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Marché du prêt de titres : consolidation post-réforme

Marché du prêt de titres : consolidation post-réforme

Trois ans après l’entrée en vigueur de la réforme encadrant le prêt de titres, le marché semble avoir trouvé son équilibre. L’encadrement plus strict n’a pas freiné l’activité, bien au contraire: volumes en hausse, maturité des prêts prolongée et garanties mieux calibrées.

 

Par Y. Seddik

Le marché du prêt de titres affiche une nouvelle physionomie, trois ans après l’amendement de la loi n°83-20 : mieux encadré, plus sécurisé, et toujours aussi dynamique. L’obligation de collatéralisation, introduite en août 2021, semble avoir structuré les pratiques sans enrayer l’essor de cette activité pourtant technique et sensible. À l’origine, cette réforme visait à combler une faille majeure: le recours massif à des prêts sans garantie, notamment entre entités d’un même groupe financier.

Désormais, toute opération de prêt de titres doit être adossée à une garantie (espèce, action cotée, bon du Trésor ou autre instrument financier), sauf exceptionfds prévues, notamment pour les teneurs de marché ou les opérations intragroupes. Cette clarification du cadre juridique s’est accompagnée d’une professionnalisation visible du secteur.

En 2024, l’activité a poursuivi sa croissance : le volume des opérations a atteint 327 milliards de dirhams, contre 315 milliards l’année précédente. L’encours progresse plus fortement encore à 44 milliards de dirhams, soit une hausse de 28%. Autant de signaux qui traduisent une adhésion des acteurs à ce nouveau régime.

«Avant la réforme, le marché des prêts de titres ressemblait un peu à une zone grise. Certaines banques utilisaient ce mécanisme pour se refinancer sans collatéral, et certains OPCVM pilotaient leurs ratios en toute discrétion. On se retrouvait alors avec un effet de levier extrême et une opacité totale sur le pricing des prêts. C'est précisément pour remédier à ces excès que la réforme est intervenue», nous rappelle un professionnel du marché.

Des indicateurs de maturité

L’effet le plus marquant de cette transition est sans doute l’allongement de la durée moyenne des prêts. Pour les bons du Trésor, qui restent de loin les titres les plus utilisés (90,5% du volume total prêté), la durée moyenne atteint 29 semaines en 2024, contre seulement 5,3 semaines en 2023. Un basculement net vers des positions plus longues, qui traduisent une gestion plus stratégique des portefeuilles et des garanties.

La répartition des prêteurs confirme également la stabilité des grands équilibres : les OPCVM conservent leur statut de principaux fournisseurs de titres (84,4%), tandis que les banques représentent désormais 15% des opérations de prêt. Du côté des emprunteurs, les banques restent en tête avec 42,1%, suivies par les sociétés non financières (24,7%) et les sociétés de gestion (15,9%).

Les OPCVM, eux, représentent 3,2% des emprunteurs, en recul par rapport à 2023. «La réforme d’août 2021 a clairement apporté une sécurité supplémentaire. L’obligation de collatéral a donné lieu à une sélection plus rigoureuse des transactions, et n'a surtout pas freiné la dynamique du marché, puisque l’encours était de 189 Mds de DH en 2021 contre 327 Mds de DH en 2024», commente notre source.

Une dynamique à surveiller

Ce retour à l’équilibre ne doit pas masquer certaines fragilités persistantes. Les transactions sans collatéral, bien qu’encadrées, n’ont pas disparu. Même si les chiffres 2024 ne sont pas encore détaillés à ce sujet, la tendance observée en 2023 avec une remontée à 14,9% de transactions non garanties invite à la prudence. Ces opérations, bien que permises dans certains cas, peuvent masquer des risques systémiques si elles se multiplient.

«J’estime aussi que les exceptions prévues pour les transactions intragroupes ou avec les teneurs de marché laissent une certaine flexibilité, pour maintenir la fluidité des opérations entre entités d'un même groupe, d’où la hausse également des opérations chez certaines banques», précise-t-il. Le régulateur, de son côté, reste actif : un projet de circulaire, mis en consultation en février 2024, précise les modalités d’agrément des plateformes, les règles de fonctionnement et les obligations de reporting.

Cette démarche confirme la volonté de renforcer les fondations d’un marché qui, désormais, se veut aussi robuste que transparent. «Je vous rappelle également qu’en février de l’année dernière, le régulateur a mis en consultation publique un projet de circulaire visant à opérationnaliser les amendements apportées à loi 45-12. Ce projet clarifie les règles de fonctionnement, les exigences d'agrément pour les plateformes, et aussi les modalités de reporting, ce qui va sans doute aider à professionnaliser davantage ce marché», explique le professionnel de la gestion d’actifs.

Quoi qu’il en soit, l'activité des prêts de titres ne fait plus figure de mécanisme opaque ou marginal. En l’espace de trois ans, il s’est imposé comme un levier de gestion structuré, suivi et assumé par ses acteurs. La discipline imposée par le collatéral semble avoir redéfini les règles du jeu, sans casser la dynamique. Toutefois, dans un marché où l’ingéniosité financière n’a jamais manqué, ce sont souvent les marges de tolérance qui finissent par écrire les prochains épisodes. À suivre, donc. 

 

 

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