La Banque centrale prévoit une série d’initiatives pour revigorer l’acceptation des transactions digitales, allant de la création d’un fonds de soutien à la mise en place d’une plateforme de paiement instantané. Objectif : moderniser l’écosystème des paiements, réduire la dépendance au cash et accompagner la dynamique de digitalisation de l’économie.
Par Y. Seddik
Face à la lente pénétration des paiements électroniques auprès des commerçants, Bank Al-Maghrib compte désormais passer à l’offensive. Première initiative à court terme : la création d’un fonds d’acquisition de soutien. «Parmi les actions à court terme pour renforcer l’infrastructure des paiements, BAM compte mettre en place un fonds d’acquisition de soutien pour faciliter l’acceptation des paiements électroniques par les commerçants», a annoncé Abderrahim Bouazza, Directeur général de Bank Al-Maghrib, lors du Gitex Africa 2025. Constatant la faiblesse du paiement numérique auprès des commerçants, la Banque centrale souhaite donc mettre en place des mesures incitatives pour favoriser leur adhésion.
«A moyen terme, BAM vise à capitaliser sur les plateformes de paiement existantes pour la mise en place d’une plateforme de paiement unifiée pour le paiement instantané, avec une expérience client plus simplifiée», a précisé le Directeur général. Dans cette perspective, une ambition supplémentaire s'ajoute : la mise en place d'une tarification plus attractive, notamment par la réduction des commissions d’interchange, y compris sur les cartes bancaires. Parallèlement, la Banque centrale étudie également la possibilité de rendre l’usage du cash moins attractif à moyen terme.
«La Banque centrale travaille à mettre en place une tarification plus attractive pour les paiements électroniques, à travers la baisse des commissions d’interchange y compris les cartes bancaires, tout en réfléchissant à rendre l’usage du cash coercitif à moyen terme. Ces actions seront menées dans le cadre d’une stratégie en matière de digitalisation des paiements et de développement de la fintech, qui découle d’un diagnostic rigoureux et approfondi», a indiqué A. Bouazza.
Un cadre réglementaire en évolution
Pour accompagner ces changements, BAM entend également adapter le cadre réglementaire afin de proposer une régulation proportionnée et flexible, tout en restant vigilante face aux risques. «La Banque centrale a déjà assoupli les conditions d’acceptation du paiement mobile par les commerçants et relevé les plafonds des comptes de paiement. Elle entend aujourd’hui aller plus loin pour créer un environnement plus propice à l’essor des paiements électroniques, tout en garantissant sécurité et confiance», a expliqué le DG. Par ailleurs, la stratégie repose également sur le renforcement de la collaboration public-privé.
«Le secteur de la fintech est prometteur et implique des risques qu’il faut maîtriser collectivement. C’est dans cette logique qu’a été créé le Morocco Fintech Center, espace de dialogue et de soutien aux startups fintech, y compris sur le plan réglementaire», a rappelé Bouazza. Un travail d’actualisation législative est également engagé, notamment à travers la révision de certaines dispositions du Code de commerce pour mieux encadrer les nouveaux instruments de paiement, ainsi que par la mise en œuvre de la loi relative à la surveillance des systèmes de paiement. Consciente que la transition vers le paiement digital nécessite également un changement des comportements, Bank Al-Maghrib mise fortement sur l’éducation financière.
«La Banque centrale place l’éducation financière au cœur de sa stratégie, via notamment la Fondation marocaine pour l’éducation financière (FMEF), pour la sensibilisation du public sur l’usage des outils numériques, la prévention des risques et l’accompagnement du changement des comportements des usagers des services numériques», a-t-il souligné.
Cash, e-dirham et crypto-actifs : les chantiers de demain
La problématique du cash demeure cependant un défi structurel. À ce titre, la Banque centrale n’exclut pas l’introduction, à terme, d’une monnaie numérique de Banque centrale, ou «e-dirham». «L’introduction éventuelle d’une monnaie digitale pourrait répondre à certains défis, mais ce projet nécessite beaucoup de temps», a tempéré Bouazza, pour qui «la réussite de ce projet dépendrait de la perception qu’aurait le public vis-à-vis de cette monnaie digitale. Elle devrait être aussi crédible et accessible que le cash physique».
Concernant les crypto-actifs, le DG de BAM a indiqué que le projet de loi destiné à encadrer leur usage est actuellement en cours d’examen au ministère de l’Économie et des Finances, qui doit soumettre le texte à un Comité technique pour en poursuivre l’adoption. Si les cryptoactifs soulèvent des interrogations, BAM s'intéresse néanmoins aux opportunités qu'offrent les technologies sous-jacentes pour le développement des services financiers numériques.
Dans cette dynamique de modernisation, BAM annonce également le lancement d’un nouveau portail digital permettant aux citoyens d’accéder à des informations sur leurs comptes bancaires, incidents de paiement ou successions. Ce portail sécurisé sera progressivement enrichi pour améliorer l’accès des citoyens à leurs données bancaires. Infine, si les chantiers annoncés par Bank Al-Maghrib aboutissent, l’équation des paiements au Maroc pourrait s'inverser : moins de cash par défaut, plus de transactions digitales par réflexe. Mais pour réussir ce basculement, la confiance dans les outils numériques devra encore franchir un cap. À suivre.