Le Made in Morocco a donné aux entreprises marocaines identité, performance et compétitivité, avec un taux d’intégration locale minimum de 40%. Aujourd’hui, le Made with Morocco ouvre une nouvelle page pour le Royaume, qui se positionne désormais comme partenaire stratégique de codéveloppement industriel et technologique. Entretien avec Adil Lamnini, président de l’Association professionnelle des marques marocaines (APMM).
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : En dix ans, plusieurs entreprises ont obtenu le label Made in Morocco. Quel bilan tirez-vous de cette première décennie du label et quel rôle a-t-il joué dans la montée en puissance industrielle du Maroc ?
Adil Lamnini : Le Made in Morocco est aujourd’hui bien plus qu’un label, c’est un mouvement national, un symbole de confiance et un levier de souveraineté économique. Depuis sa création par l’APMM en 2014, il a contribué à structurer l’identité industrielle du Royaume et à redonner à l’entreprise marocaine la place qu’elle mérite dans l’économie mondiale. Ce label est né d’une conviction forte. En effet, le Maroc devait donner à ses produits une identité, à ses entreprises une fierté, et à son industrie une marque de confiance. Dix ans plus tard, cette vision a porté ses fruits; elle a inspiré une dynamique nationale, reprise et amplifiée par les institutions publiques, la CGEM, l’ASMEX, et un large écosystème d’acteurs économiques et académiques. À noter que le seuil de 40% d’intégration locale minimum a été un levier décisif pour renforcer la chaîne de valeur nationale. Cette exigence a poussé de nombreuses entreprises à moderniser leurs processus, à développer leurs écosystèmes fournisseurs et à investir davantage dans la qualité, l’innovation et la compétitivité. C’est grâce à cette discipline industrielle que le Made in Morocco a pu se positionner comme un véritable garant de performance et de traçabilité, crédible à l’export. Nous ne revendiquons pas la paternité du Made in Morocco, mais la fidélité à une mission : celle d’un Maroc qui croit en sa propre valeur, qui affirme sa singularité dans la mondialisation et qui s’impose comme une plateforme industrielle compétitive. Le label a donné corps à une idée simple mais structurante : «produire mieux, consommer marocain, et exporter avec dignité». Aujourd’hui, il incarne une nouvelle forme de patriotisme économique, fondée sur la performance, la transparence et l’excellence.
F. N. H. : Le Maroc vit aujourd’hui un renouveau industriel sans précédent. Comment l’APMM s’inscrit-elle dans cette feuille de route industrielle et quelle place y occupent les marques nationales ?
A. l. : L’APMM s’inscrit pleinement dans la vision royale d’un Maroc productif et souverain. Cette feuille de route fait du Royaume un modèle de stabilité, de performance et d’attractivité industrielle à l’échelle africaine et méditerranéenne. Notre rôle est d’accompagner cette ambition à travers la valorisation et la montée en gamme des marques marocaines, car une économie forte se reconnaît à la puissance de ses marques. Elles sont la signature du pays, le prolongement de sa réputation à l’international et le miroir de ses valeurs : la qualité, l’innovation et la fierté nationale. En formant, labellisant et fédérant nos entreprises autour du Made in Morocco, nous bâtissons une culture économique de la confiance, alignée sur la vision royale d’une souveraineté industrielle durable. C’est ainsi que nous contribuons à ancrer le Maroc dans la chaîne de valeur mondiale tout en protégeant son autonomie stratégique.
F. N. H. : Le concept Made with Morocco marque un tournant stratégique. En quoi se distingue-t-il du Made in Morocco et comment traduit-il la volonté du Royaume de devenir un partenaire de codéveloppement industriel et technologique ?
A. l. : Le Made with Morocco est la suite logique et stratégique du Made in Morocco. C’est la phase d’ouverture et de maturité de notre modèle industriel. Là où le Made in Morocco a donné une identité à nos produits, le Made with Morocco donnera une vision à nos partenariats. Il traduit la volonté du Royaume, portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, de positionner le Maroc non seulement comme un territoire de production, mais comme un acteur d’innovation, de cocréation et de codéveloppement. Ainsi, le Made with Morocco repose sur trois piliers structurants :
• Coconcevoir : impliquer les talents marocains dans la recherche, le design et la R&D mondiale;
• Coproduire : s’appuyer sur nos écosystèmes industriels, nos énergies vertes et notre logistique d’excellence;
• Codévelopper : bâtir des chaînes de valeur partagées, résilientes et souveraines.
