissement des taux de financement qui se poursuit pour l’année 2019. En effet, lors de la dernière levée du Trésor en date du 29 janvier, l’adjudication a été effectuée à un taux 10 ans de 3,255%, soit une baisse significative de 11,7 points de base (pbs) par rapport au dernier primaire.
Dans cette même tendance, néanmoins dans une moindre proportion, la maturité 20 ans a été adjugée à 3,93%, en recul de 5,8 pbs. Au-delà du recul des deux maturités, cette situation est une continuité de la baisse enclenchée depuis le début de l’année sur le marché des taux courts et moyens termes.
Adjudication long terme du 29 janvier
Financement à l’international
La tendance actuelle des taux implique plusieurs interrogations sur l’opportunité d’une sortie du Trésor à l’international. En effet, il y a quelques mois, le ministre des Finances et de l'Économie du Maroc, Mohamed Benchaaboun, avait annoncé que le Maroc comptait lever un montant d’un milliard (en Dollar ou en Euro) sur le marché financier international au cours des premiers mois de 2019.
Ainsi, la question qui se pose est de savoir pourquoi se financer en externe, alors que le Trésor continue de bénéficier de taux préférentiels en interne.
D’après un analyste, «le Trésor sera peu regardant sur la question des taux à l’international, mais il considérera d’autres aspects liés à l’équilibre général des levées de fonds, au renfoncement des réserves de change et aux directives politiques».
Et de rappeler que «cette sortie prévue du Trésor sur les marchés internationaux intervient dans un contexte d’effritement des réserves de change, qui sont passés de 241 Mds de DH en 2017 à 223 Mds de DH en 2018. Ainsi, un financement à l’international viendrait solidifier ses réserves, surtout que le Maroc compte se diriger vers une plus large fluctuation du Dirham qui exige des fonds solides en devises».
Rappelons que la récente étude du Fonds monétaire international concernant le Maroc, a dressé un tableau complet sur la situation économique du pays, entre autres celle de ses réserves de change.
L’institution de Bretton Woods s’est servie de deux méthodes, ARA et ARA non ajustée, pour mesurer la capacité du Royaume à supporter les conséquences d’une flexibilité élargie. Ses calculs ont démontré que le Maroc ne satisfait pas tout à fait les exigences minimales en change pour passer à de telles conditions. Un financement du Trésor à l’international interviendrait donc pour pallier le souci d’affaiblissement des réserves de change.
De même, un autre facteur pouvant être favorable à une sortie à l’international, est l’effet d’éviction que pourrait entraîner la levée de fonds en interne du Trésor public, nous indique le même analyste. Les fonds nécessaires aux dépenses publiques (impôts, emprunts, taxes, etc.) augmentent dans une proportion telle qu'ils pourraient détourner une épargne qui, autrement, aurait servi à financer des projets d'investissement privés. Cela peut se traduire aussi par une baisse de l’investissement, induit par la hausse des dépenses publiques.
Toutefois, la note de recherche émise par Attijari Global Research démontre que ce risque est à exclure du fait que d’importants encaissements sont prévus pour le court terme, et risqueraient de ralentir les levées du Trésor.
De même, l’enclenchement, notamment au deuxième semestre de l’année 2018, d’un phénomène de résistance des investisseurs à placer leurs excédents de cash, suite à l’attente de rendements plus élevés, leur a permis de constituer des stocks importants de liquidités, réduisant le risque d'éviction.
Aujourd’hui, le Maroc bénéficie de la ligne de précaution de liquidité du FMI qui lui confère un appui au niveau du coût de l’emprunt auprès des investisseurs internationaux. Ainsi, une sortie internationale pourrait être une occasion de transmettre aux marchés internationaux un message de confiance sur son économie. Rappelons que le pays n'a pas émis d'obligations internationales depuis 2014. ◆