Le marché actions passe par des moments pour le moins difficiles. Après trois mois de déconfiture, la baisse ne semble pas s'arrêter. Comment expliquer cette baisse ? Quelles actions mettre dans son portefeuille et quel type de supports privilégier pour mieux naviguer dans ces eaux troubles ? L'équipe de la banque d'affaires Oaklins Atlas Capital répond à nos questions.
Finances News Hebdo : Le marché actions vient de clôturer son troisième mois de baisse. Comment expliquez-vous ce mouvement ?
Oaklins Atlas Capital : La baisse du marché actions semble s’expliquer par la jonction de trois événements : le premier, conséquence des inquiétudes liées au changement des normes comptables des banques et des règles prudentielles des compagnies d’assurances, le second lié aux mauvaises réalisations des immobilières, tandis que le dernier semble découler de l’impact de la campagne de boycott sur l’économie réelle, et notamment sur les réalisations des sociétés directement visées.
Alors qu’à fin mars, le niveau globalement convenable des réalisations annuelles des sociétés cotées devait confirmer la reprise initiée en début d’année, l’annonce de l’entrée en vigueur des nouvelles normes comptables, IFRS III pour les banques, et des règles prudentielles, Solvency II, pour les compagnies d’assurances, est venu souffler un vent d’inquiétude sur un marché encore fragile. En effet, tandis que l’adoption des normes IFRS III par les banques ferait craindre un impact sur les résultats dû aux provisionnements de tous types de créances, même saines; Solvency II contraindrait les compagnies d’assurances à réduire leurs expositions au marché actions.
S’agissant des réalisations du secteur immobilier, les trois promoteurs cotés ont publié des réalisations annuelles jugées décevantes par les investisseurs de la place, ce qui a semé le doute auprès des intervenants du marché quant à une éventuelle reprise. En effet, le secteur étant considéré historiquement comme l’un des catalyseurs du marché boursier, ses mauvaises réalisations ont de fait soulevé des craintes quant aux impacts éventuels sur les réalisations des secteurs adjacents.
Enfin, l’impact psychologique de la campagne de boycott aurait soulevé des craintes chez les différents acteurs économiques qui seraient devenus plus frileux, ce qui expliquerait la contre-performance de -5% du MASI sur le seul mois de mai.
F.N.H. : Est-ce inquiétant ?
O. A. C. : Le manque de perspectives et l’absence de catalyseurs, alors que les investisseurs restent dans l’expectative d’un nouveau modèle de développement, pourraient plonger le marché boursier dans la même atonie que celle vécue lors des années précédentes.
F.N.H. : Parallèlement aux actions, comment a évolué le marché des taux durant le semestre ?
O. A. C. : L’évolution du marché des taux s’est réalisée en deux phases distinctes : une première phase fortement haussière lors du mois de janvier, suivie d’une seconde phase baissière de février à avril. La phase haussière a été initiée à cause des craintes inflationnistes liées notamment à l’entrée en vigueur de la flexibilisation du régime des changes, intervenue le 15 janvier 2018. La dissipation de ces craintes a été à l’origine du basculement vers la phase baissière des taux.
Dans ce contexte, le taux de la maturité 5 ans qui s’est renchéri de 14 pbs lors de la phase haussière, passant de 2,80% à 2,94%, a vu son niveau baisser de 18 pbs au terme de la seconde phase pour atteindre un plus bas à 2,76%.
F.N.H. : Dans le climat actuel, quels sont les supports de placements qu'il faut privilégier (taux ou actions ou autres ?) Qu'est-ce qui peut faire évoluer ce «dosage» ?
O. A. C. : L’incertitude qui prévaut sur le marché boursier plaiderait pour une possible volatilité des cours qui pourrait intéresser les investisseurs les moins averses au risque, alors que les rendements de dividendes restent attrayants pour certaines valeurs. Cependant, pour les investisseurs les plus averses, les placements au sein de titres à maturité 5 ans et 10 ans restent conseillés. Ceci faisant, les OPCVM diversifiés semblent convenir à ce contexte de marché.
F.N.H. : Enfin, sur les actions, quelles sont les thématiques ou secteur qu'il faut privilégier dans le climat actuel ?
O. A. C. : Au vu du climat actuel du marché actions, les valeurs à privilégier restent celles appartenant aux secteurs défensifs et notamment ceux offrant un fort dividende potentiel, sachant que les investisseurs se doivent de conserver une vision à long terme quant aux rendements espérés. ■
Propos recueillis par Adil Hlimi