C’est un modèle de soft power économique où le Maroc devient un partenaire de solutions, un pays qui inspire autant qu’il produit. Il reflète une vision de coopération gagnant-gagnant, fondée sur la durabilité, la créativité et l’intelligence collective.
F. N. H. : L’automobile, l’aéronautique et l’agroalimentaire figurent parmi les secteurs moteurs de cette dynamique. Quelles filières émergentes pourraient incarner la prochaine étape du Made with Morocco ?
A. l. : La prochaine vague de croissance viendra des filières à forte valeur technologique et durable telles que :
• Les industries vertes et l’hydrogène, où le Maroc s’impose comme pionnier régional;
• Les technologies digitales et l’intelligence artificielle qui redessineront nos modèles productifs;
• Les industries culturelles et créatives, vecteurs d’identité et d’influence;
• Le textile éthique, les cosmétiques naturels et la pharmaceutique locale, porteurs d’un savoir-faire authentique et exportable;
• Et enfin, les matériaux de construction à haute performance énergétique et écologique, un levier stratégique pour accompagner la transition vers des villes durables, réduire l’empreinte carbone du bâtiment et valoriser les ressources locales. Ces secteurs incarnent pleinement l’esprit du Made with Morocco, conjuguant innovation, durabilité et ancrage national, tout en ouvrant la voie à des partenariats équilibrés et mutuellement bénéfiques avec nos alliés économiques. Le futur industriel marocain sera hybride, responsable et résolument tourné vers l’Afrique et le monde.
F. N. H. : L’ouverture du label aux entreprises étrangères produisant au Maroc suscite l’intérêt. Comment préserver l’identité marocaine du produit tout en maintenant cette dynamique d’attractivité et de création de valeur locale ?
A. l. : Le label n’est pas une barrière, c’est un contrat d’appartenance. Une entreprise étrangère peut être Made in Morocco si elle produit sur notre sol, emploie nos compétences et intègre une part substantielle de valeur marocaine, au moins 40%. Nous voulons attirer les investisseurs, mais pas au détriment de notre souveraineté. Chaque partenariat doit renforcer la chaîne de valeur nationale, créer de l’emploi et promouvoir le savoir-faire local. Le Made in Morocco devient ainsi un modèle ouvert, mais enraciné dans une éthique économique patriotique et compétitive. L’objectif est de faire du Maroc un hub industriel inclusif, où chaque acteur national ou étranger contribue à la prospérité commune.
F. N. H. : Vous évoquez la digitalisation du processus de labellisation et la création d’un observatoire du Made in Morocco. Quels sont vos objectifs concrets à moyen terme ?
A. l. : La digitalisation du label répond à une exigence d’efficacité, de transparence et d’accessibilité. Notre plateforme intégrée permettra aux entreprises de soumettre, suivre et valider leurs dossiers en ligne, en coordination et en parallèle avec les démarches administratives auprès de l’IMANOR et de l’OMPIC. Mais l’innovation majeure, c’est la création de l’observatoire du Made in Morocco, prévue pour 2026. Ce sera le premier think tank indépendant du genre dans la région MENA, dédié à la souveraineté industrielle et à l’intelligence économique. Cet observatoire réunira un board d’entrepreneurs patriotes, d’économistes, d’experts sectoriels et de partenaires institutionnels. Il aura pour mission d’analyser et d’anticiper les transformations industrielles, tout en orientant les politiques publiques et les stratégies d’entreprise. Nos objectifs à moyen terme s’articulent ainsi :
• 1.500 entreprises labellisées d’ici 2030, dont 60% de PME;
• +30% d’exportations labellisées, principalement vers l’Afrique et l’Europe;
• 50 partenariats stratégiques Made with Morocco dans les secteurs technologiques et énergétiques;
• Et la mise en place d’un index national du Made in Morocco, qui valorisera les performances industrielles, durables et sociales.
L’Observatoire sera un espace d’idées et d’action. Le lieu où l’intelligence patriotique rencontre la stratégie économique. Il portera la voix d’un Maroc confiant, créatif et tourné vers l’avenir.