Les risques liés à la conjoncture internationale et la sécheresse toujours omniprésents. Le gouvernement contraint de supporter de nouveaux engagements budgétivores.
Par C. Jaidani
Le processus de préparation du projet de Loi de Finances 2025 est en cours. Dès le mois de mars, le chef du gouvernement a émis une circulaire dans laquelle il a invité les ordonnateurs à fixer les propositions budgétaires triennales, avec ce que cela implique comme indicateurs et performances. Ces propositions ont été transmises par les départements ministériels, lors de la première quinzaine du mois d’avril, au ministère des Finances.
Les mêmes propositions doivent être examinées avant le 15 mai en commissions de programmation et de performance dudit département. Le ministre des Finances doit exposer avant le 31 juillet le cadre général de préparation du projet. Il faut dire que le PLF 2025 sera établi dans un contexte particulier. Le pays est toujours sous l’effet d’une vague de sécheresse sévère. La campagne agricole 2023/2024 ne devrait pas dépasser les 25 millions de quintaux. Ce niveau est déterminant pour fixer le taux de croissance pour l’année en cours et avoir des effets tangibles sur celui de 2025.
«Le Maroc est sous l’effet de nombreuses contraintes conjoncturelles qui impactent son économie. Il devrait réaliser en 2024 et 2025 un taux de croissance moyen aux alentours de 3%. La sécheresse pèse toujours lourdement, causant une perte de 181.000 postes d’emploi au cours des deux dernières années, particulièrement dans le monde rural, au moment où le gouvernement s’est engagé à créer 550.000 postes à l’horizon 2026. Le taux de chômage grimpe à 13%, un record. Le taux de faillite des entreprises culmine à 15% et celui d’endettement public par rapport au PIB dépasse 80%, se situant à un niveau supérieur à celui des pays émergents», explique Mohamed Amrani, professeur d’économie à l’université Hassan II de Casablanca.
Et de poursuivre que «la conjoncture internationale est marquée par plusieurs incertitudes qui peuvent à leur tour peser sur l’économie nationale. Les tensions géostratégiques, notamment les guerres en Ukraine et Gaza, présentent des risques majeurs pour la stabilité des cours du pétrole et de certains produits alimentaires comme le blé. Le Maroc dépend largement des importations pour satisfaire ses besoins. Les principaux partenaires du Royaume, particulièrement l’Europe, n’affichent pas d’indicateurs assez favorables. Cela risque d’avoir un effet sur les échanges entre les deux parties».
Par ailleurs, le PLF 2025 serait confronté à différentes équations, comme la hausse des salaires décidée récemment dans le cadre du dialogue social. La question qui se pose actuellement : comment le gouvernement va-t-il financer ces nouvelles charges, sachant qu’il est sous pression pour supporter d’autres fardeaux budgétivores comme l‘assurance maladie obligatoire (AMO), les retraites, les chantiers structurants lancés ou ceux envisagés en prévision de la Coupe du monde 2030 ?
«De nouvelles dispositions fiscales peuvent entrer en vigueur soit à travers la hausse des taux, l’institution de nouveaux impôts ou l’élargissement de l’assiette fiscale. Autrement, il y a risque d’aggraver le déficit budgétaire qui évolue depuis un certain temps dans une tendance baissière, passant de 7,6% à 4,4%. Les prévisions tablent sur un taux de 4% en 2024 et 3,5% en 2025. Les engagements sociaux ont un coût qu’il faut supporter sur le long terme. Pour atténuer les effets de la sécheresse, des fonds importants seront mobilisés pour soutenir les agriculteurs et poursuivre le programme de construction des stations de dessalement d’eau de mer», indique Amrani. Dans ces conditions, le gouvernement serait contraint de faire des arbitrages parfois douloureux pour assurer l’équilibre de son budget.