◆ Les citoyens face à un manque d’informations et de communication.
◆ L’interprétation des textes de loi pour le report ou la liquidation fiscale diffère d’une administration à une autre.
Par C. Jaidani
La crise économique engendrée par la pandémie de la Covid-19 a impacté sérieusement les entreprises, dont certaines ont vu leur activité chuter drastiquement. La Direction générale des impôts (DGI) a, dès le début de la crise au mois de mars, annoncé une série de dispositions permettant aux sociétés impactées dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions de DH de demander le report de la déclaration et le payement de l’impôt. Une fois passé le délai fixé, les entreprises concernées sont tenues d’honorer leurs engagements.
Pour leur part, les autres sociétés ou les opérateurs soumis au régime du forfait ou déclaratif simplifié, dont le payement de l’impôt est annuel, étaient sous le coup d’une certaine confusion. Déjà, les rapports entre l’administration fiscale et les contribuables n’étaient pas toujours au beau fixe; l’actuel crise n’a fait que les dégrader.
Entre l’application stricte des lois et la réalité de l’environnement socioéconomique, il existe un déphasage qui s’est creusé davantage avec la situation actuelle. Le manque de communication et d’informations a amplifié davantage le flou.
Des interrogations se sont posées de facto, et ce à plusieurs niveaux. Faut-il payer l’impôt en temps requis ou bien il est possible de le différer ? Pour le report, existet-il des pénalités ou des majorations ? En cas de litige, quelles sont les voies de recours ? Qu’en est-il des personnes qui n’ont pas de résidence fiscale au Maroc, mais qui ont des revenus qui sont assujettis ?
«Outre l’essoufflement de la trésorerie des contribuables durant cette crise, d’autres contraintes se sont imposées, comme les restrictions en matière de déplacement interurbain et l’interprétation des textes par les agents de l’administration fiscale peu habitués à ce genre de situation. D’autant plus que les assujettis n’arrivent pas à défendre convenablement leur droit par ignorance ou par méfiance historique à l’égard des autorités, craignant des hostilités par la suite. C’est pour cette raison que les décisions fiscales ne sont pas uniformes dans toutes les administrations», souligne Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal.
En effet, les professionnels contraints d’arrêter leur activité pendant le confinement, comme les coiffeurs ou les propriétaires de hammams, ont reçu des notifications de la part de la DGI leur indiquant la date et le montant à payer de l’impôt. La plupart de ces personnes pensaient qu’elles bénéficieraient d’un report ou attendaient une annonce de la part de l’administration. Ce n’était pas le cas. Les notifications sont traitées par un système d’information qui ne fait aucune distinction entre les personnes en situation difficile ou les autres qui ne sont pas impactées.
Ainsi, au lieu d’envoyer des correspondances pour expliquer leur situation difficile et solliciter un report du payement, les contribuables concernés s’acquittent de leur engagement, et ce aux dépens de leur situation financière. Il faut noter que le bénéfice de mesures spécifiques est soumis à un examen individualisé des demandes de report. L’administration fiscale a laissé à ses agents la liberté d’évaluer la situation de chaque contribuable.
«Certains agents de la DGI sont fidèles à la lettre aux textes de lois et ne font pas un effort de jurisprudence pour préserver équitablement aussi bien les intérêts de leur administration que ceux des contribuables. Ils ne prennent même pas le temps de les informer de leur droit et de la façon de le défendre», explique Oubouali. Que ce soit pour les personnes physiques ou morales, la DGI privilégie toujours les arrangements à l’amiable. Une option qui devrait être favorisée lors de la période post-Covid.