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Panique sur les marchés

Panique sur les marchés

Par Omar Fassal *

Nulle part où se cacher, toutes les classes d’actifs sont en repli. Les actions sont en première ligne. Elles baissent partout  : -15,6% sur le S&P aux Etats-Unis depuis le début de l’année, et -24,6% pour le Nasdaq qui contient les valeurs technologiques.

En Europe, même son de cloche. L’Euro-Stoxx en zone Euro cède -14%, le CAC40 en France -11%, le DAX en Allemagne -12%, le FTSE250 au Royaume-Uni -15%. En Asie, le Nikkei au Japon baisse de -8%, et le Shanghai Composite en Chine de -15%. A la Bourse de Casablanca, le MASI se replie de -5%. Seule la Turquie échappe à cette tendance, avec une progression de 10% depuis le début de l’année. Trois facteurs expliquent cette forte chute. D’abord, les perspectives du conflit en Ukraine qui ne semblent point s’améliorer. Ensuite, les ruptures sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, en raison des confinements dans les grandes villes chinoises – y compris Shenzhen, Shanghai, et à présent Pékin – pour lutter contre une recrudescence de la pandémie du Covid. Enfin, le resserrement monétaire entrepris par les grandes Banques centrales pour pallier - en partie - l’inflation.

Un peu d’inflation a un effet positif sur les actions. On fait alors l’hypothèse que les entreprises les mieux positionnées sur leur marché, seront capables de répercuter à la hausse le coût des intrants en augmentant leurs prix, ce qui préservera leurs marges. Mais ici, l’inflation est trop élevée. Trop élevée au point où elle requiert des mesures de plus en plus fortes de la part des grandes Banques centrales qui sévissent, pour réussir à la maîtriser. Ce resserrement monétaire très important va ralentir la croissance, et probablement mener vers une récession sur le dernier trimestre de l’année. Du coup, les entreprises seront impactées avec des résultats en berne, d’où la baisse des cours pour intégrer cette contraction économique à venir.

Le gouverneur de la Banque d’Angleterre avait déjà reconnu publiquement que l’économie britannique basculerait vraisemblablement en récession au quatrième trimestre. Jérôme Powell, le gouverneur de la Réserve Fédérale, a annoncé cette semaine que «la Banque centrale américaine n’hésiterait pas à prendre des mesures extrêmes pour juguler l’inflation» et que «ramener l’inflation sous contrôle ne se ferait pas sans douleurs». Il n’en fallait pas plus pour faire craquer les marchés, qui redoutent désormais une récession américaine. D’autant plus que l’inflation américaine est restée scotchée au mois d’avril à un plus haut sur les 40 dernières années à +8,3%, contre +8,5% au mois de mars, mais au-dessus des prévisions des économistes qui étaient de +8,1%.

La hausse des taux directeurs des Banques centrales provoque une hausse des taux obligataires, et du coup, une baisse de leurs prix. Les performances sur les marchés obligataires sont donc également en repli. Aux Etats-Unis, les obligations souveraines sont en repli de -10,4% depuis le début de l’année, les obligations d’entreprises de -13%, et les obligations à haut rendement de -10%. En zone Euro, les obligations souveraines sont en repli de -8,9% et sur les marchés émergents, elles cèdent -15,6%. L’or apporte un minimum de diversification, même s’il ne joue pas complètement son rôle de protection contre l’inflation. Il affiche un prix stable depuis le début de l’année, en repli sur une année glissante de -1,76%. Le Bitcoin connait également une année difficile, en baissant de -37%; il reste malgré cela à un plus haut sur les cinq dernières années.

Seuls les produits énergétiques et agricoles affichent des progressions affolantes. Le baril de Brent progresse de +43% depuis le début de l’année, et le gaz naturel de +116%. Avec un prix du baril de 111 dollars, la crainte est de voir un prix plus élevé peser davantage sur une croissance mondiale déjà anémique. Ces cours élevés sont naturellement au profit des pays exportateurs, qui en profitent pour reconstituer leur position financière après l’épreuve du Covid. Elément nouveau qui pourrait changer la donne, Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne et désormais Premier ministre italien, souffle l’idée de former un cartel des acheteurs du pétrole. De la même façon que l’OPEP organise les principaux pays exportateurs de pétrole pour aligner leur position en vue d’optimiser leurs intérêts, Mario Draghi soumet l’idée d’un cartel des acheteurs, qui inclurait l’Europe et les Etats-Unis, voire d’autres grands consommateurs. Il fonctionnerait de la même façon que l’OPEP pour établir un contrepoids à l’organisation historique : aligner les positions des membres, en vue d’optimiser leurs intérêts.

On peut imaginer que ce groupement annoncerait à l’avance la quantité et le prix auquel il est prêt à acheter la production des pays exportateurs. Mais pour qu’un tel cartel fonctionne correctement, il devrait inclure les deuxième et troisième plus grands consommateurs de pétrole au monde, que sont la Chine et l’Inde. Et pour l’instant, les positions prises par ces deux pays vis-à-vis de la Russie témoignent d’un désalignement stratégique notable. Il serait dès lors très étonnant de les voir s’allier sur ce terrain. Au contraire, le suivi du fret maritime fait état de plusieurs cargos qui rassemblent les barils de pétrole russe en Europe pour les rediriger vers l’Asie. En effet, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Europe ont annoncé arrêter leurs achats de pétrole russe, celui-ci trouve preneur ailleurs.

Les raffineurs chinois et indiens achètent la production russe à un prix très en dessous du marché; on parle même d’une remise de 35 dollars par baril  ! Difficile d’envisager dans cette situation, un alignement entre les intérêts chinois, indiens et occidentaux, même si en réalité tous profiteraient à long terme d’un véritable cartel des acheteurs. Du côté des produits agricoles, le blé, qui est très suivi en raison des risques pour l’approvisionnement mondial posé par la guerre en Ukraine, a vu son cours flamber de +52% (après un pic de +93% enregistré début mars). Ces risques vont croissants, avec l’exemple de grands pays comme l’Inde qui interdisent dorénavant toute exportation de blé, de peur d’en manquer.

Dans ce contexte, il faut repenser son portefeuille en termes d’allocation sectorielle. En effet, les performances sont très divergentes d’un secteur à l’autre : les actions des entreprises des produits de consommation de base sont stables, alors que les marchés chutent, et les actions du secteur énergétique progressent de +45%. Il faut privilégier les secteurs les moins impactés, marqués par une demande inélastique. Il faut également privilégier le stock picking, en saisissant l’occasion de faire de l’investissement dans la valeur. Les ratios de PER sont très variables sur un même marché, et vont de 7 fois les bénéfices à 45 fois les bénéfices sur le marché casablancais par exemple. Il convient de sélectionner les valeurs prometteuses, et de profiter des cours actuels pour y investir à long terme. 

 

(*) : Omar Fassal travaille à la stratégie d’une banque de la place. Il est l'auteur de trois ouvrages en finance et professeur en Ecole de commerce. Retrouvez-le sur : www.fassal.net.

 

 

 

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