Entretien avec Nezha Hayat, présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux.
Les premiers agréments des sociétés de gestion avant la fin de l’été.
Chaque OPCI aura deux évaluateurs agréés pour une valorisation au moins semestrielle de ses actifs immobiliers.
L’Autorité a créé un service dédié aux OPCI.
Propos recueillis par Badr Chaou
Nezha Hayat : L’Organisme de placement collectif immobilier (OPCI) est un véhicule d’investissement en immobilier locatif, qui est très attendu par les épargnants, du fait notamment que c’est un produit réglementé obéissant à des règles strictes d’investissement et de gestion. Ce véhicule peut également être inscrit à la cote de la Bourse des valeurs. Nous venons d’ailleurs de publier un premier guide destiné aux professionnels, qui décrit toutes les particularités de ce nouveau produit.
Par ailleurs, le cadre légal a introduit une obligation d’agrément concernant les sociétés de gestion des OPCI, ce qui encourage l’avènement de nouveaux intervenants dans le marché. Car, en effet, les actuelles sociétés de gestion d‘OPCVM et d’OPCC n’ont pas le droit de gérer des OPCI, donc il fallait de nouvelles structures avec de nouvelles conditions pour cela. De même, il y aura de nouveaux entrants sur le marché des capitaux, entre autres les évaluateurs immobiliers agréés, qui compléteront l’écosystème gravitant autour des OPCI. Il est clair que cet ensemble d’éléments permettra de redynamiser le marché.
N. H. : Dans un premier temps, je tiens à rappeler que la circulaire relative à l’octroi d’agrément des sociétés de gestion et à leurs conditions de fonctionnement a été publiée au Bulletin officiel en avril dernier. Actuellement, nous sommes dans l’attente de la publication de la deuxième circulaire, et nous aurons bouclé tous les textes législatifs et règlementaires en lien avec l’ensemble des conditions d’octroi d’agrément ainsi que les conditions de mise en œuvre des règles prudentielles qui s’appliquent aux OPCI. Depuis la publication de la première circulaire de l’AMMC relative aux sociétés de gestions d’OPCI, nous avons reçu un certain nombre de dossiers que nous traitons actuellement, ce qui laisse entrevoir qu’avant la fin de l’été, les premiers agréments seront accordés aux sociétés de gestion. D’ici là, la deuxième circulaire sera déjà publiée, ce qui ouvrirait la voie à l’agrément et à la création des premiers OPCI dès la rentrée.
Présentés comme un placement à faible risque et à haut rendement, les OPCI permettront également d'alléger les bilans des entreprises en transformant leurs stocks immobiliers en liquidités immédiates... (Lire l'article)
N. H. : Nous n’avons pas de chiffres sur le potentiel des OPCI en termes d’encours. Par contre, le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Benchaâboun, a parlé d’une étude qui a estimé leur potentiel à 200 milliards de DH. De notre part, en tant que régulateur, notre rôle est de nous assurer du bon fonctionnement de ces produits, de leur bonne compréhension par les investisseurs et épargnants, et d’accompagner la mise en place des sociétés qui vont les gérer. Car, in fine, ce sont ces bonnes règles de fonctionnement qui vont permettre de protéger l’épargne. Par ailleurs, je tiens à signaler qu’il y aura une série d’événements, de workshops et de panels qui sont prévus, et qui ont comme finalité de clarifier l’ensemble des conditions réglementaires, et expliquer différents aspects, dont le fiscal, à titre d’exemple.
N. H. : Nous avons un enjeu d’organisation interne pour accompagner tous les produits innovants, dont les OPCI. Effectivement, nous avons créé un service dédié à cet instrument, puisque nous estimons qu’il donnera lieu à une activité soutenue et qu’il y aura plusieurs créations de sociétés de gestion. Nous avons réalisé plusieurs benchmarks afin de nous inspirer des expériences des pays qui nous ont précédé sur cette activité. Les acquis de ces derniers en OPCI sont importants pour nous, afin que l’on puisse démarrer sur de bonnes bases. Surtout que ce marché peut évoluer très rapidement, ce qui invite l’ensemble des intervenants à une grande vigilance. Il faut rappeler que nous ne sommes que le 3ème pays d’Afrique qui se lance dans ce produit, sachant que cela a été un succès dans l’un des deux et moins dans l’autre.
L’OPCI demeure, tout de même, un produit très nouveau. En Europe, à titre d’exemple, il n’a été mis en place que dans les années 2000, ce qui démontre que c’est une activité nouvelle autour de laquelle il y a des enjeux majeurs, dont l’évaluation immobilière par exemple, d’où la nécessité d’avoir des évaluateurs immobiliers agréés. Je fais remarquer que chaque OPCI au Maroc aura deux évaluateurs agréés pour une valorisation au moins semestrielle de ses actifs immobiliers, et que ces évaluateurs seront à leur tour contrôlés. Le contrôle est ainsi au cœur de nos préoccupations, vu que la valorisation de l’OPCI sera alignée à la valorisation des actifs immobiliers.
Ce produit est une très belle opportunité pour le Maroc, mais c’est en même temps un grand défi pour le régulateur.
F.N.H. : Pensez-vous que l’OPCI va redynamiser le secteur immobilier ?
N. H. : Il n’y a pas de doute que ce produit va dynamiser le secteur immobilier professionnel. Le ministre a évoqué un potentiel de 200 milliards de DH d’actifs en bureaux, donc au moins, ce segment là sera bien redynamisé, et ça pourrait par la suite avoir un impact sur les autres composantes de ce secteur éventuellement. ◆